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GUILLEVIC Eugène : sa vie et son oeuvre

Publié le 14/12/2018

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GUILLEVIC Eugène (né en 1907). La place à part que Guillevic occupe dans l’histoire poétique des quarante dernières années tient, en premier lieu, au refus qu’il n’a cessé d’opposer à la métaphore et au lyrisme du fantastique — que le surréalisme, presque au même moment, avait pourtant promus au premier rang —, au profit d’un réalisme de l’objet. C’est ce réalisme qu’inaugure Terraqué (1942) et qui manifeste le désir du poète de se faire voyeur plus que voyant : « La métaphore n’est pas, pour moi, l’essence du poème. Je procède par comparaison, non par métaphore. C’est une des raisons de mon opposition au surréalisme. Pour moi, comme pour Jean Follain, une chose peut être comme une autre chose, elle n’est pas cette autre chose » (Vivre en poésie, entretien, 1980).

 

Cette attention portée à la chose même n’est cependant que très peu « pongienne » [voir Ponge Francis]. C’est bien la chose qui constitue, au point de départ, l’ennemi ou, du moins, le danger auquel il faut faire face, et non le mot, qui, très vite, et bien qu’il ne se laisse pas aisément faire, se donne comme allié, sert de médiation pour réduire la menace et percer l’extériorité de l’objet, dont l’opacité semble narguer l’observateur. L’aventure poétique de Guillevic est donc celle d’un effort long et persévérant — parfois laborieux, c’est-à-dire acquis à force de travail — afin de contrôler le langage — et, à travers lui, le monde — et de l’amener à se soumettre aux fins que le poète s’est fixées : « Gagner » en prenant conscience (« Conscience » est l’un des titres de suites poétiques qui reviennent le plus fréquemment chez Guillevic) :

« cède par comparaison, non par métaphore.

C'est une des raisons de mon opposition au surréalisme.

Pour moi, comme pour Jean Follain, une chose peut être comme une autre chose, elle n'est pas cette autre chose » (Vivre en poésie, entretien, 1980).

Cette attention portée à la chose même n'est cepen­ dant que très peu « pongienne » [voir PONGE Francis].

C'est bien la chose qui constitue, au point de départ, l'ennemi ou, du moins, le danger auquel il faut faire face, et non le mot, qui, très vite, et bien qu'il ne se laisse pas aisément faire, se donne comme allié, sert de médiation pour réduire la menace et percer l'extériorité de l'objet, dont l'opacité semble narguer l'observateur.

L'aventure poétique de Guillevic est donc celle d'un effort long et persévérant -parfois laborieux, c'est-à­ dire acquis à force de travail -afin de contrôler le langage -et, à travers lui, le monde -et de l'amener à se soumettre aux fins que le poète s'est fixées : « Gagner » en prenant conscience ( « Conscience » est l'un des titres de suites poétiques qui reviennent le plus fréquemment chez Guillevic) : Les mots C'est pour savoir ou encore : Mais nous avons à dire Nous avons à gagner (Exécutoire, 1947) (Gagner, 1949) La chose, en effet, d'où sourd une inquiétante étran­ geté, se refuse au premier abord, se dérobe à toute connaissance.

L'entreprise poétique prend donc la forme d'une effraction qui se donne pour but de la pénétrer, de la posséder.

Mais cette possession elle-même n'est pas sans danger, car elle comporte un risque d'embourbe­ ment, sinon d'engloutissement : de perte de la terre ferme.

Or pour ce Breton né à Carnac, haut lieu qui lui suggéra l'un de ses poèmes les plus beaux et les plus hiératiques (Carnac, 1961 ), l'élément liquide, avec lequel il ne peut s'empêcher toutefois d'engager un dia­ logue difficultueux, représente comme la tentation du Diable, pour ne pas dire du Néant, qu'il ne peut pas ne pas regarder, mais avec quelle angoisse et quel tremble­ ment, mais avec quel sentiment diffus de la culpabilité de crimes commis, peut-être, en commun, avant que de se détourner vers la terre et les menhirs dont l'immutabi­ lité rassure : Regardant la mer, Lui tournan: le dos, Implorant la terre.

Mais «Il arrive qu'un bloc/ Se détache et tombe/ Tombe à perdre haleine/ Dans la mer liquide ».

Le salut entrevu s'éloigne donc, un nouvel effort est à accomplir que le terme d'« étier», employé par ÇJuillevic comme titre de l'un de ses derniers recueils (Etier, 1 979), sug­ gère : il va falloir réduire le monde «terraqué» (com­ posé de terre et d'eau), conduire l'eau de mer jusqu'aux marais salants pour transformer le liquide en solide, autrement dit le réel fuyant en signe stable, en signe maîtrisé.

Car la peur de n'être plus le maître- de soi et des choses -est constante, panique même parfois, chez Guillevic, qui avoue : « Ma "faiblesse" de poète est que je ne risque pas jusqu'au bout.

Je me garde, je veux continuer [ ...

) J'ai toujours voulu raison garder», et qui confie, dans l'un des poèmes majeurs de Terraqué : Mais le pire est toujours D'être en dehors de soi Quand la folie N'est plus lucide D'être le souvenir d'un roc et l'étendue Ver s le dehors et vers le vague.

Il va donc s'agir également, pour dominer le vague et le vide, de clore l'espace, de constituer un domaine (Du domaine, 1977), délimité, circonscrit, de se donner une « sphère » dont la vertu primordiale est bien de permettre à l'équilibre de s'instaurer, à l'être d'« avoir place», de « se bâtir » (Euclidiennes, 1967).

Mais la découverte de cet équilibre, de cette sérénité dans et par les mots ne s'est pas réalisée sans mal : une longue crise l'a précédée qui a affecté un temps le lan­ gage propre de Guillevic (sa concision, presque sa séche­ resse, ces« moindres mots» qu'il emploie, qu'il soupèse et évalue, porteurs ainsi d'un maximum de vertige ou d'émotion, ces. »

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