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VERNE Jules Gabriel : sa vie et son oeuvre

Publié le 13/11/2018

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VERNE

VERNE Jules Gabriel (1828-1905). Universellement lu et célébré, Jules Verne reste pourtant méconnu car son œuvre, depuis qu’elle est apparue, souffre de concours qui, s’ils ont contribué à établir la légende du romancier nantais, ont dans le même temps singulièrement limité

 

sa portée. Ainsi le sort abusif accordé à quelques titres, toujours mis en avant par les amateurs d’anticipations, a relégué dans l’ombre de nombreux récits d’inspiration très différente mais tout aussi attachants. Aux éditeurs successifs de ces histoires, dès l’origine si richement présentées qu’elles sont devenues objets de spéculation, est également due en majeure partie l’opinion qui voit dans l’auteur des « Voyages extraordinaires » un homme ayant exclusivement écrit pour un public d'adolescents. Sans être inexacte, cette image de Jules Verne relève d'une simplification abusive qui ne résiste pas à l’examen de textes, très nombreux, inédits encore ou difficiles d’accès, aux intentions multiples et parfois secrètes.

 

Un paisible bourgeois?

 

Dissimulé de tempérament, Jules Verne n’a guère désiré porter au grand jour les orages qui ont troublé son existence. Hormis les quelques lettres où le jeune homme supplie sa mère de lui trouver une épouse, où l’adulte fustige la conduite de son fils — conduite qu'il a lui-même contribué, involontairement, à rendre répréhensible —, les confidences sont rares dans les œuvres qu'il destine au public. Écrits à soixante ans passés, les Souvenirs d'enfance et de jeunesse restent muets sur la fugue romanesque dont il fut à onze ans le malheureux héros. C’est la tradition qui rapporte que le jeune garçon, amoureux de Caroline Tronson, prit la place d'un mousse de la Coralie pour se rendre aux Indes et rapporter à sa cousine des bijoux de corail; que le voyage se termina brutalement, aux deux sens du terme, à Paimbœuf. Indirects, partant délicats à interpréter, sont les maigres échos de cette aventure, tant dans le chapitre de Vingt Mille Lieues sous les mers (1869) intitulé « le Royaume du corail » que dans l’épisode de Famille-sans-nom (1889) où une Caroline se fracasse au pied des chutes du Niagara. Tout aussi lointains sont les liens qui existent entre l'intrigue policière d'Un drame en Livonie (1904) et l'assassinat dont faillit être victime l'homme de lettres, agressé en 1886 et blessé de deux balles par un neveu aliéné. Une discrétion analogue, observée dans le très beau Château des Carpathes (1892), dont on pense qu’il est l’hommage rendu à une chère disparue, laisse planer le doute sur le nom et le nombre des probables maîtresses qui ont marqué une vie sentimentale riche et secrète. Affaiblis donc ou rendus méconnaissables, les aveux de cette sorte ne pouvaient, il est vrai, se multiplier dans un genre aussi particulier que le « roman de la science ».

 

Ce genre romanesque, sous la plume de Jules Verne, n’est pas condamné à l'impassibilité. Il conserve intact le mouvement des passions qui l'ont fait naître. L'une des plus constantes fut, avec la musique, l'attrait qu’exercèrent les voyages sur le Nantais élevé à deux pas d'un port grouillant encore de baleiniers et de trois-mâts. Outre ces navires traditionnels, il n'est guère de moyens de locomotion moderne qu’il n'ait connus. « Emporte-moi, wagon! Enlève-moi, frégate! », le vers de Baudelaire pourrait être la devise du romancier, tout autant que celle de nombre de ses personnages. Le notable d’Amiens appartient au cercle limité des personnes qui prirent le baptême de l’air au xixc siècle. A l'image de Phileas Fogg. de Claudius Bombarnac, de Michel Stro-goff, il est un usager inconditionnel du chemin de fer, dont l’extension rapide coïncide avec sa vie d’écrivain. Il n’oublie pas qu’avant cette période ferroviaire les pyroscaphes lui ont fait connaître sur la Loire, de Tours à Paimbœuf, les joies paisibles de la navigation fluviale qu’il revit dans la Jangada (1881), le Superbe Orénoque (1898), Wilhelm Storitz (1910) et le Pilote du Danube (1908). Il fait partie surtout de la génération de ceux qui, épris de liberté, ont « chéri la mer ». Ses périples nombreux sur l’océan Atlantique, en Méditerranée, dans la Baltique, accomplis à bord du Great-Eastern en 1867 ou avec les Saint-Michel L II et III (jusqu'en 1886), lui ont permis d'atteindre des rivages demeurés inconnus de

 

la grande majorité de ses compatriotes. L’euphorie qui fut celle du propriétaire de yacht se devine à travers l’enthousiasme de certaines lettres, mais aussi dans les propos dithyrambiques tenus par les marins qu’il a campés, tout aussi appliqués que lui dans l'exercice de la manœuvre, et partageant son goût pour les régions maritimes qu’ils parcouraient. Car le navire demeure, dans la pensée de Jules Verne, le mode de locomotion idéal. Malgré la multiplicité des montures — y compris l’éléphant et l’autruche — et les innombrables véhicules — bicyclette, automobile, kibitka, brouette, traîneau à voile — qu’il emprunte, la préférence du globe-trotter des « Voyages extraordinaires » va au vaisseau — modeste ou gigantesque, en acier ou de bois —, dû à l'ingéniosité des hommes ou à la générosité de la nature, tels le glaçon du Pays des fourrures (1872), d'Un drame en Livonie ou de Michel Strogoff (1876), et l’arbre gigantesque au sein duquel se réfugie l’équipage du Duncan. Dans le domaine de la fiction, l’amphibie est la machine de rêve grâce à laquelle sont autorisées à tout moment les traversées aquatiques. Ainsi du Steam-House, dans la vallée du Gange, et de l’Épouvante sur les grands lacs américains. U Albatros et le Victoria ne sont du reste, pour Robur et Fergusson, que des bâtiments qui voguent avec alacrité dans les airs, confusion qui établit, en définitive avec éclat, l’influence qu’exercèrent sur l’esprit du romancier les bateaux à voile puis à vapeur.

 

L’écrivain qui commença sa carrière en livrant au public les Premiers Navires de la marine mexicaine (1851) resta toute sa vie un « enfant amoureux de cartes et d'estampes ». Assisté d’excellents dessinateurs, il ne leur laissa pas souvent le soin d’établir les plans qui accompagnent deux fois sur trois ses romans. Il trouva là matière à satisfaire son besoin d'évasion. N'ayant jamais franchi l’équateur ou le cercle arctique autrement qu’en contemplant son atlas et le globe qui surplombait sa table de travail, il prête aux régions qui s’étendent au-delà de ces limites les prestiges des terrae incognitae. Les capricieux contours de certaines frontières, le jeu des couleurs utilisées dans les relevés font naître devant ses yeux des formes fantastiques : la Russie des tsars devient un ours, l’Antarctique un sphinx et l'Argonne un gigantesque insecte. C'est sous l’aspect d’un papillon, d’un dragon, d’une feuille que se présentent les îles imaginaires où abordent, après d’autres, les naufragés de Deux Ans de vacances (1888), de File mystérieuse (1874) et de Seconde Patrie (1900).

 

« Ce que je fais là, un autre l’a fait », déclare Liden-brock, qui emprunte les pas d’Arne Saknussemm, son prédécesseur sur le chemin du centre de la terre. Une dette de reconnaissance entraîne semblablement les conquérants des pôles, Halteras au nord, Nemo au sud, à dresser le méticuleux catalogue des explorateurs qui les ont précédés sur la voie du succès. Auteurs de journaux, héros à tout le moins de relations circonstanciées, les Jacques Arago, Humboldt, Bougainville, Chaffanjon, d’autres encore — tous copieusement sollicités également dans l'Histoire des grands voyages (1878), ouvrage de vulgarisation — ont manifestement favorisé les rêves d’évasion du romancier. Ces habitués des revues comme le Tour du monde, dont la seconde moitié du XIXe siècle fut si prodigue, ont tous figuré en bonne place dans la bibliothèque de Jules Verne.

 

La lecture n’est pas seulement pour le vulgarisateur une nécessité. Elle répond à un penchant irrésistible que, du reste, les premiers rôles verniens partagent avec leur créateur. Comme lui, ils connaissent l'art de conjuguer les impressions ressenties au spectacle grandiose donné par les phénomènes naturels et l’explication rationnelle de ceux-ci, apprise dans les ouvrages consultés avant le départ. Ces derniers étaient devenus de plus en plus nombreux à partir du moment où, sur le conseil d’Alexandre Dumas, Jules Verne, engagé en 1852 comme secrétaire du Théâtre-Lyrique, avait commencé à se documenter sérieusement. Herschell, François Arago, Humboldt, Milne-Edwards, Élisée Reclus sont les savants auxquels il a dès lors le plus volontiers recours, sans négliger les vulgarisateurs comme Camille Flammarion, Maury, Jean Macé, Simonin. La plupart de tous ces noms figurent d’ailleurs au catalogue de la bibliothèque du capitaine Nemo, qui, selon toute vraisemblance, reproduit celle qui devait être à la disposition de l’auteur de Vingt Mille Lieues sous les mers.

 

A bord du Nautilus, avec Michelet, George Sand, Victor Hugo, la littérature est sur un pied d’égalité avec les sciences et techniques. Cet hommage au romantisme, que confirment diverses prédilections de Verne — goût pour le grandiose, sentiment de la nature, préférence pour le gothique, toute-puissance accordée au magnétisme, fascination exercée par l'inventeur doté d’intentions démoniaques —, ne se limite pas à cette liste de célébrités. Chateaubriand, fréquemment vanté, maintes fois imité dans les descriptions du Niagara, Alexandre Dumas père, dont le Monte-Cristo servit de modèle à Mathias Sandorf (1885), Charles Nodier, voire Théophile Gautier — qui semble avoir été, dès 1866, le premier critique vernien perspicace — pourraient aussi bien y figurer. Au même titre que Chamisso, cité dans Voyage au centre de la terre (1864), Hoffmann, pris pour modèle dans Une fantaisie du docteur Ox (1872). Et sans omettre les Anglo-Saxons, fort prisés alors : Shakespeare, Ossian, Byron, Walter Scott, Fenimore Cooper, le père du roman maritime, et Poe, auquel Verne, l’un des premiers, consacra une étude dans le Musée des familles. Vastes, et surtout étendues au domaine littéraire, furent les lectures de cet écrivain qui n’a pas trouvé de meilleur moyen que le roman pour faire partager au lecteur son savoir et ses goûts.

 

Le besoin d’écrire apparaît très tôt chez ce garçon né dans un milieu ami des lettres, formé aux humanités les plus classiques par ses maîtres du petit séminaire puis du Collège royal de Nantes. L’attestent un talent d’épisto-lier précoce, particulièrement à l'œuvre dès qu’il devient opportun de convaincre de Paris un père désireux de voir son fils achever des études de droit, et plus encore la durée d’un malentendu dont le souvenir persiste toujours au temps où l’auteur de Famille-sans-nom dote de traits autobiographiques un jeune clerc, poète impénitent. Longue et sinueuse fut la voie qui devait conduire Verne à devenir, à partir de sa rencontre avec Jules Hetzel, en 1862, un romancier à part entière. Jusqu’à cette date, il sacrifie volontiers aux usages d’une famille friande de poèmes occasionnels, aux bonnes manières d’une société qui apprécie les chansons accompagnées au piano. Enfin l’ami d'Alexandre Dumas et le secrétaire de Jules Seveste a longtemps, comme ses contemporains, cru que sa carrière serait celle d’un dramaturge. En font foi les multiples manuscrits de comédies, tragédies, drames, vaudevilles, opéras, opéras bouffes, composés seul ou avec le concours d’Aristide Hignard, un compatriote nantais, de Charles Wallut, de Michel Carré, pièces dont certaines eurent l’heur d’être éditées, comme les Pailles rompues (1850) ou les Châteaux en Californie (1851), et d’être jouées, comme Monsieur de Chimpanzé (1860). Cette activité poétique et dramatique ne restera pas sans lendemain et ne cessera pas non plus du jour au lendemain. Le romancier ne renoncera jamais ni à concevoir les dialogues entre ses personnages dans l’optique de la scène, ni à recourir aux jeux de mots, ni à ponctuer de coups de théâtre les intrigues de ses récits. A ses adaptations pour des salles à grand spectacle du Tour du monde en quatre-vingts jours (1872), des Enfants du capitaine Grant (1865), de Michel Strogoff il dut d’ailleurs la majeure partie de sa célébrité sinon de sa fortune.

Les « Voyages extraordinaires »

En 1862, Hetzel, revenu d’exil, en quête d’un collaborateur chargé d’assurer la partie romanesque du Magasin d'éducation et de récréation, qu’il s’apprête à fonder avec Jean Macé, s’attache les services de Jules Verne en publiant Cinq Semaines en ballon (1862). Celui qui n’était pour le public que l'auteur de quelques nouvelles, d’ailleurs remarquables, les Premiers Navires de la marine mexicaine. Un voyage en ballon (1851) — inspiré de Poe —, Martin Paz (1852), Maître Zacharius (1854), toutes parues dans le Musée des familles dirigé par le Breton Pitre-Chevalier, connaît enfin le succès. Il produira chaque année un ou deux romans (selon leur volume), et ce pendant plus de quarante ans, conformément au rythme fixé par ses éditeurs, Jules Hetzel fils prenant la succession de son père disparu en 1886.

 

Toutefois, le romancier n’a jamais vraiment suivi à la lettre le plan d’ensemble méthodique que traçait l’« Avertissement de l’éditeur » placé en tête des Voyages et aventures du capitaine Hatteras dès qu’ils parurent en volume en 1866 :

 

Les ouvrages parus et ceux à paraître embrasseront ainsi dans leur ensemble le plan que s'est proposé l'auteur, quand il a donné pour sous-titre à son œuvre celui de Voyages dans les mondes connus et inconnus. Son but est en effet de résumer toutes les connaissances géographiques, géologiques, physiques, astronomiques amassées par la science moderne, et de refaire, sous la forme attrayante et pittoresque qui lui est propre, l'histoire de l'univers.

 

Certaines des disciplines ici énoncées ne feront qu’une timide apparition, le romancier se bornant, la plupart du temps, à des rudiments — ainsi de la physique dans Hector Servadac (1877) et de la géologie dans Voyage au centre de la terre. Seule la géographie, étendue à ce qui aujourd’hui appartient à l’anthropologie, a véritablement inspiré l’auteur des Enfants du capitaine Grant.

 

Les « Voyages extraordinaires », titre général qui n’apparaît qu’en 1866 également, et qui n’est pas de Jules Verne, désignent de surcroît moins un projet concerté de ce dernier qu’un résultat escompté par Jules Hetzel. Sans prendre véritablement un caractère irréparable, une certaine opposition a présidé aux rapports des deux hommes, qui a conduit le premier à s’évader du cadre tracé par le second. Plutôt que de saturer méthodiquement une case nouvelle, l’écrivain se réserve le droit de passer outre ou de rebrousser chemin. Cette démarche, dont la courbe s’apparente à celle d’une spirale et se retrouve dans le trajet que suivent le Nautilus ou les concurrents du Testament d'un excentrique (1899), explique les récurrences qui caractérisent l’écriture ver-nienne : autocitation, retour des personnages dans la trilogie, dans le cycle du Gun-Club, dans Maître du monde, suite de Robur le Conquérant, descriptions inchangées des mêmes météores; zones géographiques privilégiées (Afrique, Méditerranée, chutes du Niagara, Floride, Pacifique Sud); ou reprises d’intrigues antérieures, le Pays des fourrures recopiant en mineur celle des Voyages et aventures du capitaine Hatteras, Deux Ans de vacances celle de l'île mystérieuse.

 

L’ensemble — plus de soixante numéros —, en dépit de sa présentation uniforme qui le désigne à l’attention des collectionneurs, n’est pas un tout homogène. Le recueil intitulé le Docteur Ox ne reprend pas toutes les nouvelles écrites pour le Musée des familles (le Comte de Chanteleine, par exemple, est écarté pour des raisons politiques). L'Epave du « Cynthia », écrit en collaboration avec Paschal Grousset, n’a pas été retenu dans la liste des « Voyages extraordinaires », alors que le furent les Cinq Cents Millions de la begum et l'Étoile du Sud, composés dans des circonstances analogues.

verne

« présentées qu'elles sont devenues objets de spéculation.

est également due en majeure partie l'opinion qui voit dans l'auteur des« Voyages extraordinaires » un homme ayant exclusivement écrit pour un public d'adolescents.

Sans être inexacte, cette image de Jules Verne relève d'une simplificalion abusive qui ne résiste pas à l'exa­ men de textes, très nombreux, inédits encore ou difficiles d'accès, aux intentions multiples et parfois secrètes.

Un paisible bourgeois? Dissimulé de tempérament, Jules Verne n'a guère désiré porter au grand jour les orages qui ont troublé son existence.

Hormis les quelques lettres où le jeune homme supplie sa mère de lui trouver une épouse, où l'adulte fustige la conduite de son fils - conduite qu'il a lui­ même contribué, involontairement, à rendre répréhensi­ ble -, les confidences sont rares dans les œuvres qu'il destine au puhlic.

Écrits à soixante ans passés, les Souve­ nirs d'enfanc.� et de jeunesse restent muets sur la fugue romanesque dont il fut à onze ans le malheureux héros.

C'est la tradition qui rapporte que le jeune garçon, amou­ reux de CaroLine Tronson, prit la place d'un mousse de la Coralie p> que dans l'épisode de Famille-sans-nom (1889) où une Caroline se fracasse au pied des chutes du Niagara.

Tout aussi lointains sont les liens qui existent entre l'intrigue policière d'Un drame en Livonie (1904) et l'assassinat dont faillit être victime l'homme de let­ tres, agressé en 1886 et blessé de deux balles par un neveu aliéné.

Une discrétion analogue, observée dans le très beau Château des Carpathes (1892), dont on pense qu'il est l'hommage rendu à une chère disparue, laisse planer le doute sur le nom et le nombre des probables maîtresses qui ont marqué une vie sentimentale riche et secrète.

Affaiblis donc ou rendus méconnaissables, les aveux de cetr.e sorte ne pouvaient, il est vrai, se multi­ plier dans un genre aussi particulier que le « roman de la science >>.

Ce genre romanesque, sous la plume de Jules Verne, n'est pas condamné à l'impassibilité.

Il conserve intact le mouvement des passions qui l'ont fait naître.

L'une des plus constantes fut, avec la musique, l'attrait qu'exercèrent les voyages sur le Nantais élevé à deux pas d'un port grouillant encore de baleiniers et de trois-mâts.

Outre ces navires traditionnels, il n'est guère de moyens de locomotion moderne qu'il n'ait connus.

«Emporte­ moi, wagon! Enlève-moi, frégate! >>.

le vers de Baude­ laire pourrait être la devise du romancier, tout autant que celle de nombre de ses personnages.

Le notable d'Amiens appartient au cercle limité des personnes qui prirent le baptême de l'air au xtx< siècle.

A l'image de Phileas Fogg.

de Claudius Bombamac, de Michel Stro­ goff, il est un usager inconditionnel du chemin de fer, dont l'extension rapide coïncide avec sa vie d'écrivain.

Il n'oublie pas qu'avant cette période ferroviaire les pyroscaphes lui ont fait connaître sur la Loire, de Tours à Paimbœuf, les joies paisibles de la navigation fluviale qu'il revit dans fa Jangada ( 1881 ), le Superbe Orénoque (1898), Wilhelm Storitz (191 0) et le Pilote du Danube (19 08).

Il fait partie surtout de la génération de ceux qui, épris de liberté, ont >.

Ses périples nombreux sur l'océan Atlantique, en Méditerranée, dans la Baltique, accomplis à bord du Great-Eastern en 1867 ou avec les Saint-Michel!, Il et Ill Uusqu'en 1886), lui ont permis d ·atteindre des rivages demeurés inconnus de la grande majorité de ses compatriotes.

L'euphorie qui fut celle du propriétaire de yacht se devine à travers l'enthousiasme de certaines lettres, mais aussi dans les propos dithyrambiques tenus par les marins qu'il a cam­ pés, tout aussi appliqués que lui dans l'exercice de la manœuvre, et partageant son goOt pour les régions mari­ times qu'ils parcouraient.

Car le navire demeure, dans la pensée de Jules Verne, le mode de locomotion idéal.

Malgré la multiplicité des montures -y compris l'éléphant et l'autruche- et les innombrables véhicules - bicyclette, automobile, kibitka, brouette, traîneau à voile -qu'il emprunte, la préférence du globe-trotter des «Voyages extraordinaires» va au vaisseau - modeste ou gigantesque, en acier ou de bois -, dO à l'ingéniosité des hommes ou à la générosité de la nature, tels le glaçon du Pays des fourrures (1872), d'Un drame en Livonie ou de Michel Strogoff(1816), et l'arbre gigan­ tesque au sein duquel se réfugie l'équipage du Duncan.

Dans le domaine de la fiction, l'amphibie est la machine de rêve grâce à laquelle sont autorisées à tout moment les traversées aquatiques.

�insi du Steam-House, dans la vallée du Gange, et de l'Epouvante sur les grands lacs américains.

L'Albatros et le Victoria ne sont du reste, pour Robur et Fergusson, que des bâtiments qui voguent avec alacrité dans les airs.

confusion qui établit, en défi­ nitive avec éclat, l'influence qu'exercèrent sur l'esprit du romancier les bateaux à voile puis à vapeur.

L'écrivain qui commença sa carrière en livrant au public les Premiers Navires de la marine mexicaine ( 185 1) resta toute sa vie un « enfant amoureux de cartes et d'estampes>>.

Assisté d'excellents dessinateurs, il ne leur laissa pas souvent le soin d'établir les plans qui accompagnent deux fois sur trois ses romans.

Il trouva là matière à satisfaire son besoin d'évasion.

N'ayant jamais franchi l'équateur ou le cercle arctique autrement qu'en contemplant son atlas et le globe qui surplombait sa table de travail, il prête aux régions qui s'étendent au-delà de ces limites les prestiges des terrae incognirae.

Les capricieux contours de certaines frontières, le jeu des couleurs utilisées dans les relevés font naître devant ses yeux des formes fantastiques : la Russie des tsars devient un ours, 1' Antarctique un sphinx et 1 'Argonne un gigan­ tesque insecte.

C'est sous l'aspect d'un papillon, d'un dragon, d'une feuille que se présentent les îles imaginai­ res où abordent, après d'autres, les naufragés de Deux Ans de vacances (1888), de l'Île mystérieuse (1874) ct de Seconde Patrie ( 19 00) .. »

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