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EN MARGE DE LA PHILOSOPHIE, LE JANSÉNISME

Publié le 12/03/2022

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très partiellement compte de ce qu’est le jansénisme et de son importance pour comprendre la philosophie française du XVIIe siècle. Le milieu janséniste constitue en fait un foyer intellectuel intense (comme le montre la présence parmi ses sympathisants de personnalités aussi diverses que le dramaturge Jean Racine ou que le peintre Philippe de Champaigne) : son étude est donc indispensable pour comprendre les différents mouvements de pensée du Grand Siècle, en France tout particulièrement. Il se situe aux marges du philosophique et du théologique, comme le montre d’ailleurs l’ambiguïté de ses deux principales figures, celle de Biaise Pascal et celle d’Antoine Arnauld, mi-théologiens, mi-philosophes, dont on va voir qu’il est très malaisé de les définir. On sait que le jansénisme naît avec l’ouvrage du théologien hollandais Jansénius (1585-1638), intitulé l'Augustinus (rédigé en 1628, mais publié de manière posthume en 1640),. Comme le titre l’indique, il s’agit, pour l’évêque d Apres, de redonner toute sa place à la théologie augustinienne dans les grands dogmes de l’Eglise, trop dominée à son goût par la théologie d’inspiration moliniste ou thomiste. Jansénius constate en effet une dérive dogmatique de l’Eglise sous l’influence notamment du jésuite espagnol Luis Molina (1536-1600). Cette dérive consiste à laisser trop de place aux mérites humains dans la grâce divine et donc parallèlement à mettre en avant le libre arbitre des hommes dans le choix du bien et du mal. L’ouvrage principal de Molina s’intitule d’ailleurs significativement l'Accord du libre arbitre avec le don de la grâce (1588). L’homme serait libre de son sort, car il est capable d’infléchir ou de prévoir selon des critères clairs (les mérites) le jugement de Dieu sur lui. L’être humain n’est donc pas irrémédiablement marqué par le péché originel, puisqu’il peut en contrebalancer le poids par ses bonnes actions. Pour Jansénius et ses disciples, une telle évolution contredit l’enseignement de saint Augustin. Elle marque un retour au pélagianisme, contre lequel Augustin s’était battu et qui fut condamné par plusieurs conciles. Cette querelle théologique immense puisqu’elle vient d’Augustin, pour renaître avec la Réforme puis le jansénisme, repose sur une bataille d’interprétation à propos d’une phrase de saint Paul, dans l'Epître aux Romains (V, 12). Paul y affirme qu’après le péché d’Adam, la « mort a passé sur tous les hommes, parce que tous ont péché ». La question est alors de savoir si tous ont péché « en Adam », c’est-à-dire si tous héritent de ce péché du premier homme, comme l’affirme Augustin, ou non. La lecture augustinienne de Paul aboutit logiquement à la thèse du péché originel. Mais il est une autre lecture, « faible » si l’on peut dire, de cette phrase, défendue justement par Pélage. Paul aurait simplement voulu dire que tous les hommes vont pécher au cours de leur vie, car le premier péché introduit la mort et le mal au milieu des créatures. Mais Pélage récuse par là la doctrine du péché originel. Le moine Pélage (360-422) affirme donc que le péché d’Adam n’est pas un péché originel au sens strict, c’est-à-dire que nous ne naissons pas tous avec ce péché, avant même d’avoir commencé à pécher par nous-mêmes. Cette théorie rend sa liberté à l’homme, mais l’investit, en même temps, d’une responsabilité immense, puisqu’il devient personnellement coupable de tout péché qu’il commet. Pélage nie en conséquence la prédestination, c’est-à-dire le choix de ses élus par Dieu, indépendant de tout mérite.

Cette opposition entre Augustin et Pélage renaît en quelque sorte au XVII" siècle à travers la polémique entre jansénistes et jésuites. Les jésuites sont considérés par les disciples deJansénius comme des pélagiens modernes, mais plus laxistes encore que les véritables pélagiens, puisqu’ils insistent moins sur la responsabilité absolue de l’homme que sur sa capacité à se laver lui-même de ses péchés. On sait que ces moyens constituent une véritable méthode connue sous le nom de casuistique (et contre laquelle Pascal s’élève dans ses ^Provinciales en 1657, en en raillant les aspects les plus caricaturaux), qui propose une échelle précise des peines selon l’échelle des crimes, censée garantir de manière quasi automatique la rémission de la faute. Les jansénistes dénoncent avec virulence une telle prétention à se faire pardonner de Dieu par quelques contritions ou bonnes actions. Ce rappel d’un débat avant tout théologique est indispensable pour comprendre les prolongements philosophiques qu’il va revêtir. Derrière cette lutte entre jansénistes et jésuites se dessinent également des enjeux de pouvoir. Chacun des deux camps cherche la reconnaissance politique et entend surtout jouer un rôle auprès du roi. Et ce n’est pas un hasard si Bossuet décrit ces deux mouvements théologiques rivaux, sans les nommer, dans son oraison funèbre de Nicolas Cornet, comme deux « maladies dangereuses » affectant l’Église. Le premier représentant français des jansénistes, Saint-Cyran (1581-1643), ami de Jansénius, est effectivement autant un théoricien qu’un chef de parti au sens politique du terme. Il est en effet à la tête de ce que l'on appelle le « parti dévot » allié aux parlementaires, dont l'importance est grande sous le règne de Louis XIII, dénonçant le début de ce qui deviendra l'absolutisme royal. Il attaque ainsi, au nom de principes religieux, la politique extérieure de Richelieu qui s'allie avec la Hollande hérétique contre l'Espagne catholique. Au point que Richelieu y voit un véritable danger pour la stabilité du pouvoir et fait enfermer Saint-Cyran pendant plusieurs années. Il ne s'agit pas ici de se pencher sur les thèses de Saint-Cyran, car contrairement à ses disciples, il n'a pas produit d'œuvre philosophique, s'en tenant, si l'on peut dire, au théologique et au politique. Mais il faut souligner que l'aura du personnage considéré comme leur martyr par les jansénistes et la formation théologique qu'il dispense à plusieurs personnalités (au premier rang desquelles la famille Arnauld) expliquent les débats théologico-philosophiques qui animent ensuite la seconde moitié du siècle. Ils vont d'ailleurs montrer la collusion entre la philosophie, la théologie et la politique. Les jésuites ont l'oreille du roi et du pape et les jansénistes celle de certains parlementaires et de certains nobles. La confrontation est totale, jusqu'à l'étouffement du jansénisme sous les attaques les plus diverses : de la condamnation par l'inquisition en 1641, aux bulles papales jalonnant le siècle (In eminenti en 1642, Cum occasione en 1653, Ad sacram en 1656, Regiminis apostolici en 1665, Vineam domini en 1705, Unigenitus en 1713), en passant par les persécutions royales (la signature obligatoire d'un formulaire condamnant cinq propositions de Jansénius déjà condamnées par le pape, les mesures vexatoires contre les religieuses de Port-Royal, leur expulsion de l'abbaye en 1709, sa destruction en 1711 et enfin la transposition de la bulle Unigenitus en loi d'Etat en 1730). On peut noter au passage que les derniers jansénistes prendront une revanche bien tardive sur la Compagnie de Jésus avec la suppression de cet ordre en France en 1764. On ne peut donc comprendre la philosophie française du siècle si l'on occulte cette collusion constante entre le théologique et le philosophique. Le siècle est le siècle

de l'augustinisme en France. Il imprègne les pensées et les débats, qu'ils soient philosophiques, religieux ou politiques. Ainsi, les jansénistes ne peuvent que s'intéresser à la philosophie, puisque saint Augustin lui-même était philosophe autant que théologien. Cela est clairement illustré par le parcours intellectuel d'Antoine Arnauld (1612-1694).

« EN MARGE DE 1A PHILOSOPHIE, LE JANSÉNISME Le jansénisme n'a, a priori, pas sa place dans une histoire de la philosophie du XVII" siècle, puisqu'il s'agit d'un courant de pen­ sée avant tout religieux.

Mais une telle affirmation ne rend que. »

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