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Flaubert, Madame Bovary, Deuxième partie, Ch. XV

Publié le 21/02/2011

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flaubert

Emma Bovary, qui mène à Yonville une existence morne et sans rapport avec ses goûts, assiste, à l'Opéra de Rouen, à une représentation de Lucie de Lamermoor. Elle admire le ténor Edgar Lagardy.

Dès la première scène, il enthousiasma. Il pressait Lucie dans ses bras, il la quittait, il revenait, il semblait désespéré. Il avait des éclats de colère, puis des râles élégiaques d'une douceur infinie, et les notes s'échappaient de son cou nu, pleines de sanglots et de baisers. Emma se penchait pour le voir, égratignant avec ses ongles le velours de sa loge. Elle s'emplissait le coeur de ces lamentations mélodieuses qui se traînaient à l'accompagnement des contrebasses, comme des cris de naufragés dans le tumulte d'une tempête. Elle reconnaissait tous les enivrements et les angoisses dont elle avait manqué mourir. La voix de la chanteuse ne lui semblait être que le retentissement de sa conscience, et cette illusion qui la charmait, quelque chose même de sa vie. Mais personne sur la terre ne l'avait aimée d'un pareil amour. Il 1 ne pleurait pas comme Edgar, le dernier soir, au clair de lune, lorsqu'ils se disaient : « A demain ; à demain !... « La salle craquait sous les bravos ; on recommença la strette 2 entière ; les amoureux parlaient des fleurs de leur tombe, de serments, d'exil, de fatalité, d'espérances, et quand ils poussèrent l'adieu final, Emma jeta un cri aigu, qui se confondit avec la vibration des derniers accords.

Flaubert, Madame Bovary, Deuxième partie, Ch. XV.

Vous ferez de ce texte un commentaire composé. Vous pourriez, par exemple, analyser le regard ironique porté par Flaubert à la fois sur l'exaltation de son personnage et sur la médiocrité du spectacle qui en est la cause.

REMARQUES

« Un bel organe, un imperturbable aplomb, plus de tempérament que d'intelligence et plus d'emphase que de lyrisme, achevaient de rehausser cette admirable nature de charlatan où il y avait du coiffeur et du toréador « ; c'est ainsi que Flaubert qualifie le ténor, quelques lignes avant ce texte. On verra qu'il soulève l'enthousiasme de Madame Bovary, ce qui laisse supposer le regard que Flaubert porte sur elle.

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