FLORE Jeanne : sa vie et son oeuvre
Publié le 06/12/2018
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FLORE Jeanne (lre moitié du xvie siècle). Les Comptes amoureux de « Madame Jeanne Flore », publiés à Lyon dans les années 1530 et signés d’un nom demeuré mystérieux, constituent l’un des plus singuliers et des plus modernes recueils narratifs de la Renaissance française.
Le livre nous est parvenu mutilé. Que l’on se fie aux Comptes amoureux ou à la Pugnition de l'Amour contempné (1540), il faut savoir que nous ne lisons que les fragments d’un ouvrage plus vaste. Mais ni le sujet ni la composition d’ensemble ne permettent le moindre doute : Jeanne Flore, contre la conception pessimiste de l’amour défendue au même moment par la Deplourable
«
Fin
de Flamecte (traduite de Juan de Flores par Maurice
Scève), invite les femmes à succomber à leurs désirs et
à cultiver tous les plaisirs.
A commencer par celui du
texte: sous J'égide du Songe de Poliphile, encadrée
comme l'était le Décaméron, nourrie d'un italianisme
heureux et luxueux marié à de flamboyantes réminiscen
ces gothiques, son écriture se veut conquête triomphante
de la parole et affirmation du pouvoir de créer.
Ses mots
débridés racontent la libération des corps, le châtiment
des orgueilleuses et des frustrées qui se sont montrées
rebelles à la « saincte affection d'amours».
Jeanne Flore décrit la joie des sens sur le mode brû
lant, à moins qu'elle ne la rêve.
Faut-il donc penser,
comme le suggère 1 'envoi final, « que tout ce est fiction
de poësie »? Son insistance à souligner l'« ancienneté»
de ses histoires, alors que la mode est à la « nouvelle
nouvelle», le recours à des sources dont le caractère
littéraire et « intertextuel » marqué devait être fort sensi
ble aux lecteurs contemporains invitent à le penser.
Tout
comme le choix d'un style au dessein rhétorique affirmé
quand la production narrative s'efforce à l'oralité.
Mais
ce serait là négliger la partie la plus militante et la plus
urgente du recueil.
Car quand Jeanne Flore vient à pro
tester contre l'« impareil mariage» qui place dans le lit
de beautés jeunes et fraîches des vieillards luxurieux
mais glacés, sa verve s'anime, où l'on pressent un cœur
intéressé : « ...
il eust la teste grosse et lourde, herissée
de rude et aspre chevelure, jà envieillie et grise, le front
ridé, les sourcilz gros et espaix ...
De l'estomach luy
issoit une espaisse et fetide haleyne à travers une puante,
noyre et baveuse bouche ...
» A tel autre « estoient restées
en la gueule quatre dens pourries et caverneuses ( ...
) Et
quand il rehaulsoit ses vestemens, de là exbaloit une
pueur d'urine abhominable ».
Pareil «contre-blason»,
même inspiré par Pétrone, signale une vigueur de convic
tion qui va au-delà de la réussite oratoire.
Comment
l'oubli put-il recouvrir ce livre pendant trois siècles? On
l'avait lu au xv1• siècle (à sa mort, Galliot du Pré en
conservait 64 exemplaires, comme pour les grands suc
cès de l'époque).
Si les Comptes amoureux n'ont pas été
réimprimés après 1574 (ou, preuve supplémentaire, n'ont
connu au XIX• siècle qu'une impression pour bibliophiles
avertis), c'est moins, on le devine, par indifférence que
par souci concerté de prévenir le scandale d'une parole
de femme devenue insupportable.
BfBUOGRAPHIE L'édition critique établie par le Centre lyonnais d'étude de
l'humanisme (Lyon, P.U.L.
et C.N.R.S., 1980) éclaire le texte de
la manière la plus complète et la plus exacte tout en faisant le
p o int des recherches sur l'ouvrage et son présumé auteur.
D'après Cl.
Longeon, «Du nouveau sur les Comptes amoureux
de Madame Flore», B.H.R., 1982, t.
XLIV, (Jeanne Flore pour
rait n'être qu'un prête-nom d'Étienne Dolet).
Voir également
O.-A.
Pérouse, Nouvelles françaises du xvi' siècle.
Genève,
Droz, T.H.R., 1977, chapitre IV..
»
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