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Fausses confidences: Quand l’amour parle, il est le maître, et il parlera. Marivaux

Publié le 19/03/2020

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amour

«dorante. — Je l’aime avec passion, c’est ce qui fait que je tremble !

dubois. — Oh ! vous m’impatientez avec vos terreurs : eh que diantre! un peu de confiance; vous réussirez, vous dis-je. Je m’en charge, je le veux, je l’ai mis là; nous sommes convenus de toutes nos actions; toutes nos mesures sont prises; je connais l’humeur de ma maîtresse, je sais votre mérite, je sais mes talents, je vous conduis, et on vous aimera, toute raisonnable qu’on est; on vous épousera, toute fïère qu’on est, et on vous enrichira, tout ruiné que vous êtes, entendez-vous? Fierté, raison et richesse, il faudra que tout se rende. Quand l’amour parle, il est le maître et il parlera: adieu, je vous quitte; j’entends quelqu’un, c’est peut-être Monsieur Remy; nous voilà embarqués, poursuivons. (Il fait quelques pas et revient.) A propos, tâchez que Marton prenne un peu de goût pour vous. L’amour et moi nous ferons le reste. »

«ARAMINTE. — Marton, quel est donc cet homme qui vient de me saluer si gracieusement, et qui passe sur la terrasse? Est-ce à vous à qui il en veut?

MARTON. — Non, Madame, c’est à vous-même. ARAMINTE, d’un air assez vif. — Eh bien, qu’on le fasse venir; pourquoi s’en va-t-il?

marton. — C’est qu’il a souhaité que je vous parlasse auparavant. C’est le neveu de Monsieur Remy, celui qu’il vous a proposé pour homme d’affaires.

araminte. — Ah ! c’est là lui ! ï! a vraiment très bonne façon. ..
marton. — Il est généralement estimé, je le sais. araminte. — Je n’ai pas de peine à le croire : il a tout l’air de le mériter. Mais, Marton, il a si bonne mine
 pour un intendant, que je me fais quelque scrupule de le prendre; n’en dira-t-on rien?
marton. — Et que voulez-vous qu’on dise? Est-on obligé de n’avoir que des intendants mal faits? araminte. — Tu as raison. Dis-lui qu’il revienne. Il n’était pas nécessaire de me préparer à le recevoir; dès que c’est Monsieur Remy qui me le donne, c’en est assez; je le prends. » (I,6)

«dorante. — Et tu me dis qu’elle est extrêmement raisonnable ?

dubois. — Tant mieux pour vous, et tant pis pour elle. Si vous lui plaisez, elle en sera si honteuse, elle se débattra tant, elle deviendra si faible, qu’elle ne pourra se soutenir qu’en épousant. » (I,2)

amour

« S • AMOUR (et séduction) / 45 Dans la scène qui nous occupe (scène 2, acte I), Do­ rante est sur le point d'être présenté à la veuve et doute de réussir mais Dubois, lui, est sûr de son fait et lui promet un infaillible succè,s.

Stratège omniscient, Dubois considère avec précision et sang-froid les fins et les moyens du combat amoureux qui s'engage: «DORANTE.

- Je l'aime avec passion, c'est ce qui fait que je tremble ! DUBOIS.

- Oh! vous m'impatientez avec vos terreurs : eh que diantre! un peu de confiance; vous réussirez, vous dis-je.

Je m'en charge, je le veux, je l'ai mis là; nous sommes convenus de toutes nos actions; toutes nos mesures sont prises; je connais l'humeur de ma maî­ tresse, je sais votre mérite, je sais mes talents, je vous conduis, et on vous aimera, toute raisonnable qu'on est; on vous épousera, toute fière qu'on est, et on vous enrichira, tout ruiné que vous êtes, entendez-vous? Fierté, raison et richesse, il faudra que tout se rende.

Quand l'amour parle, il est le maître et il parlera: adieu, je vous quitte; j'entends quelqu'un, c'est peut­ être Monsieur Remy; nous voilà embarqués, poursui­ vons.

(Il fait quelques pas et revient.) A propos, tâchez que Marton prenne un peu de goût pour vous.

L'amour et moi nous ferons le reste.

» ► D'emblée, Dorante déclare à son ancien valet qu'il est passionnément épris d'Araminte et son objectif paraît être de l'épouser quand il prétend se faire engager comme intendant.

Quels obstacles seraient susceptibles de faire échec à son projet? Dubois les évoque : « fierté, raison et ri­ chesse».

Araminte possède «plus de cinquante mille livres de rente», soit près d'un million de nos francs, alors que Dorante est ruiné.

Mais, objecte Dubois, l'inégalité des conditions, empêchement pourtant majeur, devrait céder devant la séduction physique que constituent la « bonne mine», et la «taille» qui, à elle seule, vaut bien un titre de noblesse («il n'y a point de plus grand seigneur que vous à Paris: voilà une taille qui vaut toutes les dignités possi­ bles», I, 2).. »

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