Devoir de Philosophie

GONGORA

Publié le 02/09/2013

Extrait du document

 

1561-1627

GONGORA, le gongorisme ne sont guère connus chez nous que par les notes en bas de page où les professeurs censurent tel trait de curiosité et de mauvais goût à la mode, échappé à la plume de Corneille ou de quelque autre de nos classiques. Cette sévérité a également longtemps prévalu en Espagne où l'on se plaisait à répéter ce jugement d'un contemporain de Gongora, qu'il y avait en celui-ci un ange de ténèbres et un ange de lumière : on s'étonnait — ou on se consolait — en considérant dans son oeuvre, à côté de tant de poèmes obscurs, toute une part de romances, genre éminemment populaire; et il est de fait que ces romances de Gongora sont bien chantantes, non seulement accessibles, mais s'imposant irrésistiblement à toutes les mémoires, et d'une grâce alerte et d'une fraîcheur cristalline : « Laissez-moi pleurer, — rives de la mer... « Mais l'autre part de l'oeuvre, la part ténébreuse, ne passait pas. Il a fallu attendre la célébration du tricentenaire de la mort du poète, en 1927, pour qu'à la suite d'une recrudescence de travaux historiques et critiques, toute la jeune école lyrique espagnole proclamât Gongora comme son maître et l'un des plus grands, sinon le plus grand poète de l'Espagne.

« t il l ,-! ! 1 ....

dii U !i!Oll:f!llJ t ln li:L M !lfll 'Ill il li!ld!U IJ!ltll U.

JJIH»U!tM1Jt tlU,M senter Gongora comme un tempérament frondeur, burlesque et sarcastique, prompt à l'indé­ pendance, un véritable Andalou.

Et nous saisirons là au vif comment le précieux peut apparaître comme l'effet non pas d'un froid calcul intellectuel, mais d'une passion, d'un désinvolte et ironique instinct.

Quelques missions dont il est chargé le font voyager, en particulier à Valladolid, siège de la cour, où il se déplaît.

En 1605 il publie des odes et des sonnets, où, sur des thèmes amoureux et moraux propres à l'humanisme poétique de la Renaissance, son art singulier apparaît et, impliqué dans son art, un sourd et profond accent de sentiment personnel : ceci se note en particulier dans le fameux sonnet sur le motif du voyageur nocturne, si chargé de mystère et de pathétique, l'une des plus rares merveilles du lyrisme universel.

Seul l'égale, parmi les sonnets de Gongora, le somp­ tueux et solennel sonnet sur le tombeau du Gréco.

De nouvelles missions lui sont confiées par le chapitre, mais bientôt son état de fatigue oblige celui-ci à lui donner un coadjuteur, ce qui lui permet de s'adonner plus complètement à la littérature.

Entre la fin de 1612 et les premiers mois de 1613 il écrit ses deux grands chefs­ d'œuvre, le Polypheme et les Solitudes, deux longs poèmes d'une puissante architecture, qui, dès qu'en circulèrent des copies, provoquèrent des polémiques, des attaques passionnées, en parti­ culier de la part de Lope de Vega, et de non moins passionnés commentaires et gloses.

Ceux-ci étaient bien nécessaires pour expliquer tous les dessous de cette poésie savante, les allusions et la composition des images, la méthode des figures, la sournoise comptabilité de ce qui est dit et nié, les latinismes - qui permettent d'attribuer à Gongora un rôle de réformateur de la langue cas­ tillane analogue à celui que jouèrent chez nous Ronsard et la Pléiade -enfin les complications d'une syntaxe toute personnelle et qui coupe et recourbe la phrase selon le mouvement de la pensée ou d'oratoires intentions décoratives.

Cette poésie est oratoire, en effet, et décorative, musicale aussi, faite de toutes les ressources, de tous les artifices possibles de la rhétorique, depuis la pompe jusqu'à la concision, et cette richesse constitue en même temps le plus dédaigneux dépouillement, une absence totale de sentiment et d'idée.

En ce sens elle peut être dite poésie pure.

Et cependant la vie frémit dans toute cette splendeur extérieure.

Une vie supérieure à l'ordinaire vie humaine, la vie du génie.

Fière et brûlante, elle domine les métaphores qu'elle a inventées, surenchérit sur le raffinement des formes que, comme autant d'actes de volonté, elle a créées.

Ordonné prêtre et nommé chapelain du roi, Gongora achève sa carrière à Madrid.

En 1626 il est frappé d'une congestion cérébrale.

Le mal, selon la magnifique expression d'un contempo­ rain, se atrevio a la cabe;;:.a : « Osa s'en prendre à la tête.

» De retour dans sa patrie Gongora, le cygne de Cordoue, y mourut l'année suivante.

JEAN CASSOU. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles