HUGO: Le poète satirique. Les « Châtiments ».

C'est d'abord la satire qui jaillit de sa colère de vaincu et d'exilé. Après les Tragiques d'Agrippa d'Aubigné, où des éclairs brillent dans beaucoup d'obscurité, après les Iambes inachevés de Chénier, et les Iambes encore d'Auguste Barbier où se trouve la pièce fameuse de la Cavale, les Châtiments sont le chef-d'oeuvre du pamphlet poétique. Jamais ne s'était déchaînée une pareille puissance d'invective. Le régime qu'attaque le poète devient sous sa plume un composé de tous les crimes et de toutes les hontes. Napoléon III y est traité d'assassin et d'histrion, de loup et de singe, de Néron et de Cartouche. Ni la vérité historique, ni le sentiment de la justice n'ont ici rien à voir. Du seul point de vue de la littérature, cette sincérité de haine a pour effet de donner à l'oeuvre son mouvement, une allure emportée et forcenée. Or dans ce débordement de violences et d'injures éclosent des îlots de grâce lumineuse (Le Manteau impérial. — Stella). Enfin la pièce de l'Expiation, faite d'une succession de larges tableaux (Retraite de Russie, Waterloo), est déjà un fragment d'épopée.