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« Faire jaillir l'événement poétique d'une gerbe de circonstances fortuites. » André Breton

Publié le 24/11/2018

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CADAVRES EXQUIS

 

Alors que le réalisme, courant littéraire et artistique du XIXe siècle, en particulier le roman, est, selon Stendhal (1783-1842), « un miroir que l'on promène le long d'un chemin », le surréalisme se développe au siècle suivant et s'attache à une tout autre ambition. De fait, la fin du XIXe siècle est marquée par une crise de la représentation du réel qui trouve sa pleine expression dans le surréalisme. André Breton, Louis Aragon et Philippe Soupault publient le premier numéro de la revue Littérature le 19 mars 1919. Un an de parution mensuelle lance un mouvement qu'ils nomment le « surréalisme ». André Breton en donne une définition en 1924 : « Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer soit verbalement soit par écrit soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée [...] en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale ». Les mises en oeuvre et prolongements de cette définition sont vastes et constituent avant tout un mode d'être, une manière d'agir dans le monde. Le mouvement, étroitement lié à la situation politique, est marqué par l'engagement marxiste ou communiste de plusieurs surréalistes.

AUX SOURCES DU SURRÉALISME

Le mot d'ordre de Rimbaud, « changer la vie », et celui de Marx, « transformer le monde », constituent deux axes majeurs pour les surréalistes. Ils vont s'inspirer d'une poésie célébrant l'amour et la liberté.

Tzara fonde le mouvement dada Premier numéro de la revue Littérature Les Champs magnétiques, de Soupault et Breton Premiers dessins « automatiques » de Masson Le Manifeste du surréalisme, de Breton Un chien andalou, de Dali et Bunuel La Clef des songes, de Magritte Persistance de la mémoire, de Dali Exposition internationale surréaliste à Mexico Mort d'André Breton

LE MOUVEMENT SURRÉALISTE

Davantage des expérimentateurs que des écrivains, les surréalistes veulent puiser aussi dans le banal, le quotidien (fêtes foraines, cafés, journaux) des éléments de leur poésie. En outre, il s'agira pour eux d'« ouvrir les prisons », de « licencier l'armée », de « mener, parallèlement à l'action surréaliste proprement dite, une action révolutionnaire non équivoque ». De fait, les expériences littéraires, d'abord ludiques, sont vite rattrapées par les tourments politiques et par la Seconde Guerre mondiale qui déplacent les objectifs des surréalistes.

 

Premières expérimentations

Les Champs magnétiques (1920) En tant que médecins, Breton et Aragon ont assisté aux récits posttraumatiques des soldats du front Breton se concentre dès 1919 sur ces phrases « qui se cognent à la vitre », « qui, en pleine solitude, à l'approche du sommeil, deviennent perceptibles pour l'esprit sans qu'il soit possible de leur découvrir une détermination préalable » (« Entrée des médiums »). Avec Soupault, il rédige les Champs magnétiques. Il s'agit d'écrire le plus vite possible,

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« lors de la guerre d'Espagne (1936).

Breton , au rebours d'Aragon et d'Eiuard, condamne le stalinisme.

Il rend visite à Trotsky exilé, et rédige avec lui Pour un art révolutionnaire indépendant {1938) ; il prône « l'indépendance de l'art- pour la révolution /la révolution - pour la libération définit ive de l'art"· La Seconde Guerre mondia le achève la fracture du groupe initia l.

Breton, Duchamp, Tanguy , Masson, Roberto Matta vivent en exil durant la guerre , notamment aux États-Unis : leur présence motive et inspire puissamment l'art moderne américain .

Un groupe surréa liste, la Main à Plume, se maintient en France.

Il publie notamment Poésie et Vérité de Paul El ua rd et son fameux poème, Liberté.

Pendant trois ans, la revue rallie de nouveaux talents, malgré l'absence des grands noms.

L'APR È S· GUERRE B reton réaffirme à son retou r l'ancrage libertaire du mouvement , réfutant aussi le pessimisme existentialiste de Camus (L'Homme révolté).

Le surréalisme perd donc ses références marxistes au profit d 'une vision mondialiste du rôle des artistes.

Les surréa listes multiplient les prises de positions politiques cont re la guerre en Indochine, puis la guerre d'Algérie et se prononcent en faveur de l'insoumission .

En outre, de nombreuses expositions collectives ont lieu :en décembre 1959, EROS s'ouvre à Paris, suivie en décembre 1965 de «!:écart absolu ».

Les artistes s'élèvent contre une «société de consommation », ce qui augure de la révolte de mai 1968.

GRANDS NOMS DE LA LITTÉRATURE SURRÉALISTE lEs FONDATEURS DU SURRÉAUSME FRANÇAIS André Breton (1896-1966) Théoricien du mouvement surnommé le « pape du surréalisme "· Il écrit ainsi : « !:homme propose et dispose.

Il ne tient qu'à lui de s'appartenir tout entier , c'est-à-dire de maintenir à l'état anarchique la bande chaque jour plus redoutable de ses désirs.

La poésie le lui enseigne " (Manifeste du surréalisme , 1924) .11 cherche à régénérer constamment le mouvement convaincu de la pérennité des découvertes surréalistes, et poursuit aussi une œuvre personnelle autobiographique (Nadja, 1928 ; Les Vases communicants, 1932 ; L'Amour fou, 1937) où la figure de la femme et la folie sont des thèmes récurrents.

Lou i s Aragon ( 1897-1982 ) Il rencontre Breton en 1917, puis, de retour du front , Soupault et Eluard.

Il participe à Dada puis fonde le mouvement surréaliste qu'il raconte dans Projet d'une histoire littéraire (1923).

Il donne un texte-phare de l'activité surréaliste dans Le Paysan de Paris (1924-1926).

Le poète se moque de la réalité : « lté ité la réa/ ité ité la réalité/ La réa la réa/Té té La réa/L i/Té"· Dès 1928, il s'inquiète, dans Traité du style, des perspectives du mouvement qu'il quitte en avril1932.

Philippe Soupault (1897 -1990) Présenté à Breton par Apollinaire, il devient son ami.

Avec Aragon, ils fondent la revue Littérature.

Marquée par l'« esprit nouveau>> et par la satire socia le (Histoire d 'un blanc , 1927), son œuvre fait preuve d'un grand éclectisme et ne se limite pas au surréalisme.

LES PROCH ES Paul Eluard (1895 ·1952 ) Gazé pendant la Première Guerre mondiale, il garde une aversion pour la violence et un désir d'utopie toujours réaffirmé.

Il rejoint l'équipe de Littérature pour devenir poète .

Célébrant l'amour et la liberté, il est en quête d'une poésie passant de « l'horizon d'un homme à l'horizon de tous».

Il pratique ainsi l'écriture collective.

Ami de Max Ernst il côtoie Man Ray, Picasso ou Dali .

Benjamin Péret (1899-1959 ) Il participa aux activités tant politiques qu'esthétiques du groupe.

Le Déshonneur des poètes (1945} dénonce une poésie relevant essentie llement de la propagande.

Il pratique un humour corrosif, une «fantaisie irrespectueuse " et recourt à des images saugrenues et foisonnantes .

Selon Aragon , Benjamin Péret est « celui qui défie le bon sens à chaque respiration "· Robert Desnos (1900 ·1945 ) Il rejoint les surréalistes en 1922 et participe au mouvement avec enthousiasme, « littérature " devenant « erutarettil "· La Liberté ou l'amour {1927} met en œuvre de nombreux jeux de mots .

Il est exclu du groupe en 1930.

René Crevel (1900 ·1935) Il participe au mouvement Dada en 1921.

Révolté radica l (il invitera les surréalistes au suicide collectif), contre la société, animé d'une haine contre sa mère , il écrit : « toute poésie est une révolution en ce qu'elle brise les chaînes qui attachent l'homme au rocher conventionnel "· LES cc COMPAGNON S D E ROUTE » Tristan Tlara (1896-1963 ) Poète français d'origine roumaine .

Principal animateur du mouvement Dada (affiche de T.

Tzara, 1918 }, il organise de 1919 à 1921 des ._ _ _._ __ __, manifestations anti­ artistiques .

Voici ses conseils « pour faire un poème dadaïste " : « Prenez un journal.

Prenez des ciseaux .

Choisissez dans ce journal un article ayant la longueur que vous comptez donner au poème.

Découpez l'article .

Découpez ensuite avec soin chacun des mots qui forment cet article et mettez-les dans un sac.

Agitez doucement.

Sortez ensuite chaque coupure l'une après l'autre.

Copiez consciencieusement dans l'ordre où elles ont quitté le sac.

Le poème vous ressemb lera.

" La création et l'écriture poétique semblent donc totalement vouées au hasard.

Antonin Artaud ( 1896-1948 ) Il devient en 1925 le directeur du bureau du groupe surréaliste, chargé d'unifier la conception de la révolution .

Pour lui, le surréalisme est une subversion totale dirigée cont re la civilisation occidentale.

Son œuvre est liée à la folie .

René Char ( 1907-1988 ) Il adhère au mouvement fin 1929.

Avec Breton et Eluard , il écrit le recueil Ralentir travaux , et collabore à la revue.

Il fait paraître d'importants recueils aux Éditions surréalistes (Arline , 1930 ; Le Marteau sans maitre , 1934) .

Michel Leiris (1901-1990 ) Il fut une recrue de courte durée , mais durablement attachée aux valeurs surréalistes.

Jacques Prévert (1900·1977 ) Membre actif de 1925 à 1929.

Son prem ier texte important est celui de la rupture avec Breton Oe pamphlet collectif Un cadavre) .

Son œuvre poétique rejoint les fondamentaux surréalistes (hormis l'automatisme) : virulence, prosaïsme poétique, anticléricalisme, pacifisme (« quelle connerie la guerre »).

Son procédé de l'« Inventaire " rapproche sa poésie du cinéma.

PEINTRES ET PLASTICIENS Breton découvre en 1921 La Sagrada familia de Gaudi (1852-1926} qui est une « merveille " à ses yeux .

Breton s'intéresse exclusivement à la peinture permettant de « faire faire un pas à­ notre connaissance abstraite proprement dite " (« Distances "· 1923).

Le Surréalisme et la peinture (1928} rejette la peinture imitant le réel, car « l'œil existe à l'état sauvage"· pour son œuvre .

Francis Picabia (1879-1953) Peintre et poète français .

Post-impressionniste , il crée la peinture abstraite française (1909-1912}.

Directeur de la revue cubiste et anti­ artistique 391, il devient un des acteurs majeurs de Dada à Paris et Barcelone .

Il collabore à Littérature , et malgré sa prise de distance en 1924, reste pour Je mouvement un modèle d 'indépendance et d'invention .

Martel Duchamp (1887·1968 ) Artiste français, naturalisé américain en 1955 .

Figure de l'anti-art du XX' s iècle avec Picabia , il renonce à l'art «rétinien" en 1915 et entame son parcours de créations de ready-made (Roue de bicyclette , réplique de 1964) , objets intellectuels et plastiques, élaborés dans 1'« absence tota le de bon et de mauvais goût».

Il organise plusieurs expositions internationales sur le surréalisme .

L'AGE D 'OR Max Emst (1891· 1976 ) Peintre (ici photographié par Man Ray, 1930}, sculpteur allemand, naturalisé français .

Il expose à Paris en 1921 pour la première fois.

Il déclare : « Nageur aveug le, je me suis fait voyant.

J'ai vu." Eluard et Breton admirent ses romans­ collages (La Femme 100 têtes , Une semaine de bonté) dans lesquels il met plastiquement en œuvre le cadavre exquis littéraire.

De plus, les légendes ne correspondent aucunement aux données visuelle s du tableau.

Son œuvre , vraie révolution poétique, le place au cœur du surréalisme.

Avec la technique du frottage (Marine , 1925} , il se rapproche de l'écr iture automatique : un dessin est suggéré par des traces d'objets , d 'une ficelle, d'un tissu ; le peintre recueille alors ces signes en posant sa toile sur ces marques .

Ces « automatismes " relèvent autant de la matière que des mots , ils constituent une illustration de ce que dit Breton : « les mots font l'amour» .

Yves Tanguy (1900-1955 ) Peintre français autodidacte .

En 1927, il expose à la galerie surréaliste.

Pratiquant l'automatisme et l'hallucination, il crée des œuvres suggérant des formes vivantes dans des paysages lunaires (Divisib ilité indéfinie , 1942}.

Reconnu par les surréalistes, il illustre un recueil de Benjamin Péret et la couverture du Didionnaire abrégé du surréalisme.

Salvador Dali ( 1904·1989 ) Lié à Buiiuel , il rédige le scénario d'Un chien andalou qui fait l'unanimité chez les surréalistes .

En 1929 , il donne un second souffle au mouvement.

Sa technique d'élaboration psychique, la méthode « paranoïaque-critique », •------., utilise la ,.,..

., ' répétition de motifs et d'obsess ions.

Les « montres molles " (Persistance de la m émoire , 1931 } reprennent le visage déjà présent dans Le Grand Masturbateur (1929}.

Il écrit des poèmes (La Femme visible, 1930} , des ouvrages théoriques (La Conquête de l'irrationnel , 1935}, crée des objets , des installations ...

, ce qui fait de lui une figure surréaliste majeure des années 1930 .

Son ralliement à Franco en 1939l 'exclut du groupe.

Luis Buiiuel (1900·1983 ) Cinéaste espagnol.

Il se lie avec le groupe en 1925.

Il réalise Un chien andalo u (1928} sur un scénario de Salvador Dall.

L'Âge d'or (1930}, du même scénariste , est interdit.

la filmographie de Buiiuel illustre l'ambition surréa liste : retrouver la logique du rêve et celle du désir jusqu 'à l'expression de ses plus fortes contradictions.

Joan M iro (1893 ·198 3) Peintre espagnol et dessinateur de tableaux-poèmes tournés vers le « modèle intérieur" prôné par Breton .

Il cherche à « assassiner la peinture », c'est -à-dire les conventions qui la soumettent au réel.

Ses tableaux .--~~-- (L'Or de l'azur, 1967} font ressortir une ambiance, relèvent plus de la suggestion que d'une désignation o.;;;;...._.;...

__ _, univoque , passant d 'un réalisme à l'univers des signes et du rêve .

Il déclare : « Pour moi, conquérir ma liberté , c'est conquérir la simplicité .

À la limite, une ligne , une couleur, suffisent à faire le tableau "· Man Ray (1890 -1976 ) Peintre , photographe , portraitiste américain, sa rencon tre avec Duchamp en 1915 décide de sa vocation.

Il invente les proc édés du rayo gramme et de la solarisation (Noire et blanche , 1926).

Les objets , posés sur du papier sensible, prennent une allure fantomatique.

Technique récente, la photographie s'adapte parfaitement à l'art moderne .

Man Ray lui ouvre les portes de l 'humour et du jeu.

Jean (Han s) Arp ( 1887 ·1966 ) Peintre français, poète, sculpteur.

Dès l'époque dada , il recourt à l'automatisme pictura l.

En 1925 , il se joint à la première exposition surréaliste et participe aux suivantes jusqu 'à sa mort.

Ses sculptures en ronde-bosse (Forme blanche , 1961) combinent les formes organiques et tendent vers l'abstraction.

LES INDÉPEN DA N TS Alberto Giacomett i (1901-1966 ) Sculpteur et peintre suisse, arrivé à Paris en 1922.

JI rencontre Masson, Desnos et Leiris .

JI expose avec Mir6 et Arp en 1930 et collabore au groupe, notamment par ses sculptures-objets à caractère sexuel ou mettant en scène la cruauté .

Breton commente une de ses œuvres dans L'Amour fou.

En 1935, il réoriente son art vers le portrait et rompt avec le mouvement.

André Masson (1896·1987 ) Graveur, illustrateur de livres , écrivain, érudit surnommé « l'homme-plume ».

JI participe au groupe surréaliste de 1924 à 1929 , cherchant à - ,..".._.....,,.

adapter les principes de l'automatisme au lm~ S r.411-dessin puis à la peinture (Au bord de la mer, 1927}.

JI réalise des « tableaux de sable ».

René M agritte ( 189 8·1967 ) Élève des Beaux-Arts de Bruxelles, il rejoint le groupe surréaliste belge en découvrant De Chirico et Max Ernst .

Ses tableaux posent de manière forte la question de la représentation du réel : le célèbre « ceci n'est pas une pipe » accompagne pourtant un tableau qui représente une pipe.

La Clef des songes (1930}, en écho à Freud , procède du dérèglement des codes ou des pistes de lecture possib les; il n'existe ni une grille de lecture des rêves (une« interprétation des songes») ni une autre du réel.

Après la mort d 'André Breton en 1966, le mouvement s'étiole progressivement, même si de nombreu x artistes se reconnaissent toujours dans le champ infini des expérimentations surréalistes.. »

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