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Honoré de BALZAC, Eugénie Grandet (commentaire)

Publié le 09/03/2011

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Il se trouve dans certaines villes de province des maisons dont la vue inspire une mélancolie égale à celle que provoquent les cloîtres les plus sombres, les landes les plus ternes ou les ruines les plus tristes. Peut-être y a-t-il à la fois dans ces maisons et le silence du cloître et l'aridité des landes et les ossements des ruines : la vie et le mouvement y sont si tranquilles qu'un étranger les croirait inhabitées, s'il ne rencontrait tout à coup le regard pâle et froid d'une personne immobile dont la figure à demi monastique dépasse l'appui de la croisée, au bruit d'un pas inconnu. Ces principes de mélancolie existent dans la physionomie d'un logis situé à Saumur, au bout de la rue montueuse qui mène au château, par le haut de la ville. Cette rue, maintenant peu fréquentée, chaude en été, froide en hiver, obscure en quelques endroits, est remarquable par la sonorité de son petit pavé caillouteux, toujours propre et sec, par l'étroitesse de sa voie tortueuse, par la paix de ses maisons qui appartiennent à la vieille ville, et que dominent les remparts. Des habitations trois fois séculaires y sont encore solides quoique construites en bois, et leurs divers aspects contribuent à l'originalité qui recommande cette partie de Saumur à l'attention des antiquaires et des artistes. Honoré de BALZAC, Eugénie Grandet Vous ferez de cette page, la première du roman, un commentaire composé. En vous gardant de la simple explication juxtalinéaire comme de toute séparation de la forme et du fond, vous pourriez montrer par exemple comment la description parvient à suggérer un certain climat psychologique.

 

Plan détaillé Introduction. • Passage célèbre d'un des plus célèbres romans de Balzac -celui qu'on peut nommer le véritable créateur du roman moderne - : Eugénie Grandet. • Cette description de Saumur, « ouvre « le roman et le lecteur pénètre par la « rue montueuse « dans le drame même dû à l'avarice écrasante du Père Grandet, celui de sa fille Eugénie. • Tout le monde sait combien Balzac utilise les descriptions minutieuses dans tous les livres de sa grande œuvre La Comédie humaine.

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« • Il s'agit donc d'une «partie de Saumur» qui possède un charme «original», presque aristocratique, en tout cas «àpart », distingué. • Ce qui est net c'est que sont détachées de l'ensemble, pour être décrites, la rue, puis les maisons qui la bordentet qui jouent leur rôle dans sa physionomie générale. • Une maison effectivement possède souvent une âme, d'autant plus si elle s'est tissée au cours des ans. • Celle de ces vieilles demeures est indiquée dès la 2e ligne : « mélancoli[que] » et la tonalité de cet état d'âme estqualifiée par des adjectifs mi-colorés, mi-sentimentaux : « sombres -ternes - tristes » et par des comparaisonsimplicites (superlativement d'ailleurs) : « cloîtres - landes - ruines.

» Bref une impression de recueillement,d'étreinte, de désert et en même temps de désagrégation. • De plus, de chacun de ces éléments comparatifs est indiqué le caractère spécifique : « silence », « aridité », «ossements », ce qui permet de cerner ces demeures au niveau auditif, tactile, et - peut-on dire? - charnel.

Elles nesont plus que squelettiques, semble-t-il. • Pourtant le romancier insiste sur leur «solidité», tout en donnant une précision sur le matériau dans lequel ellessont bâties : « en bois ». • Même exactitude dépouillée des inutilités dans la présentation de la « rue ». • Elle est située topographiquement : vers « le haut de la ville », « que dominent les remparts »; dans sa direction :« elle mène au château » et sa contexture en quelque sorte : c'est une rue « montueuse »; y compris sa matière «caillouteus[e] ». • Ses qualités et ses inconvénients sont énumérés avec sobriété mais sans fioriture : « sonorité de son petit pavé...

», « propre et sec », « paix des maisons » : voici les premières; « peu fréquentée »,« chaude en été, froide en hiver », « obscure en quelques endroits », « étroitesse », « voie tortueuse » : voici lesseconds. • On sent l'artiste amoureux de la sensation précise saisie par l'œil, de la densité concrète du réel, du grain de lamatière et de la forme des choses, un artiste de la même famille que le peintre Chardin. II.

L'interprétation dramatique des choses observées. • Mais Balzac ne se satisfait pas d'être un simple «enregistreur », un simple « secrétaire » de la société française,comme il lui arriva de se nommer. • Les calmes rues de province : à Saumur, à Angoulême, à Donai : recèlent leurs drames de l'argent, de l'égoïsme,de la misère, et leur physionomie même en est révélatrice. • Il compose les données du réel et sa vision est éminemment dramatique. • Stylisant le réel, il en dégage l'essentiel : ainsi la petite ville de Saumur est-elle évoquée en parallèle avec lespersonnages du drame; sa « mélancolie » n'est-ce pas celle d'Eugénie et de ses amours perdues? le «regard pâle etfroid», l'immobil[ité], la « figure à demi monastique » pourraient être ceux de la pauvre esseulée consolant debonnes œuvres ses déceptions cruelles. • Car le vrai de l'art n'est pas le vrai de la nature.

Le réel se transfigure, porteur de symboles et de significations -icisociales, psychologiques, morales. • « La littérature, rappelle Balzac dans Le Cabinet des Antiques se sert du procédé qu'emploie la peinture qui, pourfaire une belle figure prend les mains de tel modèle, le pied de tel autre, la poitrine de celui-ci, et les épaules decelui-là ».

Remplaçons « figure » par « rue » elle a de plus l'avantage de la variété de ses demeures, qui apportent,chacune, peut-être, une touche de plus à la valeur signifiante. • Ces divers points se composent tous en « la physionomie d'un logis » et celui-ci devient l'équivalent, en demeure,d'Eugénie, en héroïne; elle est bien autre chose qu'une simple maison parmi d'autres, (de même la « rue ».) • Ainsi, bien plus qu'un réaliste, Balzac est un artiste créateur, un constructeur. • Dans sa manière de traiter les données du réel, de les repétrir, toute sa personnalité entre en jeu : sensibilité,intuition, imagination. • Un véritable climat psychologique se dégage de cette première page de l'œuvre et le lecteur sent fondre sur lui «ces principes de mélancolie ».. »

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