JANIN Jules Gabriel : sa vie et son oeuvre
Publié le 30/12/2018
Extrait du document
«
rection,
tout comme il aime, à son lever, le bain frais et
le linge blanc ».
Sourcier d'universel dans un quotidien
chaotique, impalpable à force de frivolité et de profu
sion, le critique s'engage à son tour dans la voie vertigi
neuse des grandes «recherches>> , où s'aventurent déjà
poètes et romanciers.
Au-delà d'un genre, le feuilleton
se fait essai, repoussant de jour en jour les frontières du
projet créateur dans lequel s'obstine l'écrivain.
Sainte
Beuve en est conscient : «M.
Janin a l'honorable ambi
tion de faire un livre [ ...
].
Ce livre auquel il songe tant,
il le fait chaque jour sans y songer, ou plutôt le livre se
fait, bon gré mal gré, de lui-même >> (Causeries du lundi,
V).
Livre à venir que l'auteur élabore opiniâtrement dans
ses contes (Contes fantastiques et littéraires, 1832;
Contes nouveaux; Contes du chalet, 1859; Contes non
estampillés, 1862) ou ses romans.
(lJ «La Confession, par l'auteur de l'Âne mort
et la Femme guillotinée »
Ainsiparut, en
1830, la Confession, sans nom d'au
teur.
L'Ane mort et la Femme guillotinée, il est vrai,
avait, deux ans plus tôt, défrayé la chronique.
Imitant la
manière de Radcliffe, de Walpole et des romantiques
fascinés par Je roman noir, Janin prétendait y démontrer
que « rien n'est d'une fabrication facile comme la grosse
terreur>> .
Raillant les stéréotypes de l'époque (courtisa
nes maudites, jeunes gens geignards et désespérés) et les
débats à la mode (le chapitre xxv emprunte son titre à
Victor Hugo:« le Dernier Jour d'un condamné >>), l'au
teur accumulait les horreurs.
Baudelaire en dresse l'acca
blant inventaire : «Jules Janin ne veut plus d'images
chagrinantes.
Et la mort de Charlot? Et le baiser dans la
lunette de la guillotine? Et le Bosphore si enchanteur du
haut d'un pal? Et la bourbe? Et les capucins? Et les
chancres fumant sous le fer rouge?>> .
En faisant de la
Confession l'enfant d'un même père, Janin, outre le clin
d'œil publicitaire, veut-il faire entendre que la dérision
présiderait encore à son entreprise?
La Confession.- Anatole attend ses quarante ans pour
prendre un état dans la vie politique et se laisse marier à
une charmante jeune femme.
Il a mené jusque-là une vie
studieuse et rangée.
Faisant à travers son mariage la pre
mière expé-ience de la désillusion, il étrangle son épouse
au cours dn la nuit de noces.
Son crime n'est pas décou
vert.
mais t1natole se trouve rapidement saisi de remords.
Après avoir vainement cherché dans l'étude un remède à la
«maladie morale>> qui le ronge, songé à se livrer à la jus
tice, il cède à un sentiment religieux hérité de l'enfance et
veut se co·1fesser à un prêtre afin d'obtenir l'absolution.
Mais où do·1c en trouver un, en ce siècle laïcisé? Ceux à qui
il s'adresse en premier, jeunes curés peu assurés en leur
foi, se dérobent.
D'autres, prélats casuistes, mécènes
mondains.
ne veulent pas comprendre la signification
exceptionn 311e de sa confession.
Oua nt aux moines
qu'Anatole va visiter dans leurs couvents, ils n'ont à lui
offrir que d-3s lamentations papelardes sur la perte de leurs
richesses, de leur bien-être et de leur puissance.
Après
avoir accumulé les expériences d'un clergé déclassé, inca
pable de l'entendre et de lui répondre.
Anatole, feuilletant.
dans le presbytère d'un curé de campagne.
un Dictionnaire
des cas de conscience, conclut : «Je suis en dehors de ce
livre, en dehors de la confession de ce prêtre.
qui, après
m'avoir entendu, ira feuilleter dans son dictionnaire, et ne
saura que me répondre quand il verra que mon meurtre
n'est pas prévu! » Finalement, il songe au suicide; mais
« nous [hommes du XIX8 siècle] en avons trop abusé comme
de tout le reste».
Il se raccroche une dernière fois à son
projet initial.
Il vient d'entendre louer un prêtre espagnol de
grande vertu.
L'Espagne, terre de l'Inquisition et de l'ex
trême fanatisme religieux! Ayant assisté à la confession
d'une jeune femme qu'il a suivie en cachette jusqu'au saint
homme, au cours de laquelle ce dernier s'avoue pris en
défaut et confie à la belle, Juanp.
une introduction auprès
du« plus g'and confesseur de l'Eglise romaine », un jésuite
proscrit, A1atole séduit Juana et trouve le confesseur.
Il
reconnaît en lui un mystérieux personnage qui, lors des obsèques
de sa femme, l'avait obscurément menacé; il se
confesse, s'en trouve si ébranlé que «ses parents furent
obligés de l'enfermer six mois dans une maison de fous ».
Puis il devient prêtre, rejoignant ainsi l'idéal d'une vie miè
vre et végétative que décrivaient les moines pleurards.
Si pastiche il y a, il se fait plus amer que souriant.
«Assez déplorable histoire>> d'un «honnête homme
coupable >>, la Confession revendique l'héritage de Cré
billon fils : « Nous avons toujours [ ...
] comme type du
roman de toutes les sociétés finies, le roman comme
le faisait Crébillon fils >>.
On soulignera à loisir que le
romancier Janin, friand d'allusions, féru de dissertations
morales et esthétiques, reste bien proche du critique et
du causeur mondain.
Le préfacier s'adresse à un certain
Ariste, dont se souviendra peut-être le journaliste quand
il choisira, pour signer se� articles, dans l'Indépendance
belge, le pseudonyme d'ERASTE.
Ecrivant à la hâte, au
mépris de la vraisemblance, il fait surgir sur le chemin
de son héros, Anatole, un mystérieux et redoutable
confesseur, sans expliquer comment ce démiurgique per
sonnage peut tout savoir du drame du jeune homme.
Désinvolture ou feinte?
Janin ne maîtrise plus ses canulars.
Son imagination
s'y est débridée dans des dimensions qui l'inquiètent
assez pour lui faire renoncer à insérer la Confession
parmi sesA Œuvres diverses.
Oubliées les modes dont se
gausse l'Ane mort et la Femme guillotinée, demeure une
œuvre sulfureuse et satanique, que le lecteur peut par
courir du même songe dont l'auraient entretenu les
Contes d'un buveur d'éther ou les Histoires extraordi
naires.
Ce que Janin renie, Balzac le recueille et l'offre
avec la Peau de chagrin comme une preuve supplémen
taire que « la raillerie est toute la littérature des sociétés
expirantes>> .
Corseté dans l'institution critique, Janin
n'ose clamer trop haut qu'il étouffe à jouer les chiens de
garde de l'entendement bourgeois.
Quand le héros de la
Comédie humaine, s'apprêtant à entrer dans «le grand
bagne où il perdra ses illusions >>, laisse à l'écrivain l'es
poir d'une immense quête, celui de Janin se hâte d'ache
ver le cycle de son désenchantement.
Dès qu'il ne trouve
«plus d'espérance dans [son] âme, plus de larmes dans
[ses] yeux, plus de fleurs dans [ses] mains >>, il laisse la
parole au préfacier, qui bredouille ses justifications face
à l'autorité qui encense ou condamne.
L'auteur de Séraphita sourit, et, pour montrer à Janin
jusqy' où l'on va trop loin, il écrit un trentième chapitre
à l'Ane mort et la Femme guillotinée: «le Couteau à
papier>> .
BIBLIOGRAPHIE Romans et contes.
-Outre les Œuvres diverses publiées de
1876 à 1883 par la Librairie des Bibliophiles (12 vol.), on relè
vera la Religieuse de Toulouse, Paris, Michel Lévy, 1850, et les
Gaîtés champêtres, Paris, Michel Lévy, 1851.
L'Ane mort et la
Femme guillotinée et la Confession oqt fait l'objet d'une réédi
tion chez Flammarion, Paris, 1973.
L'Ane mort figure également
au catalogue de la « Bibliothèque excentrique >>, suivi d'un cha
pitre inédit écrit par Balzac (Marabout, Verviers, 1974).
Essais critiques.
-Les feuilletons du Journal des débats en
constituent l'essentiel et se trouvent regroupés sous le titre
Histoire de la littérature dramatique, Paris, Michel Lévy, 1853-
1858 (6 vol.), le reste figurant dans les Œuvres diverses.
A consulter.
-Jules Janin et son temps, un moment du roman
tisme, Publications de l'université de Rouen, P.U.F., 1974, qui
regroupe les actes du Colloque d'Évreux consacré à notre auteur;
J.-M.
Bailbé, Jules Janin (1804-1834), Minard, 1974; J.
Landrin,
Jules Janin conteur et romancier, Les Belles Lettres, 1978.
D.
GIOV ACCHINI.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- VERNE Jules Gabriel : sa vie et son oeuvre
- ROY Jules : sa vie et son oeuvre
- Chéret, Jules - vie et oeuvre du peintre.
- Rossetti, Dante Gabriel - vie et oeuvre du peintre.
- Dupré, Jules - vie et oeuvre du peintre.