Fonction du personnage de Phèdre
Publié le 30/07/2014
Extrait du document
Fonction du personnage
de Phèdre
(POUR COMMENCER)
Le problème central sur lequel on peut vous interroger à l'oral est
celui du sens de la pièce, lié à la fonction du personnage principal.
Ce sens est à rechercher dans l'oeuvre même et au-delà, dans le
mouvement des idées d'une époque.
On montrera que Phèdre exprime une vision de l'être humain
conforme implicitement à une certaine théologie, vision qui
rejoint et favorise les exigences d'une construction dramatique du
personnage.
n 1 a vision pessimiste de l'homme
~---------~---~ --
Cette conception pessimiste de la nature humaine, fréquente dans
la littérature du XVIIe siècle, est fortement influencée par la pensée
chrétienne.
La théologie chrétienne. La théologie propose une vision
pessimiste de l'être humain. Cette théologie, celle de saint Augustin,
professe que, depuis la faute d'Adam et Ève et la chute originelle, le
salut éternel de l'homme procède d'une faveur gratuite de Dieu, et
jamais de l'effort humain: l'homme est incapable de résister au mal,
donc de gagner le ciel par ses propres mérites. Le péché originel a
radicalement corrompu sa nature, il n'a plus assez de vertu pour
avancer de lui-même sur la voie du salut. La créature est innocente
parfois dans son intention, mais incapable de se réformer, car elle
est dominée par l'égoïsme et l'amour de soi. Il faut donc, pour
échapper au mal, une aide de Dieu, qui est la grâce.
«
Conviction aggravante chez les jansénistes, le salut éternel est
réservé à un petit nombre de justes, quelques rares élus ; les autres
sont prédestinés à l'enfer, et même les innocents, car il arrive que
Dieu refuse sa grâce à des justes.
La condamnation de l'amour.
Cette vision pessimiste de
l'homme, celle de beaucoup de contemporains de Racine, mani
feste défiance et sévérité à l'égard de la nature humaine et de ses
impulsions.
Elle dénonce comme une illusion tout éclairage posi
tif sur l'homme.
En particulier, elle voit dans l'amour un besoin égocentrique où le
désir
de s'approprier l'autre et de le dominer l'emporte sur la géné
rosité ; l'amour terrestre, même épuré, n'est nullement, comme
dans la tradition courtoise, une ébauche de l'amour de Dieu, ni
source d'épanouissement, ni occasion de rachat.
Voyez les amants
innocents de Racine : Hippolyte et Britannicus meurent de leur
amour, comme s'ils en étaient punis; et les tendres amantes, Aricie
et Junie (dans Britannicus), sont promises à la désolation.
L'amour n'est rien d'autre que l'amour de soi-même, c'est-à-dire
«Une passion de régner sur autrui», selon La Rochefoucauld.
Bassesse et grandeur.
L'excellence de l'homme se traduit
seulement dans le sentiment qu'il a de sa déchéance: «La grandeur
de l'homme est grande en ce qu'il se connaît misérable>>, écrit Pascal.
Il
voit
l'homme écrasé dans la nature entre !'infiniment grand et !'in
finiment petit, limité dans sa connaissance, son jugement cor
rompu par l'imagination, la coutume et l'amour-propre ; inca
pable de justice, et faisant de la force sa justice ; étranger au
bonheur, condamné à l'ennui, dont il ne peut se guérir que par la
futilité du divertissement.
La nature de l'homme n'est haute que parce qu'elle ne peut être
basse avec tranquillité : ainsi Phèdre est consumée et anéantie par
sa passion, voilà sa faiblesse, mais tourmentée et malheureuse, et
voilà sa grandeur.
Son pouvoir tragique vient de sa lucidité (elle se
sait
coupable) et de son exigence morale (elle souffre de sa culpa
bilité).
Le sursaut de la grâce, qui se produit rarement, etjamais
pour Phèdre, ne suffit pas à effacer cette image basse et commune
de notre condition.
QQ 1.
»
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