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Harangue du vieux tahitien, Diderot

Publié le 14/01/2013

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LECTURE ANALYTIQUE 2. La harangue du vieux tahitien (extrait), D. Diderot, Supplément au voyage de Bougainville (1773-74) PRESENTATION Officier de la marine royale sous Louis XV, Louis-Antoine de Bougainville reçoit en 1766 la mission d'explorer de nouvelles terres dans l'océan pacifique. Parti en novembre 1766 de Nantes, Bougainville passe le détroit de Magellan en décembre 1767 et parvient sur l'île de Tahiti (découverte en 1767 par l'Anglais Samuel Wallis) en janvier 1768. Dès le retour de son voyage autour du monde, en 1769, l'un des savants qui accompagnaient Bougainville fait paraître un mémoire consacré à la « découverte de la nouvelle isle de Cythère ou Taïti «. En 1771, Bougainville publie lui-même son Voyage autour du monde, qui accorde une place importante au séjour tahitien : la vie et les habitants de Tahiti y sont idéalisés et l'île semble un lieu paradisiaque. D. Diderot prend vite connaissance de ce récit de voyage et décide d'en écrire un supplément dans lequel il proposera sa réflexion sur la colonisation européenne des îles. En 1773-74, paraît dans la Correspondance Littéraire de son ami Grimm une première version que l'auteur va remanier en 1778-1779. Le Supplément au voyage de Bougainville ne sera publié qu'après la mort de Diderot en 1796. Dans le chapitre 2 (Les Adieux du vieillard), Diderot donne la parole à un vieux Tahitien mentionné par le récit de Bougainville (qui soulignait son comportement réservé à son arrivée). Le discours du vieil homme, évidemment inventé de toutes pièces par Diderot, est un violent réquisitoire contre la colonisation. Nous étudierons les moyens argumentatifs et rhétoriques mis en ?uvre par le vieillard dans ce discours. ANALYSE (quelques pistes à compléter par la prise de notes en cours !) Le passage étudié se présente sous la forme d'un discours rapporté au style direct entre guillemets. Il se divise clairement en deux parties séparées par une phrase narrative (ligne 10) qui assume la fonction d'une didascalie en indiquant un changement d'interlocuteur. La première partie est un bref discours adressé par le vieillard aux tahitiens, ses compatriotes ; la seconde est adressée à Bougainville, chef de l'expédition française. Ce discours du vieux tahitien est motivé par le d&e...
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« apocalyptique que renforcent encore les allusions à la destruction et la mort ( calamité, funeste avenir ).

L’énumération des méfaits des colonisateurs donne à l’évocation un caractère vivant qui cherche à frapper l’imagination des auditeurs ( hypotypose ).

En même temps, le vieillard use d’un autre procédé du langage prophétique en procédant par énigme : usage du conditionnel et de l’indéfini : vous auriez un moyen d’échapper à un funeste avenir, mais j’aimerais mieux mourir que de vous en donner le conseil .

(En fait, il pense à une mise à mort des étrangers, solution qui est contraire à son éthique, comme l’indique le souhait par lequel il clôt ce discours : qu’ils s’éloignent et qu’ils vivent ). La dénonciation du vieillard prend une signification à la fois morale et politique.

Il fustige l’immoralité des Européens tout au long de son discours : à « méchants et ambitieux » répond symétriquement ensuite « leurs extravagances et leurs vices » ; il souligne la dégradation morale que cette colonisation va entraîner chez les Tahitiens.

La comparaison ternaire : « aussi corrompus, aussi vils, aussi malheureux » met l’accent sur l’idée de dénaturation morale qui sera au centre de son second discours.

Enfin, le vieillard (et à travers lui Diderot) dénonce les institutions au service desquelles agissent les colonisateurs : l’armée et l’église, désignées par métonymie , à l’aide de leur attribut respectif : l’épée et la croix.

Bref au-delà de Bougainville et de son expédition, c’est bien la collusion entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux qui est ici condamnée. Dès ce premier discours, le vieillard incarne la figure du sage.

Il s’oppose par sa lucidité et sa puissance visionnaire à l’aveuglement de son peuple ; il s’adresse à eux comme un père ou un patriarche à ses « fils », cherchant à les « éveiller », à les effrayer ou les émouvoir - en leur annonçant sa fin prochaine (« je me console, je touche à la fin de ma carrière ») – pour les sauver.

Il s’oppose aussi aux européens et renverse par ses paroles l’opposition conventionnelle entre le sauvage et le civilisé : à la cruauté des colonisateurs, que l‘Eglise cautionne scandaleusement, il répond par la magnanimité et la modération (comme l’indique l’ antithèse des lignes 7-8 où le vieillard n’invoque la possibilité de mettre à mort les étrangers que pour la rejeter comme contraire à ses valeurs morales).

2.

La harangue contre la colonisation (lignes 19-32) Le second discours est adressé à Bougainville (Orou, un autre tahitien, n’est interpellé dans le discours qu’à titre de témoin à charge, ligne18) ; il a pour but de dénoncer les méfaits et l’illégitimité de la colonisation.

Plus développé, ce discours est aussi strictement construit selon les règles de l’art oratoire.

Après un bref exorde (lignes 9-10), le vieillard en vient à l’énoncé des faits (ligne 10-17) avant de proposer une réfutation des arguments colonialistes (ligne 18-29).

Une péroraison concise, symétrique à l’exorde, conclut cette partie du discours (ligne 30-32 ; mais le discours n’est pas achevé !). L’exorde s’ouvre par une interpellation accusatrice du destinataire : Bougainville, désigné par une périphrase dépréciative (« chef des brigands »), est déjà dénoncé comme voleur et assassin.

Le ton et la thématique centrale du discours sont ainsi clairement annoncés.

Exorde et péroraison se répondent par l’usage de l’injonction (« écarte ton vaisseau », « Laisse-nous nos mœurs »).

Cette double exhortation exprime la même idée de rupture nécessaire entre les Tahitiens et les Européens et suggère l’incompatibilité de leurs modes de vie.

La détermination du vieillard s’accompagne d’un jugement sans appel des mœurs européennes ( oxymore ironique des « inutiles lumières »). Le corps du discours commence par une séquence assertive (ligne 10-17) qui énumère les effets nocifs de l’arrivée des Européens à Tahiti.

Cette séquence procède par juxtaposition d’ antithèses qui opposent société européenne et société tahitienne.

Le « tu » s’oppose au « nous ».

Quelles sont les accusations qui ressortent de ce réquisitoire ? Les Européens sont accusés de menacer le bonheur des Tahitiens (ligne11) en dénaturant leur « caractère » (ligne 12) : par l’introduction du sens de la propriété privée (ligne 12), par l’introduction de la passion et de la violence dans les rapports sexuels (lignes 13-16) ; et en déniant la liberté des Tahitiens (lignes 16- 17).

Les antithèses permettent d’opposer à la fois deux univers culturels absolument différents et de faire ressortir les effets désastreux de l’arrivée des blancs.

Tous les verbes qui désignent l’action. »

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