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GUILLOUX Louis : sa vie et son oeuvre

Publié le 15/12/2018

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GUILLOUX Louis (1899-1980). L’écriture de Louis Guilloux est, dans son ensemble, difficile à apprécier. Les critiques le révèlent indirectement, qui voient en lui à la fois l’héritier d’une tradition populiste ou socialiste, inspirée de l’œuvre de Vallès, et un « marginal » du Nouveau Roman; ses textes les plus récents recourent en effet aux techniques qu’affectionne un Robbe-Grillet : utilisation du flash-back, fragmentation du récit, refus de la linéarité chronologique. Par ailleurs, la célébrité du Sang noir, paru en 1935, au moment où la plupart des romanciers se font l’écho des luttes idéologiques du temps, a également contribué à classer Guilloux comme

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« un écrivain «à thèse », qui aurait puisé dans son expé­ rience personnelle la matière même de son propos.

Mais si l'autobiographie apparaît en filigrane dans les pre­ miers romans (la Maison du peuple, 1927, Angélina, 1939), la complexité de l'univers du Jeu de patience (1949) ou des Batailles perdues (1960) entraîne le lec­ teur bien au-delà de la Bretagne natale du romancier et des simples idéaux socialistes de son milieu d'origine.

Né à Saint-Brieuc, Guilloux a été plongé dès sa jeu­ nesse dans l'ambiance des luttes populaires : son père, cordonnier, était un actif militant socialiste.

En 1910, Louis Guilloux entre au lycée de Saint-Brieuc et, grâce à 1' obtention d'une bourse, poursuit des études classi­ ques; il découvre les œuvres de Romain Rolland, de Jules Vallès, et dès 1914 commence à écrire.

De 1916 à 1918, il devient maître d'internat dans son lycée d'origine, il subit l'influence du philosophe Georges Palante, en qui l'on voit habituellement le modèle de Cripure, la figure centrale du Sang noir.

En 1918, il exerce différents métiers (comptable, voyageur de commerce), avant d'oc­ cuper la fonction de répétiteur au collège Gerson, à Paris.

Il commence parallèlement à publier dans de nombreuses revues, mais ce n'est qu'en 1924 qu'il décidera de se consacrer totalement à la littérature.

Son premier roman, la Maison du peuple, apparaît vite comme un livre « social », l'auteur n'y cachant point ses admirations pour le monde du travail et les luttes des classes opprimées.

Mais Louis Guilloux refuse d'adhérer au parti communiste, comme de s'engager dans quelque parti que ce soit; néanmoins, ses actions politiques se multiplient; en 1935 -il a publié entre-temps Dossier confidentiel (1930) et Hyménée (1932) -il accepte d'être le secrétaire du premier «Congrès mondial des écrivains antifascistes >>.

Tl publie à la même époque le Sang noir.

Le voyage qu'il entreprend en U.R.S.S.

avec Gide et Dabit (1936) aboutit cependant (comme pour Gide) à une désillusion.

L'après-guerre assure une célé­ brité définitive à l'écrivain (après Angélina, le Pain des rêves, 1942, et surtout le Sang noir), il obtient en 1949 le prix Théophraste-Renaudot pour le Jeu de patience et en 1967 le grand prix national des Lettres; en 1969 enfin, il entre au jury du prix Max-Jacob.

Simultanément, Louis Guilloux continuera de vivre, en témoin actif et modeste plus qu'en militant engagé, les événements de son temps (voir l'Herbe d'oubli, souvenirs posthumes, 1984).

Car 1 'histoire contemporaine est présente dans tous les récits de Guilloux -si l'on excepte Je roman d'aven­ tures vénitiennes Parpagnacco ou la Conjuration (1954) - et tous ses personnages, l'écrivain les situe dans un contexte social défini; mais ce ne sont pas tant les événe­ ments ou les processus historiques qui apparaissent alors, mais la marque qu'ils impriment, jour après jour, sur les êtres et les choses : chroniques plus que romans historiques, les livres de Guilloux s'attachent aux signes plus qu'aux faits.

C'est d'abord le langage qui porte les traces de son temps; dans la Maison du peuple ou dans Angélina, les dialogues, le discours indirect ne se contentent pas d'« il­ lustrer >> par leur archaïsme un peu naïf les thèmes chers au petit peuple : ils reflètent directement, par leurs méta­ phores, par leur allure de «style oral >>, la logique, les espoirs, les croyances des militants des Côtes-du-Nord, au début du siècle : (Angélina).

Mais les choses aussi révèlent le passé, évoluent parallèlement aux mutations sociales, car « un lien fra­ ternel unit l'homme à ses objets et, entre tous, à ses outils » (le Pain des rêves).

La souffrance, la déchéance se voient d'abord dans le proche univers de l'homme ­ tout comme ses rêves d'évasion et de liberté : que Guilloux rapporte dans cette chronique autobiographique que sont ses Carnets (Carnets 1921-1944, 1978; Carnets 1944-1974, posth.

1982) ou l'Herbe d'oubli (posth., 1984) le montrent bien; on suit l'évolutio·n des mentalités françaises, pendant la Seconde Guerre mondiale, par le seul rapprochement des mots et des choses : chaque épo­ que a son « style », ses idéologies, ses objets de prédilec­ tion, dont, à un moment donné, elle fait un usage, une consommation intenses; c'est bien un professeur petit­ bourgeois comme le Nabucet du Sang noir qui, en 1914, pouvait associer dans le même discours le combat contre les > et la survie des valeurs littéraires classi­ ques, « afin que [nos enfants et petits-enfants] puissent continuer comme avaient fait leurs grands-pères à lire Boileau dans le texte et apprendre par cœur la fameuse épître à Racine au sujet de l'échec de Phèdre ».

Le propos de Guilloux n'est cependant pas celui d'un philosophe critique, ni celui d'un militant; certes, quel­ ques personnages égrènent, au hasard de ses livres, des thèses et idéaux socialistes : (Angélina).

Ces réflexions inci­ dentes n'ont pas pour autant valeur de, qui, à certaines pages, résonnent plus que d'au­ tres, avant de disparaître, recouvertes par d'autres paroles.

Certes, Guilloux n'observe pas toujours une stricte neutralité à l'égard de ses personnages; certains passages au style indirect, l'accumulation de détails dérisoires qui appellent 1' ironie font songer à Flaubert : dans sa méga­ lomanie politique, Nabucet paraît un proche parent des Regimbart et Sénécal de 1 ' É ducation sentimentale : > (le Sang noir).

Pourtant la dérision ne couvre jamais le roman tout entier : ce n'est là. »

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