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Extrait du chapitre XIX [Le nègre de Surinam]

Publié le 22/05/2015

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Extrait du chapitre XIX

[Le nègre de Surinam]

En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n'ayant plus que la moitié de son habit, c'est-à-dire d'un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la

5 main droite. « Eh ! mon Dieu! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon ami, dans l'état horrible où je te vois ? - J'attends mon maître, monsieur Vanderdendur, le fameux négociant, ré¬pondit le nègre. - Est-ce monsieur Vanderdendur, dit

10 Candide, qui t' a traité ainsi ? - Oui, monsieur, dit le nègre, c'est l'usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main; quand nous

15 voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait : «Mon cher enfant, bénis nos

20 fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heu¬reux; tu as l'honneur d'être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère.« Hélas! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne. Les chiens, les

25 singes et les perroquets sont mille fois moins mal¬heureux que nous ; les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste; mais si ces prêcheurs disent

30 vrai, nous sommes tous cousins issus de germain. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible.

- O Pangloss ! s'écria Candide, tu n'avais pas deviné cette abomination; c'en est fait, il faudra qu'à 35 la fin je renonce à ton optimisme. - Qu'est-ce

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qu'optimisme? disait Cacambo. — Hélas! dit Can-dide, c'est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal«; et il versait des larmes en regardant son nègre; et en pleurant, il entra dans Surinam.

·   Le discours du nègre (l. 10 à 32)

Le nègre explique alors la raison de son état, en reprenant les trois sujets d'étonnement du début : «caleçon«, «main« et «jambe«. Là encore, Voltaire concentre l'effet du pathétique en ne retenant que les détails frappants.

L'expression : «c'est l'usage« (l. 11), pour désigner le traitement dont il a été victime, sous-entend une logique de l'habitude à laquelle semble se soumettre le nègre; ses malheurs obéissent à une loi supérieure qui n'a d'autre justification que la tradition.

 

Loin de vouloir apitoyer les voyageurs, l'esclave se contente de juxtaposer sobrement des informations : «On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la

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