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Honoré de Balzac : extrait de Ferragus

Publié le 17/01/2022

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Paris est le plus délicieux des monstres : là, jolie femme; plus loin, vieux et pauvre; ici, tout neuf comme la monnaie d'un nouveau règne; dans ce coin, élégant comme une femme à la mode. Monstre complet d'ailleurs! Ses greniers, espèce de tête pleine de science et de génie; ses premiers étages, estomacs heureux; ses boutiques, véritables pieds; de là partent tous les trotteurs, tous les affairés. Eh! quelle vie toujours active a le monstre? A peine le dernier frétillement des dernières voitures de bal cesse-t-il au coeur que déjà ses bras se remuent aux Barrières', et il se secoue lentement. Toutes les portes bâillent, tournent sur leurs gonds, comme les membranes d'un grand homard, invisiblement manoeuvrées par trente mille hommes ou femmes, dont chacune ou chacun vit dans six pieds carrés, y possède une cuisine, un atelier, un lit, des enfants, un jardin, n'y voit pas clair, et doit tout voir. Insensiblement les articulations craquent, le mouvement se communique, la rue parle. A midi, tout est vivant, les cheminées fument, le monstre mange; puis il rugit, puis ses mille pattes s'agitent. Beau spectacle ! Mais, ô Paris! qui n'a pas admiré tes sombres paysages, tes échappées de lumière, tes culs-de-sac profonds et silencieux; qui n'a pas entendu tes murmures, entre minuit et deux heures du matin, ne connaît encore rien de ta vraie poésie, ni de tes bizarres et larges contrastes. Ferragus, paru en 1834, est l'un des trois volets de l'Histoire des Treize, rattachée aux « Scènes de la vie parisienne «. Dans cette étude de moeurs, Balzac commence, selon son habitude, par nous dépeindre le cadre de l'action : Paris. Sous sa plume, la ville prend les dimensions d'un protagoniste à part entière. En effet, tout en combinant une double approche, sociologique et géographique, Balzac va dépasser le simple réalisme pour nous donner une vision toute personnelle de la capitale.  Pour Balzac, observateur attentif, Paris est une ville de contrastes, qu'il va essayer de nous faire percevoir en organisant son « tableau « selon trois points de vue. Dans un premier temps, un « travelling « rapide nous fait découvrir la diversité des quartiers parisiens. Des propositions courtes, nominales, font ressortir la variété de ces paysages urbains. Une série d'images et de comparaisons souligne le caractère antithétique des nouveaux quartiers, où règnent l'aisance et l'élégance, et des vieux quartiers, sordides ou misérables : « là, jolie femme ; plus loin, vieux et pauvre ; ici, tout neuf comme la monnaie d'un nouveau règne ; dans ce coin, élégant comme une femme à la mode «. A ces contrastes « horizontaux « viennent s'ajouter des contrastes « verticaux «. Dans une même maison, cohabitent les types sociaux les plus variés : les greniers ou mansardes abritent la bohème intellectuelle (dont Balzac - et pour cause - note au passage le « génie «) ; les premiers étages, ou étages « nobles «, sont réservés à la bourgeoisie ; les rez-de-chaussée, enfin, les boutiques, sont le domaine des commerçants et de la population active.           

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