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FAUST DANS LA LITTÉRATURE jusqu'au Premier Faust de Goethe

Publié le 01/04/2011

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   Cette condition supérieure de l'homme-Faust, telle que le théâtre entreprend de la suggérer et de la prêcher par une résurrection momentanée du magicien maudit — ce Faust, tel que son image la plus parfaite, celle de Gœthe nous le livre, n'a pas été abstrait de la légende du premier coup. L'histoire des Faust est celle d'une conquête, perdue puis reconquise, enfin stabilisée.    Cette légende, née en Allemagne, ayant cristallisé en elle les éléments essentiels de l'âme germanique, n'a pourtant pas — fut-ce l'influence du Luthéranisme ? — connu sa première transmutation dans sa patrie, mais à l'étranger, en Angleterre : ce fut Christopher Marlowe (1564-93), l'auteur de Tamberlaine the Great, qui, pour la première fois, sous le titre de The tragical history of Dr. Faustus, porta Faust à la scène, dans une pièce où le surhumain possible et probable du héros est indiqué : Faust vient alors d'être conquis au populaire par la littérature.    Chez tous les dramaturges de Faust, Gœthe compris, l'auteur, sans rien ôter au personnage traditionnel, élabore une sorte de « symbiose «, Faust + Auteur; et ainsi s'est créée une portée sur laquelle chaque auteur inscrit la mélodie de sa propre humanité, transposant ou contrepointant la mélodie « faustienne « livrée à la fois par la légende et par les prédécesseurs. La mélodie de Marlowe s'inscrivait sur la portée, à la suite d'un thème que n'avait encore enrichi nul compositeur. Et le thème était si puissant, l'avait si fortement influencé, si profondément marqué, que Marlowe le conserva dans ses grandes lignes, n'osant pas — par exemple — sauver Faust. Toutefois, il conférait à celui-ci un orgueil titanesque qui était son propre orgueil, et avec une intensité telle que l'accompagnement éteint souvent la mélodie originale, l'étroitesse et la partialité édificatrices des Volksbücher.

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« En effet, le véritable Faust dormait; les démons n'avaient tenté qu'une ombre, à l'image de Faust, créée par Dieului-même.

Ainsi, pour la première fois, Faust est sauvé, en vertu du principe de l'Aufklärung : « L'homme est surterre pour découvrir la vérité par l'intermédiaire de la raison.

» Pourtant, avec Lessing et l'Aufklärung, Faust quoique sauvé ne se hausse encore qu'à une partie de l'humain, Pourque nous parvenions à l'humanité faustienne de Gœthe, il faudra le mouvement du « Sturm und Drang » auquelGœthe et Schiller sacrifieront dans leur jeunesse avant d'atteindre au classicisme qu'ils ont élaboré. « Le mouvement du Sturm und Drang, écrit Lichtenberger, auquel Gœthe se joint à partir de son séjour à Strasbourget de sa rencontre avec Herder, est l'insurrection de la jeune génération contre l'intellectualisme vieillot, la sagesseterre à terre d'un rationalisme devenu sénile et qui, inconscient de sa médiocrité, affichait d'insoutenablesprétentions à l'infaillibilité.

Ou plus exactement, les Stürmer ne veulent pas détruire l'œuvre de leurs devanciers.

Ilsacceptent, au contraire, sans hésitations l'œuvre d'émancipation accomplie par le rationalisme dans le domaine de lareligion, de la morale, de l'éducation.

Seulement, ils estiment qu'il a été trop timide et qu'il faut aller plus loin encore.Et surtout, beaucoup ont l'intuition plus ou moins confuse que, par suite de la prépondérance trop exclusive donnéeà la raison, à l'intelligence claire, à la volonté consciente et lucide, l'élément irrationnel et subconscient de l'âmehumaine, le sentiment, la passion, l'imagination créatrice, l'instinct religieux se trouvent sacrifiés, que l'intégrité de lanature humaine est menacée, que l'équilibre harmonieux des éléments constitutifs de l'âme risque de se rompre.

Etainsi, au mouvement de dissociation qui a entraîné finalement un état de tension douloureuse entre la religion et laconnaissance, entre la partie rationnelle et la partie irrationnelle de l'être humain, succède un mouvement desynthèse : on aspire à restaurer dans son intégrité l'humanité mutilée par un développement hypertrophique deséléments conscients de l'âme, à rétablir dans leur dignité l'Irrationnel et l'Inconscient injustement rabaissés etméconnus.

Les Stürmer, premiers champions de ce nouvel « humanisme », opposent dès lors au culte excessif ettyrannique de la Raison le culte de la personnalité géniale, de l'homme intégral, aux instincts puissants, à lasensibilité exaltée, aux passions formidables.

Contre l'empirisme prudent, le pédantisme et l'abstraction de la sagesseuniversitaire, ils exaltent l'intuition enthousiaste et la spéculation idéaliste.

Ils prétendent connaître le Cosmos dansson unité vivante et construisent une philosophie de la nature, qui voit partout dans l'univers l'Esprit inconscient, quiconçoit les forces naturelles comme les organes de volontés obscures, et s'efforce de montrer partout les rapportsmystérieux du Conscient et de l'Inconscient.

Au point de vue religieux, ils opposent au déisme du rationalisme et àson plat moralisme le panthéisme 1 mystique qui adore le Dieu Nature.

Ils réhabilitent le Moyen Age décrié commel'ère de l'obscurantisme et de la barbarie : ils vantent sa poésie spontanée et naturelle, la vigueur de sesindividualités, la sincérité de son esprit religieux.

Dans le domaine de l'art aussi, ils combattent la conceptionrationaliste qui tient l'œuvre d'art pour un produit de l'industrie réfléchie et consciente de l'homme, et voientl'élément essentiel du génie artistique non point du tout dans le savoir technique et l'observation des règles, maisdans l'imagination créatrice et le don d'émotion.

» Des hommes vont tenter d'incarner cet idéal humain dans le personnage de Faust.

Ils s'appellent Maler Muller (lepeintre Muller), Lenz, Klinger.

Müller a ainsi défini sa conception faustienne : « Dès mon enfance, Faust a été l'un demes héros favoris : j'ai tout de suite senti quel « type » c'était, un « type » qui a le sentiment de sa force, quiressent l'entrave que le destin et la fortune lui imposent : il voudrait la briser, il s'y efforce, il a assez de couragepour renverser tout sur son passage, assez de flamme au cœur pour aimer un diable qui l'approche franchement entoute confiance.

Monter aussi haut que l'on peut monter, être tout ce qu'on se sent capable d'être, ces désirs sontdans la nature.

De même la révolte contre le destin et contre un monde qui nous opprime, qui ploie sous sesconventions notre vouloir actif...

Il y a des heures dans la vie — qui de nous ne l'a éprouvé? — où le cœur del'homme s'élance plus haut que lui-même, où l'homme au grand cœur, si splendide et si parfait qu'on se l'imagine,rêve de se surpasser encore.

» En tant qu'hommes de leur génération impétueuse et révolutionnaire, Müller, Lenz, Klinger avaient senti, quelquefoisvu, le grandiose problème de Faust.

En tant que poètes, ils furent incapables d'en fournir la solution.

Muller neparvient pas à terminer son drame; celui de Lenz est pauvre et anémique; le roman de Klinger, touffu, confus,médiocre, révèle un auteur impuissant à racheter Faust. On sait l'influence de Herder sur cette génération nourrie de ses idées.

« Herder estime qu'il y a non seulement desindividus « naturels » et des individus de génie, mais aussi des peuples « naturels » et des peuples de génie.

C'est àces individus, à ces peuples et à ces époques de génie qu'il faut remonter de préférence.

Le XVIe siècle allemandest une de ces époques et Faust l'un de ces génies.

Mais il ne s'agit plus du Faust de Lessing, de ce chercheurprobe et solitaire.

Ce n'est pas non plus le jongleur, le bateleur et le mauvais plaisant du théâtre forain, niuniquement le magicien maudit des vieux Volksbücher.

C'est un Titan, c'est l'homme prodigieux qui demande à laterre, au ciel et à l'enfer, de lui laisser goûter toutes leurs joies et toutes leurs terreurs; c'est l'homme à l'esprit, aucœur, à la convoitise insatiables, qui défie Dieu et le Diable, et qui doit apparaître supérieur à l'un et à l'autre, soitdans son triomphe, soit dans la catastrophe gigantesque de son effondrement.

» (G.

Bianquis). A cette conception, le jeune Gœthe a, de tous les Stürmer, été le seul à pouvoir conférer une personnalité.

Uneinitiation à l'étude de Paracelse et à l'alchimie l'avait préparé à sentir et comprendre mieux que les autres lecaractère faustien.

S'intégrant à lui et l'intégrant à son moi, il a ressuscité Faust.

Dans Poésie, et Vérité, évoquantla naissance de son idée de Faust, il écrit : Moi aussi, j'avais erré à travers tout le domaine du savoir et j'avais étéde bonne heure amené a en connaître la vanité.

J'avais, dans la vie aussi, fait des essais de toute sorte ; et j'étaisrevenu toujours plus mécontent et tourmenté.

Ces choses et bien d'autres encore, je les portais en moi, er j'en. »

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