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Flaubert, Madame Bovary, 1857 : Le bovarysme d'Emma

Publié le 11/12/2011

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A travers ses romans, Flaubert s'affirme comme un maître du réalisme. Chacune de ses

œuvres fait le constat de l'échec, d'une expérience amère et désenchantée du monde. Dans son chef-d' œuvre, Madame Bovary, publié en 1857, le romancier s'inspire d'un fait divers pour raconter le destin d'une jeune femme, Emma Bovary, confrontée à l'ennui d'une vie banale et étouffante. Dans l'extrait étudié, l'héroïne, qui vient de se marier, se penche sur sa vie à l’occasion      de l'une de ses promenades dans la campagne. Nous verrons ce que ce passage révèle de la psychologie du personnage, en étudiant d'abord les causes et l'expression de l'ennui d'Emma, puis              

en analysant les échappatoires que trouve la jeune femme pour fuir ce quotidien décevant.

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« inspirées par ses lectures romanesques. Emma va jouer au romancier et réécrire sa vie comme elle la rêve.

Le discours indirect libre (1.12 à 15, puis 21 à 25) mêle d'ailleurs la voix du personnage à celle du romancier.

Les verbes de pensée («se demandait» 1.11, «cherchait à imaginer» 1.12, «connaissait» 1.13) et les phrases interrogatives témoignent de l'effort d'Emma pour imaginer une autre vie.

L'irréel du passé (conditionnel passé « s'il n'y aurait pas eu moyen », 1.11, « 11 aurait pu », 1.14) et les expressions « autre », « vie différente », « non survenus » montrent la volonté de substituer l'imaginaire à cette réalité si décevante.

Dans le premier paragraphe, la présence de la « levrette », chien réputé aristocratique, illustre les rêves mondains d'Emma.

Condamnée à vivre ses rêves par procuration, l'héroïne se laisse bercer par les mirages d'une autre vie liée, forcément, à un autre mariage.

La jeune femme imagine alors l'homme de ses rêves, en tous points opposé, bien sûr, à Charles Bovary, comme en témoignent les tournures négatives (« ce mari qu'elle ne connaissait pas » 1.13, « ne ressemblaient pas » 1.14), et l'accumulation d'adjectifs laudatifs (« beau, distingué, spirituel, attirant », 1.14) qui ne font qu'accentuer , par contraste, la médiocrité de Charles. Sa pensée vagabonde s'échappe alors vers la ville et la vie imaginaire de ses anciennes camarades de couvent, forcément mariées à des princes charmants et donc beaucoup plus heureuses qu'elle.

La ville symbolise t out ce dont rêve Emma, et s'oppose totalement à la campagne, marquée par la routine et l'inertie.

Le champ lexical de l'animation - donc de la vie — est développé dans le deuxième paragraphe : « le bruit des rues, le bourdonnement des théâtres et les clart és du bal » s'opposent au calme mortel de la campagne.

Les sens et les sentiments y sont stimulés et on y trouve des divertissements qui s'opposent à l'ennui de la vie d'Emma.

La ville devient alors le lieu de l'artifice et de l'éclat, lieu où « le cœur se dilate » et n'est donc pas envahi par les toiles d'araignées...

Mais ces mirages ne rendent finalement que plus douloureux l'ennui et l'insatisfaction de l'héroïne qui se sent à jamais exclue de ce rêve, comme en témoignent la conjonction de coordination « mais » et la virgule qui isole lé pronom « elle » à la ligne 17, opposant la vie d'Emma à celle de ses anciennes amies. La rêverie de la jeune femme, par association d'idées, se tourne alors vers un passé idéalisé et regretté.

A partir de la ligne»? (« Elle se rappelait ») est évoqué en effet le souvenir heureux des jours de distribution de prix au couvent.

Emma revoit distinctement la fillette qu'elle était alors : « ses cheveux en tresse », « ses souliers de prunelle découverts », sans oublier la « robe blanche » dont la couleur symbolise la pureté (avant l'erreur de son mariage...).

Souvenir d'une époque où tous les rêves de princesse étaient encore possibles : « couronnes », « calèches » dans la cour, «maître de musique», «estrade»...

Emma était alors sur un piédestal et non «assise sur le gazon » (1.8).

Elle se souvient aussi de la galanterie des hommes apparaissant comme autant de princes charmants potentiels : « elle avait une façon gentille et les messieurs, quand elle regagnait sa place, se penchaient pour lui faire des compliments ».

En fait, les désirs d'Emma n'échappent pas aux clichés : quoi de plus stéréotypé, en effet, que les rêves de prince charmant et de bals au palais ? De plus, les mirages du passé, comme ceux du présent, renforcent la mélancolie du personnage : à la fin de l'extrait, la répétition de la phrase exclamative « Comme c'était loin ! » traduit bien le regret et l'acuité du désespoir d'Emma. Malgré ses efforts, Emma ne parvient pas à échapper à l'ennui et ses rêveries ne font qu e mettre en relief la médiocrité de sa vie. Cet extrait révèle la profonde mélancolie d'Emma Bovary qui, en proie à l'ennui, cherche à fuir une réalité décevante.

Mais les mirages du présent et du passé, loin d'être des échappatoires efficaces, ne font qu' accentuer le désespoir de la jeune femme.

A travers ce texte peut alors être défini le bovarysme, néologisme créé à partir du nom de l'héroïne et désignant un état d'insatisfaction qui pousse à une fuite dans l'imaginaire et le romanesque.

Les rêveries d'Emma sont en effet nourries de ses lectures romanesques et de destins qui ne ressemblent en rien à celui d'une femme au foyer, mariée à un médecin sans ambition et vivant dans la campagne normande...

Ouvertures possibles : • Madame Bovary n'est pas sans rappe ler Don Quichotte, le célèbre héros de Cervantes qui a voulu faire de sa vie un roman de chevalerie...

Ou : Même si elle est une jeune femme du XIXe siècle, l'héroïne de Flaubert échappe au temps et est donc très moderne : de nos jours, de nombreuses perso nnes, nourries de séries télévisées ou de magazines « people » souffrent en effe. »

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