Germain Nouveau (1851-1920): l'oeuvre

« POÉSIE ET MALÉDICTION 385 des premieres années est celle de la mort.

Son père, une jeune sœur, sa mère disparaissent en peu de temps.

Il est marqué du« guignon», plus tragiquement que d'autres qui n'y voyaient que jeu littéraire : Quand ils viennent pour naÎtre, Leur mère va mourir! Quand ils viennent pour rire, Leur père meurt aussi! Ces chocs avivent l'hypersensibilité de sa nature.

Ainsi, l'image de la mère disparue selon les époques se confond avec celle de la Terre nourricière, de la Vierge salvatrice, de la Femme ou de la Sœur en qui il projette les traits de la morte, d'où le caractère ambigu de plus d'un poème («La Maison» ou« Gâté>> par exemple).

Privé de ceux qui pouvaient l'aider à devenir lui-même, il est, bien avant d'aller pour de bon à Bicêtre, aliéné.

Sans cet éclatement de l'être, on ne s'expliquerait pas la manie qu'il a de se dissimuler sous d'autres noms: Néouvielle, La Guerrière, Benedict, Humilis, -c'est lorsque je est un autre que s'ouvrent les chemins de la connaissance.

Ses premiers poèmes brodent sans vergogne sur des thèmes venus des Fleurs du mal ou des Fêtes galantes.

A partir de là s'affirmera l'aspect décadent de son œuvre : langueurs, extases, perversités, recherche du rare et de l'exquis, sentiment de venir dernier dans un monde trop vieux.

Toutefois, des poèmes comme «Ciels» ou «Mendiants» témoignent d'une autre influence : celle de Rimbaud.

L'expression prend vigueur, l'image originalité; à une poésie de la démission s'oppose une œuvre dynamique, jetée avec éclat dans un monde perçu comme universellement érotisé.

Dans le milieu bohème que fréquente le poète à ses débuts, il ne découvre pas seulement qu'il faut d'urgence secouer la vieillerie poétique, il reconnaît une inquiétude métaphysique qui rejoint celle de son enfance : Si nous étions morts quand nous étions mômes Dites-moi serions-nous plus malheureux? A quoi donc nous sert de devenir hommes Si c'est pour souffrir des maux plus nombreux! Et c'est pour un X encore plus affreux Qu'il nous faut quitter le monde où nous sommes.. »