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FÉMINISME ET FÉMINITÉ Littéraire de 1920 à 1929 : Histoire

Publié le 01/01/2019

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histoire

Apres les horreurs et ravages de la Grande Guerre, le temps des Années folles démarre en trombe : le Tout-Paris fait la fête, cède à l'illusion des lendemains qui chantent chez le comte Etienne de Beaumont, chez Charles et Marie-A. Laure de Noailles, ou au Bœuf sur le toit, rue Boissy-d’Anglas. La vie - du moins dans la société aristocratique et le rassemblement cosmopolite de Montparnasse - est femme. Une femme plutôt dissipée, évaporée, frivole, éprise d’elle-même jusqu’au vertige. La vie est aussi mouvement, irrésistiblement attiré par le vide, grisé par la vitesse, abandonné à l’urgence de faire table rase du passé tout en cédant à la saveur du plaisir immédiat : bals costumés, mondanités littéraires, escapades en torpédo vers les plages de Deauville ou de la Côte d’Azur. C’est une «insoutenable légèreté de l'être» qui s’affiche sous le signe d’une euphorie collective et qui traduit l’angoisse d’un monde démantelé, déboussolé, doutant profondément de lui-même, incapable de se redéfinir politiquement.

 

Un féminisme

 

QUI SE TROMPE SUR LUI-MÊME

 

L’une des vérités de ces temps foisonnants est la nouvelle prise de conscience que les femmes ont d’elles-mêmes sur la voie où les a placées l’effort qu’elles ont fourni pendant la Grande Guerre pour faire face aux besoins immédiats de l'existence quotidienne. Elles se découvrent capables d’être indépendantes et cherchent à le devenir effectivement au lendemain de l'armistice. Leur combat a pu prendre bien des formes, des détours ambigus et souvent paradoxaux, mais quoi qu’il en soit, en France, la guerre n’a pas été, comme en Angleterre, ouvertement déclarée entre les sexes. Dans leur soif de conquérir un nouveau statut dans une société modelée et imposée par les hommes, de revendiquer et d'obtenir sur le plan législatif des droits sociaux, politiques et économiques, de tenter de redéfinir dans le champ social de l’après-guerre une liberté, un plaisir pour le corps, de recouvrer une indépendance morale, il semble pourtant que les femmes françaises dans leur immense majorité aient été dupes d'une volonté de libération encore largement soumise à un idéal masculin de la femme.

 

Romancière des femmes, de leurs amours à la fois sensuelles et désenchantées avec les hommes, Colette, qui eut aussi des amitiés saphiques (notamment au cours des difficiles années d'indépendance qui suivirent son divorce d'avec Willy, le mari négrier), a très bien cerné les contours du féminisme des Années folles en France : «Dans sa lutte contre l'homme, il n'est pas question que la femme domine mais elle peut tout au moins tenter par la dissimulation et la ruse de n'être pas totalement vaincue.»

 

Colette, femme profondément, solidement narcissique et lucide, a su décrire dans Chéri, dans la Vagabonde, le pli de la servitude consentie, la tyrannie des sens et l'animale intelligence du désir. Son mari Willy était d’ailleurs bien le premier à prôner les amitiés sulfureuses, le ménage à trois et toutes formes «sophistiquées» de l'amour qui relèvent plus d'un dégoût ou d'un ennui du désir masculin que d’une affirmation par la femme d'un désir qui ne tiendrait qu'à elle. Le besoin de vassalité de la femme à l'égard de l'homme n'a peut-être jamais été aussi profond en ces temps où régnent des mentalités viscéralement misogynes. C’est sur cette toile de fond mystifiante que se dessinent de nouveaux types de femmes. La «Happer» américaine ou la «garçonne» française sont, à cet égard, des femmes qui, s’étant crues ou voulues affranchies, ne sont parvenues qu’à afficher un anticonformisme très infantile et — à bien considérer — réactionnaire, visant à imiter des attitudes ou des comportements masculins.

 

 

\\ A*

Les concours de tabagisme, place des Fêtes à Belleville, ont aujourd’hui de quoi faire sourire, même si beaucoup virent à l'époque dans ces manifestations une preuve authentique de «libération» de la femme.

 

Le type de la garçonne, décrit par l’écrivain Victor Margueritte en 1922 et immortalisé en 1928 par Louise Brooks dans le film Loulou de Georg Wilhelm Pabst, se signale par une allure caractéristique: nuque rasée, cheveux coupés courts au carré, coiffés par le chapeau cloche créé par le couturier Paul Poiret, tailleur masculin et panoplie du long fume-cigarette et des foulards. La garçonne n’a plus la dimension absolue et tragique de la femme fatale du modem style qui attirait l’homme par son innocence, son absence de culpabilité à l’égard du désir. Elle porte aujourd’hui en elle peut-être la bêtise et la haine de l’homme. Les garçonnes se retrouvent dans des boîtes de nuit (le Monocle, boulevard Edgar-Quinet) qui s’apparentent de plus en plus à de vrais ghettos ou à des repaires du lesbianisme agressif et primaire.

 

L’autre archétype de femme masculine des Années folles est celui de l’androgyne : d’allure sportive, très mince, elle est habillée par Eisa Schiaparelli (la créatrice de la fameuse ligne haricot vert, sophistiquée, à l'«italienne») ou par «Coco» Chanel, l'amie de Georges et Ludmilla Pitoëff et de Jean Cocteau, qui habille aussi les dames du Tout-Paris. Dans les relations entre hommes et femmes, l’androgyne manifeste au plus haut degré une véritable peur de la sexualité et une nostalgie de la pureté : non individuée, non différenciée, l’androgyne n’existe aux côtés de l'homme que pour exalter à l'infini la promesse d’un désir sans cesse différé. Aveu d’impuissance?

 

Quoi qu'il en soit, garçonne ou androgyne, ces deux modèles de femmes opposés, dupliqués par l’industrie de la mode, constituent le tissu vivant d'une idéalisation romantique de la féminité, vue et tenue sous le regard et la tutelle de l'homme. En définitive, c'est peut être la cocotte, la demi-mondaine ou la fille de joie qui restent en matière de féminisme des Années folles les types les plus subversifs. Colette ne s'y trompe pas qui écrit : «Je veux fréquenter les dames qui vivent de leurs charmes, pourvu qu'elles soient gaies, fantasques, voire mélancoliques et sages, comme sont souvent beaucoup de filles de joie.»

Les suffragistes :

 

DES PIONNIÈRES ISOLÉES

 

Dans ce contexte trompeur de soumission inconsciente de la femme à un état d’esprit misogyne, il n’est pas étonnant que l’avant-garde politique des «suffragistes» — néologisme prisé au temps des Années folles — soit restée si discrète, n’ait recueilli que peu de faveurs et de soutien parmi les femmes et n’ait obtenu que de piètres

histoire

« FÉMINISME ET FÉMINITÉ LITIÉRAIRE.

Loin des mirages d'une féminité complaisamment ambiguë, les féministes revendiquent le droit de vote.

© Presse · Sport · Larousse FÉMINISME ET FÉMINITÉ LITIÉRAIRE.

Sylvia Beach (ci-contre sur le pas de sa première librairie) ose publier Ulysses de James Joyce.

©Collection BU/y Klüwr et Julie Martin/Princeton Uni>.,.rsity Library succès politiques.

Mal organisé.

ce mouvement existe néanmoins: l'Action sociale de la femme.

fondée par Mme Chenu.

devient en 1925 l'Union nationale pour le vole des femmes.

qui sera dirigée en 1927 par la duchesse Edmée de La Rochefoucauld.

Cette dernière fera souvent preuve de souplesse à l'égard des sénateurs.

Elle ne réussira pas pour autant.

pas plus que la Ligue pour l'obtention immé­ diate du suffrage.

présidée par Marthe Bray-Smeets.

ou que l'Action française pour le suftfage des femmes.

dirigée par Cécile Brunschwig (future secrétaire d'Etat soùs le Front populaire).

à infléchir le refus que 1� Séna1 oppo�e à Joui projet nu propo�ition de loi ,·isant à accorder le droit de \'Ote aux femmes.

Ainsi.

la proposition de LoUis Marin.

parlementaire conservateur mais féministe.

est écartée en no­ vembre 1922 par 184 voix contre 156.

Seules acquisitions notables au cours de la décennie : la création d'un Comité central des allocations familiales.

la constitution au Sénat par Louis Marin d'un groupe des droits de la femme.

soutenu par Maurice Barrès et Paul Valéry en 1924.

la loi Strauss de 1925, qui oblige les communes à verser une pension aux femmes en congé de matcrnilé.

La grève des postières de seplembrc 1925 («à travail égal aux hommes.

salaire égal,) ne chan­ gera rien à la réalité des faits.

à l'inexorable force d'inertie.

au poids des habüudes qui ont cours en matière d'inégalité sociale.

Une grève dont il est rendu compte dans la presse féminine.

et notamment dans la revue Mi11erva par Séverine.

journaliste célèbre et disciple de Jules Vallès.

animatrice chez Natalie Clifford Barney de réunions politiques et pacifistes.

mais également coutumière de� •Mardis,.

de Rachilde.

rue de Condé.

Il est probable que cc peu d'ampleur du mouvement militant des «suffragistes», son manque de cohésion et le faible écho qu'il suscite dans la société française des années vingt aient partie liée avec le non-féminisme et l'apolitisme foncier des femmes elles-mêmes qui vivent une époque peu propice à cc genre de revendications.

T ROIS FEMMES: RACHILDE.

ANNA DE NOAILLES.

COLETTE La manière dont Rachilde et la comtesse Anna de Noailles traversent les années vingt est au demeuranl très éclairante : la pre­ mière.

depuis sa jeunesse.

fait profession d'écrivain et de critique littéraire (cofondatrice en 1889 du Mercure de Fra11ce avec Alfred Vallette.

qu'elle épousera en 1&99).

La seconde.

Anna de Noailles.

est devenue célèbre dès la parution de son premier recueil de poésies en 1901 :le Cœur innombmble.

Les deux femmes ne s'esliment guère et ne se fréquentent pas.

tenant ch. »

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