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Flaubert, L'Education Sentimentale - Lecture analytique

Publié le 22/02/2012

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Intro : L'Education sentimentale de Flaubert est un roman retraçant le parcours de Frédéric Moreau et de sa grande passion, qui reste platonique, pour Mme Arnoux. Roman pessimiste, cette oeuvre évoque surtout les échecs de ce jeune homme, de cet anti-héros, qui se veut l'équivalent masculin de Mme Bovary : Frédéric rêve plus sa vie qu'il ne prend part à l'action. L'extrait proposé évoque ici l'une des relations de Frédéric avec en toile de fond le début de la Révolution de 1848 : le héros, déçu d'avoir raté son rendez-vous avec son grand amour, se console avec Rosanette. Les deux jeunes gens observent, sans vraiment comprendre, le début de la Révolution de 1848. En quoi ce passage avec une trame historique révèle la passivité de Frédéric ? C'est ainsi qu'on peut dire que ce texte est représentatif, tout d'abord, de la figure de l'anti-héros et que la révolution décrite en l'occurrence est ratée.
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« Surgissant de façon inopinée dans le destin du héros, l’Histoire paraît incompréhensible, elle se développe extérieurement à laconscience des personnages qui la subissent plus qu’ils ne la font En fait, la révolution de 1848 a balayé en trois jours le régime : le22 février eut lieu une manifestation contre l’annulation du banquet (les rassemblements publics étaient interdits, l’oppositionorganisait donc des repas où les partisans pouvaient débattre), le 23 il y a eu des manifestations anti-Guizot qui ont débouché par unefusillade, le début de la Révolution, évoquée ici, le 24, Louis-Philippe abdiqua et s’exila en Angleterre. La scène décrite plante une atmosphère contraire à celle d’une révolution, dès le début, cet événement est décrit comme raté : lafoule est en joie : « Tout le monde était en joie » (l.

9), « enthousiasme » (l.

13) ; c’est l’inverse de la norme (« clarté comme en pleinjour » (l.

10), les soldats sont tristes et effondrés (« harassés, l’air triste » l.

11), la fusillade est présentée comme une « pièce de soiequi se déchire » (l.19 et 20).

Les manifestations prennent des allures de fête alors qu’il s’agit du début de la révolution : « lampions »(l.10), « lanternes vénitiennes » (l.15), « guirlandes de feux » (l.16).

Le comportement des deux personnages ajoute à cette ambiancepuisqu’ils observent tranquillement les événements par la fenêtre, puis ils dînent et vont se promener. La focalisation porte sur un personnage qui ne comprend pas ce qu’il se passe.

C’est aussi lié au refus du narrateur de créditerl’Histoire de ses privilèges traditionnels : l’insurrection devient un épisode dérisoire de l’absurde comédie humaine.

L’événementhistorique subit donc le réalisme déceptif de Flaubert qui déconstruit l’épique : la scène est réduite à un spectacle dérisoire.

Parceque Frédéric n’y comprend rien (l.

14 « Frédéric blaguait, était très gai », l.

5, l.

21 à 23, l.14 « faisait rire »), il n’a pas conscience dela réalité, ni de la portée des événements auxquels il assiste.

La révolution est montrée telle quelle, aux antipodes de tout héroïsmespectaculaire, au-delà de l’image que Frédéric se fait d’une révolution.

Il ne croit pas à cette réalité qui diffère de la représentationqu’il s’en fait : « Ah ! On casse quelques bourgeois, dit Frédéric tranquillement » (l.21).

La description à la 3 ème personne et la perception subjective engendrent donc que la réalité est déformée par une conscience qui lui superpose ses attentes.

Lesévénements traduisent la vision fluctuante, fragmentaire du héros et ses hésitations incessantes. La déconstruction de l’épique passe aussi par les plans d’ensemble, la révolution est sabotée par le narrateur qui la tire versl’incohérence : « soldats harassés » (l.

11), « fourmillement confus» (l.

16), « grand brouhaha » (l.17), « pareil au craquement d’uneimmense pièce de soie que l’on déchire » (l.

19 et 20).

Tout est ridiculisé : « tout à coup » (l.

19), la rapidité s’ajoute à l’incohérence.Les soldats abandonnent : toute noblesse épique est ôtée du texte et la fusillade est dévaluée par sa propre confusion. L’Histoire est, en quelque sorte, niée par l’auteur car des métaphores la récusent en même temps que ses acteurs : « Fourmillementconfus » (l.

16), « brouhaha » (l.

17), « foule trop compacte » (l.

18).

De plus, la fusillade n’est pas décrite (l.20) : Frédéric fait uneremarque mal venue à son propos et se désintéresse, on ne sait plus ce qui se passe car on reste sur le point de vue despersonnages.

Le narrateur ne s’est attardé sur la foule que lorsque celle-ci se moque et s’amuse de l’événement dramatique. Conclusion : En définitive, cet extrait de l’Education sentimentale est bien représentatif de l’œuvre dans le sens où le personnage y révèle sa passivité face à un événement historique.

Anti-héros, Frédéric rate un double rendez-vous : avec Marie et avec l’Histoire.

On peutdire de ce texte qu’il s’agit d’une double profanation : d’une part, une révolution tourne en fête puis en fusillade pour mieux êtreoubliée par le narrateur et d’autre part, un lieu d’amour est profané puisque Frédéric y emmène une autre que Marie et lui ment.

Encela aussi Frédéric échoue : il trahit l’amour sincère de Rosanette. Ainsi , l’Education sentimentale est révélatrice de la pensée pessimiste de Flaubert : l’anti-roman déconstruit à la fois l’Histoire et le héros.

Le seul héros devient l’écrivain, acharné à produire l’équivalent d’un monde non seulement sans illusion, mais éteint.. »

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