Grand oral du bac : Littérature et totalitarisme
Publié le 10/11/2018
Extrait du document
Manuel Alegre (né en 1936), portugais, dut fuir jusqu'en Argentine pour échapper à la police de Salazar et faire entendre sa voix de poète à travers les radios libres. Ses textes simples et directs sont autant de messages de lutte, de ténacité face à un régime qui tombera en 1974, lors de la révolution des Œillets.
Elie Wiesel (né en 1928), rescapé roumain des camps de la mort, auteur
de La Nuit, paru en 1956, n'aura de cesse de s'élever contre toutes formes de persécutions politiques. Il déclare ainsi: « Tant qu'un dissident est en prison, notre liberté ne sera pas vraie. Tant qu'un enfant a faim, nos vies seront remplies d'angoisse et de honte.»
Jorge Semprun (né en 1923), Espagnol, déporté à Buchenwald,
auteur du Grand Voyage (1963), sera le coordinateur des actions clandestines de résistance du parti communiste espagnol au régime de Franco dès 1953. Il sera l'organisateur du travail clandestin du même parti dans l'Espagne franquiste de 1957 à 1962. Finalement exclu du PC suite à des divergences d'opinions, l'écrivain publiera en 1995 L'Écriture ou la vie, un ouvrage où l'auteur évoque la difficulté de vivre avec des souvenirs de la déportation.
« Un être humain est libre, non quand l'autre ne l'est pas, mais quand l'autre l'est aussi. » Ainsi s'exprime Elie Wiesel, l'un de ces témoins des barbaries du XXe siècle, un siècle fécond en idéologies totalitaires - nazisme, fascisme, stalinisme et autres régimes autoritaires - qui ont tenté de façonner l'homme selon leurs dogmes. Confrontés à la suppression des droits fondamentaux, et en premier lieu celui de la liberté d'expression, les écrivains ont adopté différentes postures: protestation, résistance, compromis, exil, silence ou adhésion temporaire. Mais tous ont témoigné, par leur plume, des effets du totalitarisme sur leur liberté d'écrivain, et d'homme.
EXIL ET RÉSISTANCE
« lorsque j'entends le mot culture, je sors mon revolver. » Cette célèbre phrase d'un dignitaire nazi résume le statut des intellectuels dans l'Allemagne du IIIe Reich, mais aussi dans les régimes politiques autoritaires qui s'étendent au même moment partout en Europe. L'auteur ne saurait faire valoir sa liberté de création, mais se mettre au service de l'ordre nouveau, exalter les traditions nationales ou la fusion mystique entre le peuple et l'écrivain. les actes de résistance posés par les écrivains au travers de leurs livres n'en sont que d'autant plus forts.
L'ÉDITION FRANÇAISE SOUS L'OCCUPATION
Dès 1940, tandis que l'occupant expurge l'édition française de centaines de titres, Pierre Drieu la Rochelle, sympathisant de l'Allemagne nazie, est placé à la direction de la prestigieuse Nouvelle Revue française de Gaston Gallimard, en remplacement de Paulhan qui entre en résistance. Pour toute une génération d'écrivains (Gide, Mauriac, Martin du Gard...), le
choix est cornélien : travailler sous contrôle allemand, ou collaborer à la revue et assurer « la permanence de l'esprit français ». Deux hommes, Jean Bruller et Pierre de Lescure, choisiront de résister à leur manière en
Antonio Machado (1875 - 1939), considéré avec Garcia lorca comme l'un des plus grands poètes espagnols, mettra sa plume au service des républicains et se verra contraint de quitter Barcelone à l'approche des franquistes. Il se réfugie en France à Collioure, et y meurt, épuisé moralement, laissant derrière lui de grands recueils, comme La Guerra (1937).
SOCIALISME RÉALISTE ET RÉALITÉS DU SOCIALISME
Muselés: tel était le sort des écrivains jugés traîtres ou dissidents par les autorités soviétiques.
De l'URSS à la Chine en passant par Cuba, nombreux sont les auteurs à la réputation littéraire immense qui ont subi des humiliations permanentes, surveillés sans cesse par les polices secrètes et autres censeurs, sans pour autant renier leurs œuvres.
Les Ames damnées de l'écrit En URSS, Staline et ses partisans mettent en place un système de mobilisation destiné à vérifier le respect des lois du Parti. Cette organisation prend le nom d'« Union des écrivains d'URSS », qui veille à ce que les œuvres soient les chantres du stalinisme, et contribuent à \"la transformation idéologique et à l'éducation des travailleurs dans l'esprit du socialisme\". les écrivains qui résistent sont réduits au silence, empêchés de travailler ou déportés. Boris Pasternak incarne parfaitement cette persécution: issu d'une famille d'intellectuels et revêtu dans les années 1920 d'une grande
se lançant dans une aventure folle, un véritable pied de nez à la censure. Ils créent leur propre maison d'édition en 1941, les Editions de Minuit qui publieront jusqu'à la libération des livres clandestins. le nom de cette maison d'édition tire son origine du fait que l'imprimerie ne fonctionnait que la nuit la première œuvre, publiée en 1941, est devenue un classique: Le Silence de la mer, de Vercors, pseudonyme de Jean Bruller. Cette histoire est une ode à la résistance, au refus de la soumission, physique ou mentale. Un officier allemand amoureux de la France et de sa culture investit le logement d'un homme et de sa nièce. Ceux-ci ne lui diront jamais un seul mot malgré les tentatives de l'officier de sympathiser.
«
popularité
après la publication d'un
recueil de poèmes, Pastemak (1890-
1960) connut
une très violente
campagne de
dénigrement,
orchestrée à la
fois par l'Union
des écrivains
soviétiques et le
gouvernement
suite à l'attribution du prix Nobel de
littérature en 1958 pour son roman
Le Dodeur Jivogo.
Fresque courant
de la révolution d'Octobre aux années
1950, ce roman raconte la relation
amoureuse chaotique d'un homme
et d'une femme sur un fond historique
sans complaisance, dévoilant les
misères infligées au peuple russe.
Si sa célébrité devient immédiatement
internationale, son livre ne fut pas
publié en URSS, et il ne put aller
chercher son prix à Stockholm.
Pasternak est réhabilité en 1987.
Mikhai1 Boulgakov (1891-1940),
écrivain russe à la poésie surprenante
et éblouissante,
magnifique
auteur du
Maitre et
Marguerite, aura dû lutter
contre la mise
au ban
par le parti
communiste.
En 1927, ses œuvres sont
retirées de la vente, ses pièces de
théâtre interdites.
C'est lors de cette
période d'humiliations continues qu'il
écrira son chef-d'œuvre, publié en
1966, bien après sa mort.
Drôle et
terrible, dénonçant les excès du pouvoir
soviétique, ce livre est un hommage
immense à la force de l'esprit russe,
envoûtant.
Il est aussi un témoignage
sur les rapports épineux entre l'auteur
et le pouvoir, détenteur de la censure.
Aleksandr Zinoviev (1922-2006) a livré
des récits sans concession de la vie
quotidienne à Moscou, critiquant la
médiocrité du régime et de sa
nomenklatura (Les Hauteurs béantes,
1976, L'Avenir radieux.
19n).
Exilé en
Europe de l'Ouest, déchu de sa
nationalité, ce contempteur de Staline
et de Brejnev se méfie tout autant de
l'Occident.
Rentré en Russie (1999), il
met en garde contre la « globalisation »
et la mort des États-nations.
À une autre époque, en
Tchécoslovaquie, monte la voix
dissidente d'un jeune homme
passionné de théâtre et de poésie,
Vaclav Havel (né en 1936).
Avant le
Printemps de Prague en 1968, où des
réformes démocratiques devaient être
mises en place afin d'assouplir le
régime communiste et furent anéanties
par l'invasion des troupes soviétiques
qui durcirent la politique nationale,
Vi!clav Havel, président du Club des
écrivains indépendants, pouvait voir ses
pièces, critiques à l'égard du pouvoir,
jouées.
Il n'en fut plus question après
1968, lorsqu'il écrivit une lettre ouverte
au président et signa la Charte 77 pour
réclamer le respect des droits de
l'Homme.
Incarcéré à plusieurs
reprises, il devient une figure
incontournable en 1989 lors de la
révolution de velours, et fut président
de la République tchécoslovaque.
Enfin Wolf Biermann (né en 1936),
poète et chanteur, installé à 17 ans en RDA,
communiste, fut interdit de retour
en 1976 après un concert à Cologne, et
déchu de sa nationalité est-
allemande ...
L'écrivain qui avait produit
une pièce de théâtre sur la construction
du mur de Berlin interdite en 1963 et
avait vu ses œuvres progressivement
interdites de publication, comme
La Harpe des barbelés (1965), ne
ménageait pas ses critiques à l'égard
du régime et était surveillé de près par
la Stasi, la police secrète.
LE LIVRE AU SERVICE DU PEUPLE
Certains écrivains n'ont pu que souffrir
en silence et mûrir des œuvres très
fortes, marquant des générations
entières.
En Chine, sous Mao, lors
de la Révolution culturelle en 1965,
les intellectuels, publiquement humiliés,
furent« rééduqués », envoyés dans les
campagnes où le parti veillait à ce qu'ils
appliquent à la lettre les principes
édictés dans le Petit Livre rouge.
Pa Kin (1904-2005) fut l'un de ces
écrivains victimes d'une pensée
déviante selon le gouvernement
chinois.
Coupable d'errements
anarchistes, il dut remanier ses œuvres
pour en gommer toute aspérité, et
supporter de se faire traiter
d'« intellectuel puant».
Et pourtant,
Pa Kin n'avait eu de cesse avant la
révolution de 1949 d'écrire à la gloire
du communisme, avec des romans tels
que Destruction, écrit en 1927 à Paris et
qui dresse un tableau sans concession
de l'injustice sociale de la Chine des
années 1920, ou Nuit glacée, paru en
1978 en France, qui décrit une Chine
sous le joug de l'oppression japonaise.
Lao She (1899-1966) fut un martyr de la
Révolution culturelle, suicidé en 1966.
Proche du petit peuple de Pékin dont il
maniait le langage à la perfection, il se
rend célèbre avec Un fils tombé du ciel,
satire de la société chinoise des années
1930, et publie en 1944 ce qui restera
son plus célèbre roman, Quatre
Générations sous un même toit, qui
décrit les affres d'un peuple dépossédé
de ses biens et de son identité, à une
époque charnière de l'histoire de la
Chine.
Mais ses engagements envers
le PC chinois ne suffiront pas à le
préserver de la chasse aux intellectuels.
Gao Xingjian (né en 1940), écrivain
français d'origine chinoise, prix
Nobel de
littérature en
2000, auteur
de la
Montagne
de l'âme, s'est
réfugié en France en 1988, suite à la
publication de nombreuses œuvres
taxées de « pollutions spirituelles » par
les autorités chinoises.
Envoyé en
rééducation pour cinq ans dans les
campagnes chinoises en 1970, ce n'est
qu'en 1980 qu'il commence à écrire.
Ces livres seront la cause d'une
multitude de scandales au sein du parti
communiste chinois.
En 1989, après le
massacre de la place Tian' an men, il
publie La Fuite, avec pour toile de fond
ces événements tragiques.
Actuellement, des auteurs comme Mo
Yan (né en 1956), auteur contemporain
qualifié de « renouveau », réussissent
brillamment à passer entre les mailles
de la censure gouvernementale.
Présents dans les salons littéraires occidentaux,
ses romans comme
Le Pays de /'a/cao/ dénigrent pourtant
les membres du PC, évoquent une
Chine sans fard, perdue entre traditions
et modernité, où la logique maoïste est
incompréhensible au peuple.
résistance
à la barbarie et a la
déshumanisation.
Et aussi une manière
de lutter contre l'oubli et la difficulté,
pour les survivants, d'exprimer
l'indicible.
Le ton sobre et détaché de
son ouvrage, sans haine, évite le
pathos, détaille des faits atroces sans =LI:.:.
TT :..:É := R :.:.AT :.: U:.::R =-E -=-'u ::.:B::.A:::IN .:.: E':- -- --:-----:--I volonté de choquer.
Plutôt que de crier
Le régime castriste n'aura pas épargné son sentiment d'injustice et d'horreur
les auteurs en rupture.
face
à ce qu'il a vécu, il pousse son
Reinaldo Arenas (1943-1990) en est lecteur
à hurler, l'entraînant par son
l'exemple le plus frappant: haï par récit simple et direct dans l'univers gris
le régime, il subit jusqu'au moment du
célèbre camp d'extermination.
où il parvient à s'enfuir, en 1980, des Mais
l'auteur, qui n'a cessé durant
persécutions quotidiennes.
La prise de toute
son existence de s'élever contre
conscience de l'état réel de son pays les résurgences des idéaux nazis,
s'effectue lors d'un stage a la se sent coupable d'avoir survécu
Bibliothèque nationale où d'autres à
la déportation.
Déprimé, en décalage
écrivains lui ouvrent les yeux.
Dès lors,
avec les générations nouvelles, il finit
il se sert de ses écrits et de son par
se donner la mort en avril 1987,
homosexualité comme moyen
sans laisser d'explications.
Il reste de lui
d'opposition et d'affirmation de sa
des milliers de pages de témoignages
liberté.
Son roman le plus poignant,
sur ce que les hommes sont capables
Avant la nuit, publié en 1998, de s'infliger.
autobiographie à l'envers, revient
sur tous ses combats.
Guillermo Infante Cabrera (1929-2005),
sera dans les petits papiers du
gouvernement, avant de rompre avec le
castrisme en 1965, s'exilant en Espagne,
puis à Londres.
où il écrit en anglais.
Trois Tristes Tigres (1964) le feront
accéder à la notoriété, décrivant une
nuit cubaine avant la révolution.
Mea Cuba (1992) reste l'un de ses
pamphlets les plus virulents contre
Fidel Castro.
LA FORCE DU TÉMOIGNAGE
LE CAS PRIMO LEVI
L'écrivain italien est une figure
emblématique.
Son livre le plus connu,
Si c'est un homme, possède un statut
à part.
Il est utilisé aussi bien par les
professeurs de lettres que par ceux
d'histoire pour expliquer un point
crucial de notre passé récent.
L'auteur
y a ajouté en 1976 un appendice
contenant ses réponses aux questions
qui lui étaient fréquemment posées
lors de ses conférences.
Primo Levi.
né à Turin en 1919, prend
conscience de sa judéité en 1938
seulement.
lors de la ALEXANDRE
SOUENITSYNE LE REBELLE
Prix Nobel de littérature 1970, arrêté,
expulsé et déchu de sa nationalité
en 1974 pour avoir lancé dans son
« appel à Moscou » une exhortation
à la résistance et au refus
de tout mensonge, Soljenitsyne
a consacré l'essentiel de son œuvre
à dire la vérité sur la tyrannie
du régime communiste soviétique.
Son long combat contre l'oppression
commence en 1945: la sûreté militaire,
qui a surveillé sa correspondance avec
un ami d'enfance, arrête ce jeune
capitaine enrôlé en 1941 parce qu'il a
critiqué la politique gouvernementale.
Celui qui a osé qualifier Staline
de« caïd "est condamné a huit ans
promulgation de redressement en camp de travail.
des lois S'il commence sa détention dans
raciales.
Il parvient
toutefois à
terminer ses
études.
C'est
en 1943 qu'il
se décide
à entrer
en résistance
et à prendre le maquis.
En décembre,
son unité, « Justice et liberté "• est
trahie et tous les membres sont
capturés.
Lui est déporté à Auschwitz.
Des 650 prisonniers de son convoi,
seuls trois reviendront.
Primo Levi
réussit à survivre dans ce camp de la
mort e� à son retour à Turin fin 1945,
il se lance dans l'écriture du
témoignage du quotidien à Auschwitz.
Son livre est d'abord publié en 1947
de façon très restreinte.
Ce n'est
qu'en 1956 qu'il devient un succès
mondial.
après une exposition sur
la déportation organisée à Turin.
Si l'acte d'écrire lui sert au départ
d'exutoire, de libération thérapeutique,
il est surtout un acte ultime de un
laboratoire pour ingénieurs détenus.
il l'achève dans un camp de « travaux
généraux » où il sert de maçon.
L'année
1956 voit sa réhabilitation.
Il s'installe
comme professeur de physique.
Sous
des dehors paisibles, Soljenitsyne affûte
sa plume: il est prêt a témoigner
de tout ce qu'il a subi.
D'un jet,
il écrit Une journée d'Ivan Denissovitch,
inspiré du camp de travail, puis
Le Premier Cercle, relatant quatre jours
de la vie des ingénieurs détenus en
prisons spéciales.
C'est seulement en 1961 qu'il
se décide à présenter le moins
inquiétant de ses textes pour le régime,
Une journée d'Ivan Denissovitch.
Fin 1962, Khrouchtchev en personne
autorise la publication de ce texte,
qui catapulte l'ex-prisonnier au rang
de phénomène littéraire mondial.
Le régime, au fur et à mesure
des publications de Soljenitsyne,
se rend compte que l'écrivain ne rentre
dans aucune norme; il contribue
surtout à réveiller dans tous le pays
des voix dissidentes qui n'hésitent pas à
lui faire part de leurs expériences
malheureuses.
Tout cela lui fournit la matière
pour la rédaction de son chef-d'œuvre.
L'Archipel du Goulag.
Loin de redorer
le blason du socialisme en entreprenant
une critique mesurée du stalinisme
comme le souhaiterait le régime,
il profite du peu de liberté offerte
pour publier des livres dérangeants,
et la tenue en 1967 du Congrès de
l'Union des écrivains est pour lui
l'occasion de demander la lin de toute
censure et la liberté de publier.
En 1969, il est exclu de l'Union
des écrivains.
Il ne peut plus publier,
n'a plus de revenus, n� possède plus
de logement: il est proscrit.
Même
si sa notoriété à l'étranger est énorme,
il refuse de quitter le sol natal:
« Toute ma vie est ici: sur la terre
de la patrie, j'écoute simplement
ses douleurs.
je n'écris que sur elles.
»
Il n'ira pas chercher son prix Nobel
à Stockholm de peur qu'on
ne l'empêche de rentrer en URSS.
Après la parution à l'étranger, où il a pu
faire passer son manuscrit car aucun
éditeur russe n'est autorisé a le publier,
de L'Archipel du Goulag, en 1974, il est
expulsé et déchu de sa nationalité.
Il ne reviendra qu'au bout de vingt ans.
Ses œuvres luttent pour la dignité
de l'espèce humaine , et contre
le mensonge d'État.
En mettant
en lumière tous les destins broyés
par la machine stalinienne, il contribue
à montrer comment le totalitarisme
met l'homme à l'épreuve.
ROBERT ANTELME LE TRAGIQUE
Auteur d'un livre unique mais
bouleversant et marquant, Robert
Antelme a vécu les camps de la mort
allemands en passant une année
à Buchenwald et à Dachau.
Libéré
et retrouvé dans un piètre état par
sa femme, Marguerite Duras, dont
il divorcera en 1946, il se lance
aussitôt dans le récit terrible
de cette année passée au cœur
de la barbarie humaine.
Témoignage, récit thérapeutique
à l'instar de celui de Primo Levi,
L'Espèce humaine relate
sa farouche volonté de résister
à la déshumanisation.
« Il n'y a pas des
espèces humaines, il y a une espèce
humaine », explique-t-il, ne mettant pas
d'un côté les persécutés et de l'autre les
persécuteurs, tous « implacablement
hommes ».
Son livre, plus qu'un
témoignage fort et poignant, dit ce que
ceux qui ont vécu la torture
concentrationnaire n'ont pu exprimer.
Son écriture, sans artifices.
énonce
sobrement ce qu'il a vu et subi.
li
montre des déportés conservant leur
conscience d'homme, leur désir de
vivre.
Surtout, Robert Antelme est le
premier a faire part de la difficulté de
raconter de telles expériences: paru
aussitôt après la guerre, alors que les
atrocités nazies étaient a peine
révélées, son récit parait presque
invraisemblable.
Il déclare ainsi: «À
peine commencions-nous à raconter
que nous suffoquions.
À nous-mêmes,
ce que nous avions à dire commençait
alors à paraître inimaginable.
»
L'Espèce humaine est un tribut versé
aux millions de personnes mortes
anonymement dans le huis-clos des
camps et des prisons, privées de leur
liberté et de leur droit d'exister..
»
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