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HALLAJ

Publié le 27/06/2012

Extrait du document

En 1045, un juriste shâfi'ite devenu vizir, Ibn al-Muslima, vint « consacrer « son vizirat à Hallâj en se prosternant sur le tertre où il avait été crucifié, avant d'aller à la mosquée-cathédrale de Bagdad; il est à noter que c'est Ibn al-Muslima (tel saint Boniface avec Pépin) qui« sacrera« le premier sultan turc, Tughril, et qu'il périt en 1058, crucifié sur le même tertre, de la main des mêmes légitimistes shi'ites qui avaient fait exécuter Hallâj par le vizir Hâmid. D'autres témoins se sont levés au cours des siècles, pour défendre la mémoire de Hallâj ;

« jusqu'au troisième en passant par les vizirats de Khâqânî, d' Alî-b-'Isa, et de Hâmid.

Tous ces hommes d'État nous sont bien connus par les annales et •les mémoires du temps et le cas Hallâj projette une lumière centrale sur bien des consciences, à la cour : à commencer par ses défenseurs, la reine mère Shaghab, et le chambellan Nasr, deux Grecs d'origine.

Les novissima verba du condamné lors du supplice sont encore plus significatifs, et imbibés d' « intersignes »; qu'il s'agisse de témoins hostiles (ils reconnaissent son impassibilité sous les tortures, mais lui font soit déclarer qu'il n'est qu'un sosie du vrai Hallâj, soit affirmer que sa flagellation vaudra à l'Islam la conquête, tant désirée, de Constantinople), ou d'amis perdus dans la foule des spectateurs (l'un, Shiblî, lui aurait jeté, en signe de provocation, une rose, en lui criant l'insulte des Sodoméens à Lot : «Ne t'avions-nous pas défendu d'accueillir aucun Hôte?»), Hallâj aurait dit, sur le gibet,.

quelques mots d'amour divin bouleversants, tels : « Me voici maintenant dans la demeure de mes désirs.

» « L'extase de l'amoureux est comblée, quand son Unique est, en Soi, tout esseulé.

» « Deux prosternations et c'est assez, dans la prière de désir; mais l'ablution qui les valide doit avoir été faite dans le sang.

» Durant sa dernière veillée en prison, avant le supplice (intercision, mise en croix et décapitation), Hallâj récita une étonnante oraison, dont l'authenticité nous est attestée par le cadi du Caire Ibn al-Haddâd, qui la recueillit dès l'an 923 à Bagdad, chez le fils du cadi Ibn Surayj : « Nous voici, nous tes témoins ...

» Il y adore la sagesse divine, qui, après l'avoir comblé de grâces édifiantes, va le faire supplicier; et ajoute qu'une seule étincelle « d'encens », de ses restes suppliciés et brûlés au pétrole, attestera la future résurrec­ tion glorieuse de son corps mieux que des montagnes.

Un tel texte, et bien d'autres démontrent que quoiqu'on en ait dit, Hallâj n'était pas un panthéiste enseignant le monisme existentiel (wahdat al-wujûd), mais une preuve vivante du monisme testimonial (wahdat al-shuhûd).

Où retrouver l'expression authentique de la personnalité de Hallâj, sinon dans cette testi­ moniale, dont la tradition textuelle est garantie par une chaîne continue de témoins l'ayant transmise au péril de leur vie, puisque Hallâj était mort mis à l'index, excommunié? Nous avons pu retrouver les noms de cent dix-sept témoins contemporains, directs (dont vingt-six hostiles) d'où sont issues une dizaine de chaînes, dont j'ai pu contacter, de notre temps, quatre aboutis­ sements.

Il nous reste des miniatures, des statues ( « paons » yézidis), des cénotaphes (Bagdad, Mossoul, Lâllsh, Damas, Muhammad Bandar près Madras); six lettres; environ trois cent cin­ quante maximes, soixante-dix poèmes, deux traités en prose (Riwâyât; Tâwâsîn, éd.

1912: d'une dialectique subtile et aiguë).

En 1045, un juriste shâfi'ite devenu vizir, Ibn al-Muslima, vint « consacrer » son vizirat à Hallâj en se prosternant sur le tertre où il avait été crucifié, avant d'aller à la mosquée-cathédrale de Bagdad; il est à noter que c'est Ibn al-Muslima (tel saint Boniface avec Pépin) qui« sacrera» le premier sultan turc, Tughril, et qu'il périt en 1058, crucifié sur le même tertre, de la main des mêmes légitimistes shi'ites qui avaient fait exécuter Hallâj par le vizir Hâmid.

D'autres témoins se sont levés au cours des siècles, pour défendre la mémoire de Hallâj ; Ibn Atâ, Shâkir, Ibn Khafîf (ash'arite), Ibn 'Aqîl (hanbalite) qui fut contraint, à contre-cœur, à une rétractation publique pour sa réédition des« Akhbâr al-Hallâj », de Shâkir, Ibn Ghânim Maqdisî, Semnâni, Ibn Sîd Bono (à Grenade), le prince de Hérat Hoceïn Bâyqarâ (qui fit exécuter par Behzâdh des -miniatures sur sa passion), 'Ujaymî, qui transmit le « dhikr » des Hallâjiya aux Senoussis, l'ordre turc-albanais des Baktashis dont les novices se vouent au « gibet de Mansûr ».

Plusieurs penseurs musulmans, philosophes et mystiques ont interprété.

les idées de Hallâj : Daylamî (dès 990), Suhrawardî d'Alep, Ibn 'Arabi, Ibn Sab'în et Shushtarî, Nâsir Tûsî et ses disciples shi'ites.

Elles sont l'objet d'une monographie précieuse de Rûzbahân Baqlî ( + 1209), de Chiraz.

Après H.

Senaï, le grand poète persan Attar a longuement chanté le martyre de Hallâj, imité par Rûmî, Hâfiz, Sâïb en persan, par Ahmadî, Murîdî et Nesimi en turc.

Tout récemment Mhd.

lqbâl, à Lahore, et Sâlih Z.

Aktay, à Istanbul, ont écrit des drames hallagiens.

LOUIS MASSIGNON Professeur au Collège de France Paris 273. »

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