J. Supervielle

Sujet du devoir 2 Dissertation : Dans un article de 1956 significativement intitulé « Jules Supervielle ou l'amitié cosmique », Alain Bosquet note à propos de Gravitations : « Drame du doute ? Angoisse de l'homme devant le néant ? Présages funestes ? Apocalypse qui mène à la destruction de la vie même ? Assurément mais débarrassés de leurs cris, de leur rage, de tout ce qui dans la tristesse peut être panique. "Un sac de ciel sur la tête", Jules Supervielle apprivoise la terreur [...] Dès lors, les pires menaces sont en sa compagnie de vrais enchantements. » Cette vision vous paraît-elle confirmée par votre propre lecture du recueil ? Vous appuierez votre réflexion sur l'analyse de citations précises. Je vois très bien ce que votre situation a d'infernal. Et je conçois qu'il vous soit difficile de vous concentrer : il n'y a rien de plus pénible que cette fragmentation du temps... réfléchir demande une vraie liberté d'esprit ; or comment en bénéficier lorsqu'on est harcelée par une foule de problèmes pratiques à régler en hâte ?   Pour ce qui est de la dissertation, si vous décidez de la faire, l'idéal est de bâtir votre devoir en trois parties, dont chacune comporte trois sous-parties (c'est le modèle le plus canonique) ; mais vous pouvez moduler le nombre des sous-parties, l'essentiel étant que les trois grandes étapes de la réflexion soient équilibrées. Il faut aussi veiller à traiter précisément le sujet. Donc commencez au brouillon par analyser la citation qui vous est proposée : il faut vous assurer de bien la comprendre  afin de ne pas faire de hors-sujet. Quand vous rassemblez vos matériaux de réflexion puis rédigez votre développement, il faut veiller à ne jamais perdre de vue la citation à discuter (que vous avanciez des arguments destinés à justifier le jugement de l'auteur sur l'ouvrage au programme ou que vous cherchiez à montrer en quoi ce jugement est discutable ou à nuancer). Il faut également penser à appuyer vos arguments sur des citations précises des poèmes dont une brève analyse doit permettre de comprendre en quoi elles confirment ou infirment, selon vous, le jugement critique offert à votre sagacité. N'hésitez pas à me poser des questions concernant la méthode de la dissertation. Si vous voulez, vous pouvez m'envoyer votre analyse du sujet et, éventuellement, votre plan avant de rédiger. Je vous dirai ce que j'en pense...   Bien cordialement,   C. Soulier MOI A partir d'un corrigé de dissertation analogue : Intro : 1) généralité sur la poésie en question 2) puis on amène la citation datée, 3) en deviner grossièrement les nuances, 3b) les étapes du raisonnement, 4) puis la réflexion profonde sous-jacente 4b) en essayant de la titrer : 1§ THESE Définir la citation/ Partie I : aborder la première partie de la citation, l'expliciter en courte intro de partie I. Quand untel présente..., il met en évidence... De fait, ... Insérer de nombreux ex. Justifier. Sous-partie 1 : développer la première assertion en faveur de la citation / 2 § D'une part, la versification... (...) En outre, la morpho-syntaxe du recueil de poème... (...) Sous-partie 2 : développer la partie subsidiaire de la citation / 2§ + mini conclusion (atténuer la contradiction et chercher un terrain d'entente, de continuité, pour la Partie II, en vue d'une synthèse) D'autre part, la sémantique... Comparer éventuellement avec un autre poète contemporain (-P. Eluard). A l'examen de..., on est enclin à se ranger du côté de... Toutefois, force est de constater que... ANTITHESE Partie II : Le contraire Faire le point dans l'avancée de l'argumentation, puis : Comment ne pas constater que... (Directement après Partie II ou après courte intro ci-dessus) Sous-partie 1 : Une poésie de telle caractéristique... / 1 § Dans nombre de poèmes de Gravitations, ... 1 petit § d'une phrase ou deux amenant la sous-partie 2. Sous-partie 2 : autre caractéristique flagrante... / 2 § inégaux Aborder le thème + profond... Bref, c'est une entreprise plus difficile qu'on ne croyait... 2ème § moindre : étayer par un avis d'auteur contraire Ainsi peut-on comprendre que, à l'inverse d'untel qui..., un autre puisse contradictoirement considérer que... Mais untel n'ignore pas vraiment que... Sous-partie 3 : le mélange des deux assertions / 1 § Revenir à la première assertion : s'il dit çà c'est peut-être en pensant que... (Aller vers la 2ème assertion) SYNTHESE Mini-synthèse et amener la Partie III sur cette même tendance Partie III : Les motifs ; les raisons profondes de... Sous-partie 1 : les causes d'angoisse Illustrer par des extraits 1 § Deux extraits 1 § Sous-partie 2 : maîtrise de l'angoisse On peut citer le travail d'un auteur... 1 § Un extrait CONCLUSION : Infirmer ou confirmer... (...) Une dernière jolie phrase résumant le tout. NB : ne pas titrer les sous-parties. Jules Supervielle (1884-1960), poète, romancier et dramaturge français est auteur d'une poésie très typique, hantée par l'angoisse de l'absence et le sens du mystère. Dans ses poèmes, la rêverie personnelle atteint souvent une dimension cosmogonique. Il a une manière bien à lui de considérer l'espace et le temps. Onze poèmes de Gravitations (1925, 1932) sont rangés sous la troisième des neuf sections « Le coeur astrologue ». L'importance qu'il accorde au rêve est la seule chose qui le lie au mouvement surréaliste ayant le vent en poupe dans les années 20-30. Bosquet (1956) intitule un de ses articles « Jules Supervielle ou l'amitié cosmique ». L'étymon du cosmos originel était l'ordre du monde. Dans sa signification actuelle, il est plutôt univers à l'exception de la terre. Dans d'autres disciplines, il est la terre habitée depuis l'origine. L'amitié cosmique était une philosophie présocratique très ancienne (antécédente à Socrate), empreinte de métaphysique, dont Aristote a gardé la notion des quatre éléments de base : air, eau, terre, feu. L'on dit de Paul Eluard qu'il est le poète air-feu par opposition à Supervielle qui serait plutôt le poète air-eau, faisant référence à une combinaison « alchimique » plus fluide dans l'écriture. Sa vision de l'univers est d'ailleurs d'une géométrie très aristotélicienne, qu'il parvient à muer en environ 70 tableaux impressionnistes, de dimensions variées : « La Terre n'est qu'une quenouille que filent lune et soleil Et je suis le paysage échappé de ses fuseaux » L'univers tellement grandiose et complexe, affublé de chiffres astronomiques à l'infini, restera un grand mystère pour la Science et les physiciens reconnaissent humblement qu'il leur est définitivement 'voilé'. Pour eux, il est plus qu'une sorte de fantôme qui prendrait plaisir à cacher son identité. C'est un peu sur ce registre que nous le dépeint Jules Supervielle. Il est donc à cet égard aussi un conciliateur, des théories anciennes et des théories plus modernes. Ceci accentue le sentiment de perte dans des grands espaces, espace intersidéral, espace d'idées éparses, espace intérieur, dont il va tenter de réunir les innombrables fragments : « Comme au fond d'un télescope L'homme accueille les aveux de sa pensée spacieuse » Son travail est effectivement un travail de construction, une construction transcendantale. L'on dit de lui qu'il a construit des ponts dans l'espace. En filigrane, nous détectons évidemment un questionnement existentiel car la poésie est simple, transparente et non dénuée d'inquiétudes et de gouffres d'angoisse qui trouvent échos en nous, modestes terriens. Il y a donc une déconstruction de l'être à reconstituer, ce dont nous pouvons bénéficier. Alain Bosquet note à propos de Gravitations : « Drame du doute ? Angoisse de l'homme devant le néant ? Présages funestes ? Apocalypse qui mène à la destruction de la vie même ? Sans doute. Il continue : « Assurément mais débarrassés de leurs cris, de leur rage, de tout ce qui dans la tristesse peut être panique. "Un sac de ciel sur la tête", Jules Supervielle apprivoise la terreur [...] Dès lors, les pires menaces sont en sa compagnie de vrais enchantements. » Notre analyse de ces propos permettra d'approfondir quelques extraits corroborant cette appréciation. Et, tout en fouillant, peut-être détecterons-nous d'autres interprétations de sens que nous ne manquerons pas de mettre au jour, souhaitant de tout notre esprit ne pas déchanter. Amitié cosmique D'où a bien pu naitre la rêverie astrale de Supervielle ? Il paraitrait, d'après C. Sénéchal, qu'après la lecture d'un livre intitulé Le ciel (1921), aux éditions Hachette, faisant état de dernières découvertes astronomiques, notre poète aurait obéi à une irrésistible impulsion d'écrire Gravitations en 1925. Néanmoins, dans ses poèmes précédents, ce genre de rêverie s'ébauchait. Le cosmos étant toute chose existante, dans son sens le plus large, on peut réellement parler d'amitié avec le cosmos, manifestée par ce naturaliste poète, pétri d'humilité devant tant de beauté et d'organisation, au ciel comme sur la terre. Toutes sortes d'animaux, en particulier des quadrupèdes, errent dans son univers qu'il créé fantasmagorique : « les bêtes de mon enfance et de la Création... ». Il fait du ciel et de la terre un TOUT fonctionnant comme de grands vases communicants où les frontières physiques sont annihilées (idem « Les murailles intérieures »). Il est un passeur, il nous fait un passage, des passages entre les deux milieux. Ce n'est pas sans rappeler la vision de Jacob dans la Bible (Genèse XXVIII, 12) ; faisant un rêve, il voit une échelle placée sur la terre, atteignant les cieux les plus lointains et des anges montent et descendent sur elle, anecdote que Saint Jean re citera et commentera au 1er siècle (I, 51) dans le sens d'une réconciliation cieux-terre. Supervielle imagine même un échange de pensées entre les deux éléments qu'il anime (« défendant aux étoiles de pousser un seul cri... Qu'on reconnait à quelque petit cillement » ; « Une étoile tire de l'arc »), à la façon d'un conte, comme dans son poème Sans murs, aux tout derniers vers : « La mer dans un coin du globe compte, recompte ses vagues Et prétend en avoir plus qu'il n'est d'étoiles au ciel ». Ce Sans Murs était, de son propre aveu, le premier titre qui lui était venu à l'esprit avant Gravitations, expliquant qu'il voulait, à son insu d'abord, écrire à la fois des poèmes d'intérieur et d'extérieur ; «&nb...