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Jean Antoine Roucher : Les Mois : mars

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

Grossis par le torrent des neiges écoulées, Les fleuves vagabonds roulent dans les vallées ; Et les rochers de glace aux Alpes suspendus, Sous un ciel plus propice amollis et fondus, Se changent en vapeurs, et pèsent sur nos têtes. La mer gronde ; les vents précurseurs des tempêtes Courent d'un pôle à l'autre, et tourmentant les flots, Entourent de la mort les pâles matelots. Mais du joug de l'hiver la terre enfin se lasse : La terre, trop longtemps captive sous la glace, Lève ses tristes yeux vers le père des mois, Et frissonnante encor remplit l'air de sa voix : « Dispensateur du jour, brillant flambeau du monde ; Des vapeurs, des brouillards perce la nuit immonde ; Impose un long silence aux aquilons jaloux, Et rends à mes soupirs le printemps mon époux. »

« vapeurs », « vents », « hiver », « captive », « vers »...

Les matelots représentent l'humanité.

Les hommes aussi subissent la tyrannie de l'hiver.

On les rencontrait déjà au vers 5 dans l'expression « et pèsent sur nos têtes » à travers l'adjectif possessif « nos ».

Le verbe « peser » quant à lui annonce le terme « joug » du vers 9 et établit alors les rapports qu'entretiennent les hommes et la terre avec l'hiver.

Il s'agit d'un rapport de maître à esclave,d'une servitude dont le mois de mars verra la disparition progressive. La conjonction de coordination « mais », qui ouvre le vers 9, marque le début d'un changement de situation.

La terre, « captive » de l'hiver, ne va pas se rebeller contre son maître mais va appeler son Libérateur: le soleil.

Ici, de longues propositions se suivent ; l'expression « La terre », qui apparaît, au vers 9 est reprise au vers 10 et suivie d'une longue apposition : « trop longtemps captive sous la glace ».

Tout ceci donne un ton plaintif au passage et traduit la lassitude de la prisonnière qui, prête à demander grâce, se tourne néanmoins vers le soleil, son dernierespoir, sa dernière planche de salut.

La terre est alors dans un état de grande faiblesse et de forte asthénie.

Toutcomme l'hiver, elle est personnifiée par des expressions telles que « Lève ses tristes yeux », « remplit l'air de sa voix ».

Elle s'adresse au soleil, son libérateur, « le père des mois ».

Ses paroles, rapportées au style direct, sont à la fois une invocation, une plainte et une prière.

La terre utilise l'impératif pour exprimer sa demande : « Impose un long silence », « rends à mes soupirs » (vers 15 et 16). Et soudain, la raison de sa captivité devient claire.

La terre est une femme, victime d'un rapt, comme lors del'enlèvement des Sabines.

L'hiver a volé au printemps son épouse et voilà qu'au mois de mars elle le voit revenir àson secours.

Il n'est que de relever l'adjectif «jaloux », qualifiant les aquilons au vers 15, pour comprendre que l'hiver est en quelque sorte un Romain furieux s'étant emparé d'une femme mariée. L'Antiquité est donc très présente à l'arrière-plan de ce texte.

Les éléments comme l'hiver, le printemps, la terre etle soleil sont des divinités antiques.

Le long poème Les Mois de Roucher s'ouvre sur une exposition qui chante la gloire du soleil : « 0 soleil ! C'est toi seul qu'implore mon génie ».

Cette exposition est elle-même précédée d'une dédicace de deux pages « A mon père », ce qui n'est d'ailleurs pas un hasard puisque, dans notre texte, le soleil est qualifié de « père des mois ».

Le soleil dont il est question ici est donc Hélios, dieu grec, fils du Titan Hypérion et de la Titanide Théia.

Il est, depuis l'Antiquité, personnifié dans les textes poétiques : « Le soleil qu'engendra le Géant est monté / Dans une coupe d'or.

/ Par- delà l'océan il s'est mis à marcher / Jusqu'aux abîmes noirs des ténèbressacrées, / Vers la mère, et la femme épousée vierge encor, / Et ses enfants aimés » (fragments de Stésichore,VI' siècle avant J.-C., traduction de Robert Brasillach).. »

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