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JANSÉNISME ET LITTERATURE

Publié le 30/12/2018

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JANSÉNISME (xviie-xviiie siècle). Doctrine théologique exposée par Cornélius Jansen (dit « Jansénius », 1588-1638), évêque d’Ypres, dans son Augustinus (posth., 1640). Aux xviie et xvmc siècles, jansénisme et janséniste sont des termes péjoratifs employés par les adversaires de ces thèses tenues pour hérétiques (les jansénistes, eux, se désignent comme « les amis de la vérité »). Par extension, jansénisme désigne tout un courant de pensée qui prône une morale austère et une vie retirée.
Du point de vue théologique, le jansénisme est une question extrêmement complexe, qu’il serait vain de vouloir résumer. L’essentiel est de discerner la problématique qui l’a suscité. Elle relève d’une crise de la théologie à propos de la grâce et de la prédestination, crise sensible dès la fin du xve siècle et exacerbée au temps de la Réforme et des guerres de Religion. D’un côté, les tenants d’une tradition qui se voulait strictement conforme aux vues de saint Augustin affirmaient que le salut ne tient qu’à la volonté divine, la prédestination : Dieu donne à ses seuls élus une grâce efficace (elle les sauve à coup sûr), le libre arbitre humain étant perverti par le péché. Vision pessimiste de l'homme, qui était, entre autres, celle de Calvin. Face à cela, le courant catholique moderniste, fortifié par l'humanisme, exalte les possibilités de l’homme : la prédestination repose sur la prescience divine, qui connaît d’avance les mérites de chacun et accorde à tous une grâce suffisante; à l’homme ensuite d'exercer son libre arbitre, d’accepter ou non cette grâce, de la rendre ou non efficace. Ce second courant était animé par les jésuites [voir Jésuite (littérature)]. La publication par l’un d’eux, Molina, du De concordia liberi arbitrii cum divinae gratiae donis (1588), à l’optimisme marqué, suscita un regain de polémiques. Augustinus de Jansénius parut dans ce contexte. La controverse, jusqu’alors confinée au monde des théologiens, prit en France une ampleur nouvelle.

« 1656 1664- 1665 1669- 1678 1679 1701 1710 1713 1716 1730 1730- 1732 Arnauld est exclu de la Sorbonne et doit chercher refuge à r étran ger.

Pascal publ ie les Provinciales.

Obligation est faite aux ecclésiastiques de signer un for­ mulaire condamnant les Cinq pro posi tio ns.

Les religieuses de Port-Royal, refusant de signer, sont excommuniées et soumises à une surveillance polic iè re .

Période d'apaisement dite «Paix de l'Église ••; Nicole collabore avec Bossuet dans la lu tte antiprotestante.

Interdiction au couvent de Port-Royal de recevoir des novices.

Nouvelles po lé m iq ues, qui amèn en t l'arrestation de Quesnel, qui fait alors figure de chef des jansénistes.

Destruction de Pon-R oyal .

La bulle Unigenitus condamne 10 1 propositions tir é es des Réflexions morales de Quesnel.

16 évêques et 3 000 ecclésia stiqu es favorables au jansé­ nisme signent un appel à un concile général.

Le cardinal de Fleury fait de la bulle Unigeniflls une loi d 'É ta t.

« M ir ac les » et > est sur le déclin .

La violence de la répression s'explique par Je fait que Je jansénisme, débordant Je domaine théologique, est devenu un fait de société et une question politique.

Comme fait de société, le jansénisme se caractérise d'abord par le rôle considérable qu'y joue un « clan >> de la noblesse parlementaire, celui des Arnauld [voir ARNAULD (la famille)).

La cohésion, Je dynamisme et la puissance de cette famille expliquent en partie l' expan­ sion du mouvement.

Elle trouvait de nombreux appuis dans le monde parlementaire, où se maintenait une forte tradition d'hostilité aux jésuites.

Peut-on pour autant expliquer Je jansénisme comme une systématisation de l'idéologie de la classe de robe menacée par le centralisme monarchique? Cette thèse de Lucien Goldmann (le Dieu caché, 1955) est contestée.

Car le mouvement janséniste touche, outre des robins, des aristocrates aussi bien que de simples curés.

Henri Lefebvre y a vu plutôt 1 'attitude de tous ceux qui, nobles ou bourgeois, étaient hostiles à la centralisation des pou­ voirs.

En fait, on ne peut réduire le jansénisme à l'atti­ tude d'un seul groupe social sans négliger la diversité de ses manifestations.

Les jansénistes restèrent toujours très minoritaires.

Pourtant, les pouvoirs les pourchassèrent énergiquement.

Il est vrai que ce petit groupe était actif et capable de porter le débat à la connaissance d'un large public : les Provinciales de Pascal (1656) le montrent bien.

Or les querelles théologiques débouchaient sur des conséquen­ ces politiques, tant sur le plan civil que sur le plan reli­ gieux (les deux étant alors indissociables).

Les jansénis­ tes se sont tou:ours déclarés fidèles au pape et au roi.

Mais leur réflexion s'inscrit dans la tradition gallicane, leur ecclésiologie défend les droits sans partage de l' évê­ que en son diocèse, du curé en sa paroisse.

Cela les oppose aux visées absolutistes de la monarchie et de la papauté et aux jésuites, militants du centralisme.

Plus largement, les pouvoirs voyaient dans ce mouvement une attitude de «refus», même s'il s'affirmait respectueux (ainsi les jansénistes ne refusaient pas Je Formulaire, mais niaient que les cinq propositions condamnées fus­ sent dans l'Augustinus), et un danger de« secte » (Saint­ Cyran fut pour cette raison emprisonné avant même 1640).

Condamnations et poursuites finirent par abattre le mouvement; mais J'attitude morale et religieuse sub­ siste dans les consciences, notamment dans Je bas clergé; tout au long du xvm • siècle, les écrits de polémique abondent, et Je courant de pensée se prolonge largement au XIXe siècle.

Le mouvement janséniste a suscité, directement, une abondante production textuelle : traités de théologie, ceux d'Arnauld notamment, mais aussi un grand nombre de pamphlets, dont les Provinciales.

De plus, les Pensées de Pascal ne peuvent se comprendre hors de ce contexte [voir PASCAL].

L'influence du jansénisme sur la vie litté­ raire s'est aussi exercée de façon plus indirecte, mais non moins profonde.

D'une part, le groupe des solitaires a joué un rôle considérable dans la vie intellectuelle, en diffusant les thèses jansénistes, mais aussi en publiant des travaux d'érudition et de pédagogie et en propageant le cartésianisme dont Arnauld était empreint : la Logique et la Grammaire de Port-Royal en portent la marque.

Les jansénistes interviennent aussi dans des questions d'esthétique littéraire, en particulier pour condamner la pratique du théâtre, alors même qu'un ancien élève de Port-Royal, Racine, devenait un des principaux représen­ tants de ce genre.

L'influence de la vision du monde janséniste sur l'œu­ vre de Racine reste d'ailleurs un sujet de controverses.

Mais l'empreinte de ce courant de pensée est sensible, de façon plus diffuse, sur nombre d'œuvres de la seconde moitié du xvn• siècle : vision pessimiste de l'homme et du monde, morale qui se défie des faiblesses humaines (cf.

La Rochefoucauld, voire Mme de La Fayette).

Il ne s'agit donc plus seulement de théologie ou de doctrine.

Au-delà, le goût de la pensée méthodique, 1 'esprit d'ana­ lyse de soi, de dédain des choses du monde et Je rigo­ risme moral en honneur à Port-Royal ont joué un rôle, encore peu analysé, dans la formation de l'esprit moderne.

BIBLIOGRAPHIE Bibliographie sélective dans J.

De lum eau , le Catholicisme entre Luther et Voltaire, Paris, P.U.F., «Nouvelle Clio>>, 1979.

Sur les originese: J.

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Paris, Études augustiniennes, 1989.

Voir aussi: R.

Tav cne aux .

Jansénisme et politique, Paris.

A.

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Adam, Du mysticisme à la révolte : les jansénistes du Grand Siècle, Paris, Fayard, 1967, ainsi que L.

Goldmann, le Dieu caché, Paris, Gall im ard .

•, inaugurée chez Klincksieck par le Port-Royal insolite de J.

Lesa ulnier , 1992; la revue annuelle Chroniques de Port-Royal, Bib lio thè que Mazarine; et toujours le Port-Royal de Sainte-Beuve, éd.

Leroy, Bibl.

de La Pléiade, 1955.

A.

VIALA. »

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