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Extrait de L'éducation sentimentale (Flaubert)

Publié le 24/03/2011

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flaubert

(A Paris, le 24 février 1848, l'insurrection gronde. Place du Palais Royal, Frédéric assiste aux combats.) Les tambours battaient la charge. Des cris aigus, des hourras de triomphe s'élevaient. Un remous continuel faisait osciller la multitude. Frédéric, pris entre deux masses profondes, ne bougeait pas, fasciné d'ailleurs et s'amusant extrêmement. Les blessés qui tombaient, les morts étendus n'avaient pas l'air de vrais blessés, de vrais morts. Il lui semblait assister à un spectacle. Au milieu de la houle, par-dessus des têtes, on aperçut un vieillard en habit noir sur un cheval blanc, à selle de velours1. D'une main, il tenait un rameau vert, de l'autre un papier, et les secouait avec obstination. Enfin, désespérant de se faire entendre, il se retira. La troupe de ligne avait disparu et les municipaux restaient seuls à défendre le poste. Un flot d'intrépides se rua sur le perron ; ils s'abattirent, d'autres survinrent; et la porte, ébranlée sous des coups de barre de fer, retentissait; les municipaux ne cédaient pas. Mais une calèche bourrée de foin, et qui brûlait comme une torche géante, fut traînée contre les murs. On apporta vite des fagots, de la paille, un baril d'esprit-de-vin. Le feu monta le long des pierres; l'édifice se mit à fumer partout comme une solfatare, et de larges flammes, au sommet, entre les balustres de la terrasse, s'échappaient avec un bruit strident. Le premier étage du Palais-Royal s'était peuplé de gardes nationaux. De toutes les fenêtres de la place, on tirait; les balles sifflaient; l'eau de la fontaine crevée se mêlait avec le sang, faisait des flaques par terre ; on glissait dans la boue sur des vêtements, des shakos1, des armes; Frédéric sentit sous son pied quelque chose de mou ; c'était la main d'un sergent en capote grise, couché la face dans le ruisseau. Des bandes nouvelles de peuple arrivaient toujours, poussant les combattants sur le poste. La fusillade devenait plus pressée. Les marchands de vins étaient ouverts; on allait de temps à autre y fumer une pipe, boire une chope, puis on retournait se battre. Un chien perdu hurlait. Cela faisait rire. Gustave Flaubert, L'Éducation Sentimentale. Vous ferez de ce texte un commentaire composé. Vous pourriez par exemple montrer comment la précision du reportage s'allie au souci esthétique de la composition et vous demander quel est l'intérêt de la présence de Frédéric. Ces indications ne sont pas contraignantes et vous avez toute latitude pour orienter votre lecture à votre gré. Vous vous abstiendrez seulement de présenter un commentaire linéaire ou une division artificielle entre fond et forme.

COMMENTAIRE COMPOSÉ. Premières approches. Erreurs à éviter. • Ne pas croire qu'on puisse examiner séparément « reportage « et « souci esthétique de composition « en juxtaposant des remarques concernant chacun de ces termes. Faire attention au terme employé par le libellé du sujet, « s'allie « : il n'y a pas d'une part une œuvre d'art et d'autre part un reportage, mais une œuvre d'art nourrie d'éléments qui auraient pu fournir un simple reportage.

flaubert

« • « Le souci esthétique de la composition » : étudier la composition et voir quelle peut être sa signification, maispenser aussi que le « souci esthétique » suppose que l'écrivain prenne ses distances par rapport à l'événement.Pourquoi éprouve-t-il le besoin de prendre ses distances ? Comment le fait-il ? Quels autres procédés littéraires dutexte peuvent-ils concourir aux mêmes fins ? • « La présence de Frédéric » : elle peut faire le pont entre les deux aspects précédents ; événements trèsprésents (reportage), mais distance prise par rapport aux événements par la composition, par le travail littéraire, etpar la présence d'un personnage spectateur à la place d'un romancier.

Étudier de près cette présence de Frédéric.Par les yeux de qui voit-on la scène? (Flaubert? Frédéric?) Quand est-il désigné explicitement? (trois fois, dont deuxfois nommé).

Sa présence se limite-t-elle à cela? Quelle est la position du romancier par rapport à son personnage :point de vue du créateur omniscient, ou autre ? Pourquoi ? — L'importance de l'épisode de 1848. • Dans le roman. — Un moment charnière, puisque le récit des journées de Février commence au chapitre 6 de la seconde partie, etse termine au chapitre 1 de la troisième partie. — Un moment évoqué de façon relativement longue : 17 pages pour le mois de février 1848, dont 8 pour les troisjournées révolutionnaires, contre 427 pages pour 28 ans, c'est-à-dire une moyenne de 15 pages par an.— Un moment auquel cette situation exceptionnelle dans le texte donne une valeur particulière : momentd'enthousiasme pour lequel Frédéric a éprouvé un intérêt très vif, et qui se termine par la catastrophe de juin suiviede celle de 1851 : symbole public de l'écroulement des rêves privés de Frédéric, d'autant plus que l'histoire desjournées révolutionnaires est très précisément liée, par de multiples liens, à l'intrigue amoureuse du roman. • Dans la vie de Flaubert. Flaubert était, comme son héros, spectateur des journées de Février 1848; contrairement à Frédéric, qui s'y trouved'abord par hasard, il y était dès le début par choix délibéré, puisqu'il était accouru de Rouen à Paris à la premièrenouvelle des troubles. Il les décrit donc d'après ses propres souvenirs, qu'il confronte au journal de Maxime du Camp écrit au moment desévénements, et aux collections de journaux compulsées très minutieusement.

Il y a donc toutes les raisons pour quele texte ait valeur de « reportage ». On sait que la révolution de 1848 a été sentie et désignée comme une révolution « romantique ».

Elle est doncsentie et utilisée par Flaubert comme symbole de l'échec de la génération romantique.

Une première Educationsentimentale, très proche de l'expérience sentimentale personnelle de Flaubert, avait été écrite en 1843.

Ladeuxième version, publiée en 1869, passe, notamment grâce à l'utilisation de l'épisode de 1848, de l'anecdotepersonnelle à la réflexion philosophique, morale, historique. Flaubert et L'Éducation Sentimentale. On sait que Flaubert prétend faire dans ce roman « l'histoire morale des hommes de [sa] génération ».

Histoireportée par lui, parfois très douloureusement, pendant cinq ans, et alors que les grands traits de l'intrigue amoureuseétaient déjà dessinés vingt ans auparavant.

Histoire — sombre, bilan de la cinquantaine, d'autant plus difficile queFlaubert se sent partagé entre l'enthousiasme romantique auquel il se laisserait aller volontiers et la froideurapparente d'un artiste qui doit selon lui « s'arranger de façon à faire croire à la postérité qu'il n'a pas vécu ».

(voiraussi la phrase citée dans le devoir rédigé, transition).

Histoire qui montre tous les événements de cette périoded'un point de vue si caustique que Flaubert suppose : « Les patriotes ne me pardonneront pas ce livre, lesréactionnaires non plus.

» On comprend bien dès lors l'ambiguité du personnage de Frédéric, très proche duromancier mais représentant aussi parfois ce qu'il déteste, victime et bourreau, symbole par ses échecs personnelsdes échecs et des désillusions de cette seconde génération romantique, qui est aussi celle de Flaubert (quelquesmois de différence entre l'âge de Frédéric et celui de Flaubert). Plan du commentaire composé. I.

Flaubert nous présente un beau tableau... A.

— • Une fête joyeuse... • ...

Considérée par le héros comme un spectacle... B.

— • ...

Et dont l'aspect grandiose... • ...

Est symbolisé par les images de la nature.... »

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