Gide et la littérature
Publié le 13/09/2015
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Quelle admirable confirmation de mon «proverbe de l’enfer» (C’est avec les beaux sentiments qu’on fait la mauvaise littérature) je trouve dans Les Deux Amis de Beaumarchais et même dans son Eugénie (où pourtant il y a quelques scènes charmantes).
J’ai écrit, et je suis prêt à réécrire encore ceci qui me parait d’une évidente vérité : c’est avec les beaux sentiments qu’on fait de la mauvaise littérature. Je n’ai jamais dit, ni pensé, qu’on ne faisait de la bonne littérature qu’avec les mauvais sentiments. J’aurais aussi bien pu écrire que les meilleures intentions font souvent les pires œuvres d’art et que l’artiste risque de dégrader son art à le vouloir édifiant. Je n’ai garde d’ajouter: toujours; l’exemple de Péguy m’en empêche; mais outre que je trouve fort médiocres (pour parler avec modération) ses vers d’Eve si souvent cités, je tiens que ceux qui les admirent quittent le domaine de l’art et se placent à un point de vue tout différent; celui du prêtre ou du général de division ne saurait être celui du poète que très accidentellement.

«
194 1 Morale (et littérature)
....
André Gide évoque donc le problème des rapports
de l'art et de
la morale avant le 2 septembre 1940 et il
y reviendra à plusieurs reprises par la suite.
S'il
éprouve le besoin de s'y arrêter longuement à cette
date, ce n'est pourtant pas par hasard.
On avait beau
coup tendance
à cette époque à tenir les écrivains pour
responsables des défaillances de l'armée.
Si l'armée
avait fait piètre figure,
il fallait s'en prendre à cette
littérature
«amollissante», pas assez virile, dont André
Gide était l'un des plus beaux fleurons.
Gide, dans cette formule célèbre, parle-t-il des
«beaux
sentiments»
de l'auteur ou des sentiments qui animent
ses personnages? Sans doute des deux, car
si l'auteur
est animé par de bonnes intentions,
il aura tendance à
mettre en scène des personnages exemplaires.
Ces der
niers, bien sûr, peuvent être confrontés
à des « mé
chants», mais les méchants comme les bons ont toutes
les chances d'avoir une psychologie trop tranchée.
Gide, par exemple, dans son
Journal (20 juin 1931),
précise
ce qu'il entend par « beaux sentiments» (et non
«bons» sentiments, comme on le lui fait trop souvent
dire):
« Les beaux sentiments sont les trois quarts du temps des
sentiments
"tout faits".
Le véritable artiste, conscien
cieusement, n'habille que
sur mesure.,.
Esthétique et morale sont donc étroitement liées.
Si
l'écrivain veut présenter des «héros positifs», il risque
de s'écarter de
la vérité dans la mesure où il ne prend
pas en compte la complexité des êtres.
Il passera trop
vite sur les contradictions, les ambiguïtés, les ambiva
lences de l'âme humaine.
André Gide, grand admira
teur de Dostoïevski
et lecteur de Freud, sait que lors
que l'analyse atteint les profondeurs,
il n'y a plus de
beaux sentiments.
Une vérité qu'illustre, par exemple,
son roman intitulé
La Symphonie pastorale (1919)..
»
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