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L’image de la nature chez Victor Hugo

Publié le 03/01/2019

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?SUJET : L?image de la nature chez Victor Hugo TABLE DES MATIERES Introduction ------------------------------------------------------------- 1 Chapitre I: Victor Hugo poète et peintre d'une nature qui touche A l'immensité --- 4 I-1 Une structure logique, chronologique et psychologique------------------- 6 I-2 La description de la nature et la variété du temps et de l'espace -------------- 9 I-3 Victor Hugo voyageur et contemplateur des régions diversifiées ------------- 10 Chapitre II: La représentation des éléments de la nature dans Les Contemplations--------------------------------------------- 23 II-1 La nature minérale ------------------------------------------24 II-2 La nature végétale ------------------------------------------ 29 II-3 La nature animale ------------------------------------------ 35 Chapitre III: L'être humain présenté au coeur de la nature -------40 III-1 La femme dans la description hugolienne de la nature ------------------------41 III-2 L'amour et l'adolescence dans la nature hugolienne ---49 III-3 Comment les enfants sont présentés dans la nature hugolienne? --------------52 Chapitre IV: Le rapport entre l'homme et la nature dans Les Contemplations -------------------------------------------59 IV-1 L'homme face à la nature visible et invisible ----------60 IV-2 La nature est un « un état d'âme » -----------------------63 IV-3 Le moi, le monde et le mot -------------------------------65 IV Conclusion ------------------------------------------------------71 Bibliographie -----------------------------------------------------------73 Introduction La Nature est un thème qui a presque toujours été présent dans la littérature ; tantôt c?est la nature humaine qui devient l?objet de description d?un poète ou auteur, tantôt c?est la nature extérieure et son accord avec l?état d?âme de l?écrivain ou poète qui attire l?attention de celui-ci. Pour bon nombre de poètes et écrivains du début du XIXe siècle la nature est le lieu de l?incarnation de Dieu. C?est par la Nature que chez Rousseau, Lamartine et Hugo, Dieu manifeste sa grandeur. Mais pour la plupart des romantiques, le spectacle de la Nature ramène d'abord à l'Homme lui-même : l'automne évoque la tristesse, le soleil couchant devient l?image d?une vie qui touche à sa fin, le printemps symbolise la naissance ou la renaissance, la forêt semble être comme un temple dont les colonnes sont les arbres, le vent qui gémit et le roseau qui soupire symbolisent les émotions du poète lui-même. La Nature est aussi un lieu de repos, de refuge : en s'y promenant, on oublie la société, on oublie les bruits de la vie mondaine. Pour Rousseau la nature est tantôt verdoyante et rieuse, tantôt sauvage, mais elle témoigne toujours de la présence de Dieu. Pour Chateaubriand qui, comme Rousseau, se promène souvent seul dans la nature, la puissance de la nature est réjouissante et angoissante à la fois; elle est signe de la puissance divine. Pour Lamartine la nature est non seulement l?amie et la confidente de l?homme mais son alliée contre la fuite du temps et son alliée pour immortaliser ses souvenirs du passé. En ce qui concerne Victor Hugo la nature est le lieu de l?alliance du beau et du laid, l?alliance du sublime et du grotesque dont il parle dans la Préface de Cromwell. Cette vision totalitaire de la nature lui permet de décrire la nature dans toute son immensité en essayant de découvrir ses mystères, en attribuant une âme à tous les éléments de la nature. L?immensité, la diversité et l?animisme de la nature hugolienne sont mis en relief par le contraste, par le règne de clair-obscur, par un mélange de forme et de difformité, ce qui sont les caractéristiques de la description hugolienne de la nature. Un des recueils poétiques de Victor Hugo dans lequel le thème de la nature est présenté dans ses aspects grandioses et humbles à la fois, dans ses relations avec d?autres thèmes comme celui de la mort, de la condition humaine, du deuil, de l?amour, de la femme, c?est Les Contemplations. Les poèmes de ce recueil qui sont en rapport avec le thème de la Nature sont objet de notre étude dans ce travail de recherche. 3 La question essentielle qui se pose dans cette étude est de savoir quelle esthétique romantique nous offre Victor Hugo dans ce recueil poétique. Pour répondre à cette question et pour étudier la description hugolienne de la nature dans Les Contemplations, dans un premier chapitre, nous allons voir comment Victor Hugo, poète et peintre de la nature, la décrit dans toutes ses variétés et ses couleurs ; quelle influence ont eu les différents lieux et régions de la rédaction de ses poèmes, sur sa description de la nature, sur son imagination et son inspiration poétique. Le second chapitre de ce travail sera consacré à une étude sur la nature minérale, végétale et animale présentée dans Les Contemplations. Dans le troisième chapitre nous avons essayé de faire une étude sur l?image que Victor Hugo nous présente de l?homme dans le coeur de la nature. Pour ce faire nous parlerons de l?image de la femme, celle des enfants et celle de l?amour d?adolescence présentées dans la description hugolienne de la nature. Et finalement dans le quatrième chapitre notre tâche est de montrer le rapport qui existe entre l?homme et la nature dans Les Contemplations, c?est-à-dire nous allons étudier la position de l?homme face à la nature visible et invisible, et le va-et-vient qui existe entre le moi du poète, le monde, et les mots produits. Ce dernier passage est une étude sur le style de Victor Hugo pour voir comment chez lui la fiction se mêle à la réalité pour produire des figures de style et des mots imagés. Cela dit, il faut préciser que pour réaliser cette étude nous sommes obligés de revenir parfois sur les mêmes poèmes dans chaque chapitre afin d?aborder chaque fois un aspect différent du poème, un aspect qui soit en rapport avec l?objet d?étude du chapitre en question. Une fois ces études réalisées au cours des quatre chapitres de ce travail de recherche, nous essayerons de voir quels sont les apports de Victor Hugo à l?esthétique romantique ? Chapitre I : Victor Hugo poète et peintre d?une nature qui touche à l?immensité I ? 1 Une structure logique, chronologique et psychologique I ? 2 La description de la nature et la variété du temps et de l?espace I ? 3 Victor Hugo voyageur et contemplateur des régions diversifiées Chapitre I Victor Hugo poète et peintre d?une nature qui touche à l?immensité « Que la terre, agitant son panache de gerbes, Chante dans l?ordre d?or d?une riche moisson Vis, bêtes ; vis, caillou ; vis, homme ; vis, buisson ? » (L. 5, XVII, Les Contemplations) La nature est une source féconde d?inspiration et de réflexion pour Victor Hugo qui a voulu tout décrire dans la nature : de la pierre à Dieu. Les Contemplations montrent un poète qui décrit la nature dans toute sa totalité, dans toute son immensité et dans tous ses aspects sublimes et grotesques. Dans la dernière partie de son article critique sur "le paysage", publié dans le salon de 1859, Baudelaire, en parlant de Hugo, dit: « il est trop évident qu'en poésie notre poète est le roi des paysagistes »1 . Certes Hugo n'est pas le seul poète qui ait parlé du paysage et de la nature. Bon nombre de poètes romantiques sont admirateurs de la nature, soit dans leurs poèmes soit dans leurs proses; tous ces poètes qui ont compris que la nature est beaucoup plus qu?un simple décor, tous ces poètes et auteurs qui ont établi des correspondances entre leurs sentiments et les éléments de la nature, tous ces poètes qui ont considéré les paysages naturels comme une amie, n'ont jamais perdu de vue que c'est par la contemplation de la nature que l'homme entre en contact avec son environnement. Tantôt les paysages naturels l'apaisent et lui font oublier les malheurs de l'existence; tantôt ils jouent le rôle d'une mère qui l'écoute et le comprend. En tant qu?un peintre-poète, Victor Hugo est très bien placé pour décrire la nature dans tous ses détails. Chez Hugo parfois on considère la nature comme un assemblage d?éléments que le regard ou le pinceau de l?artiste réunit dans une seule description, et parfois aussi on a affaire à un seul élément de la nature décrit tout seul. Selon Jean-Pierre Raynaud dans le régime hugolien de production du texte, il y a « une idée qui se produit en couleurs et en contours, un fantôme qui prend corps, bref, une intériorité qui se dilate en extériorité. Et le texte à son tour, par la grâce du 1 - Baudelaire, Les articles critiques, publiés en 1992, p.328 lecteur, se projette en images dans l'espace mental, produit à l'infini des silhouettes et des spectres sur l'écran de la représentation (?) Ainsi fonctionne le processus qui va du dedans au dehors... »1. Mais dans cette présentation qui transforme une idée en couleurs et en contours, une idée qui vient du dedans et qui est influencée par ce qui se trouve au dehors, nous voyons un poète dont l?ambition est immense : il veut écrire à propos de toutes les époques, à propos de l?homme dans toutes ses conditions, il veut décrire les fêtes, les drames et les idylles, les misères et les joies au sein de la nature. Les poèmes des Contemplations sont de très bons exemples pour montrer que cette ambition de Victor Hugo apparait parfois avec plus de force dans ses poèmes que dans ses proses. Avant d?aborder cette alliance entre l?homme avec toute sa grandeur et sa faiblesse et la nature avec tous ses éléments immenses et humbles, nous allons donner un aperçu général de la structure et du contenu des Contemplations. I-1 Une structure logique, chronologique et psychologique Les Contemplations se compose de deux parties: « Autrefois » et « Aujourd'hui », délimitées dans le temps par des dates « 1830-1843 », « 1843-1856 ». Chaque partie se compose de trois livres, chaque livre ayant un titre selon le schéma suivant: Un poème destiné à être comme préface: « Un jour je vis, debout au bord des flots mouvants » Autrefois Aujourd'hui I Aurore IV Pauca mea II L'âme en fleur V En marche III Les luttes et les rêves VI Au bord de l'infini Un poème final: « A celle qui est restée en France » Selon Pol Gaillard, « la succession des deux parties, des six livres, correspond donc à un ordre tout à la fois logique, chronologique et psychologique: des lueurs du matin au crépuscule du soir, de l'espérance à la résignation, de l'amour et de l'amitié à la pertes des êtres chers, des luttes et des rêves à la réalité des résultats, mais aussi des grandes questions aux grandes réponses ou ébauches de réponse, des mystères du mal et de l'injustice à de nouveaux espoirs possibles, des limites du fini à la quête de l'infini »1. La plupart des dates écrites à la fin de chaque poème semblent être fictives et selon Ludmila Charles Wurtz « plus de deux tiers des poèmes des Contemplations ont été écrits en exil, entre 1854 et 1855 ». Cependant puisqu'une division existe à l'intérieur du recueil, nous allons voir quels genres de description de la nature, quelle vision du poète sur la nature, nous offrent ces deux parties et ces six livres. Le drame qui est au centre des Contemplations, la mort de Léopoldine, semble avoir poussé le poète à exprimer bon nombre de ses conceptions : plusieurs interrogations lui viennent à l?esprit, interrogations sur l?injustice de la mort, la présence du mal, interrogations qui conduisent le poète à une angoisse qui se montrera, en grande partie, dans « Ce que dit la bouche d?ombre » mais qui est présente dans toute l??uvre et plus ou moins dans toutes les descriptions que le poète fait de la nature. L?échec des Burgraves en 1842, la mort de Léopoldine en 1843, les circonstances politiques et sociales qui ont poussé Hugo à fuir en exil et s?installer à Jersey en 1851 et début des expériences de spiritisme en 1853 sont les événements qui ont inspiré Hugo dans la création des Contemplations, une oeuvre diversifiée. S?il y a beaucoup de contradictions dans Les Contemplations, des contradictions comme la grandeur et la misère de l?être humain, la coexistence de la vie et de la mort, de la grâce et du péché, c?est parce que cette oeuvre veut expliquer l?ambiguïté de l?homme. Cette idée de Victor Hugo que l?homme est « double », il est composé, comme la nature, du Bien et du Mal, du sublime et du grotesque, se fait jour partout, dans l?oeuvre de Victor Hugo, y compris Les Contemplations. Le livre premier, « L?Aurore », composé de 29 poèmes, est le livre de la jeunesse. Le poète évoque ses souvenirs de collège (« A propos d?Horace »), ses premiers émois amoureux (« Lise »), ses premiers combats littéraires (« Réponse à un acte d?accusation »), il parle de la beauté du printemps (« VERE NOVO »), de la joie du rêveur devant un beau paysage (« Le poète s?en va dans les champs ») ou du spectacle en plein air (« La fête chez Thérèse »). Le livre 2, « L?âme en fleur », composé de 28 poèmes, est le livre des amours. Presque tous les poèmes sont inspirés par Juliette Drouet. Hugo raconte les premiers temps de leur union, leurs promenades dans les forêts, leurs joies, les malentendus et les réconciliations. Un jour, il écrit pour elle les impressions de voyage (« Lettre ») ; un autre jour il lui écrit qu?il a rêvé d?elle (« Billet du matin »). Le livre 3, « Les luttes et les rêves », composé de 30 poèmes, est le livre de la pitié. Dans « Melancholia » Hugo dénonce la misère dans les sociétés modernes. Il parle de la peine de mort comme scandale (« La Nature »). Il explique le mal (« Explication »), décrit le châtiment des maudits (« Saturne ») et parle du génie de ceux qui comprennent l?énigme de l?univers (« Magnutito Parvi »). Le livre 4, « Pauca Meae » (Quelques vers pour ma fille), composé de 18 poèmes, est le livre de deuil. Hugo pense au choc qu?il a reçu à la mort de sa fille. Tantôt il révolte contre la cruauté du destin (« Trois ans après »), tantôt il parle des souvenirs du passé (« Elle avait pris ce pli »), tantôt il accepte la volonté divine (« A Villequier »). Le livre 5, « En marche », composé de 26 poèmes, est le livre de l?énergie retrouvée. Le poète essaie d?oublier ses tristesses et cherche de nouvelles raisons dans la méditation. A un poème politique (« Ecrit en 1846 »), à des impressions de promenades (« Pasteurs et Troupeaux ») et même à un souvenir d?enfance (« Aux Feuillantines ») se mêlent des poèmes plus généraux sur la nature et sur la condition humaine (« Mugistique Boum » et « Parole sur la dune »). Le livre 6, composé de 26 poèmes, est le livre des certitudes. Il est question des anges, des spectres et des esprits qui apportent au poète des révélations attendues. Des poèmes d?angoisse (« Horror » et « Pleurs dans la nuit ») se trouvent à côté des poèmes d?espérance (« Spes » et « Cadaver »). Le livre qui commence par un poème qui montre la route à parcourir (« Le pont »), se termine par l?annonce du pardon universel (« Ce que dit la bouche d?ombre »). Le premier poème qui se trouve en tête du recueil et qui est considéré comme préface: « un jour, je vis debout? », montre l'image d'un navire. « Le navire c'est l'homme », ce « navire qui gonflent ses voiles » « dans les flots mouvants » et « enveloppé de vents » est l'homme qui se prépare à mourir. On y voit un paysage qui peut être pictural mais le lien entre les deux abîmes dont il est question dans le poème, ne peut être dessiné que par le langage. Selon les annotations de Ludmila Charles Wurtz, à la voix de « l'abîme », dans ce prélude des Contemplations répond, à la fin du livre VI, celle de la « bouche d'ombre » (VI, 26). « Une structure en miroir ? Aujourd'hui se reflète dans Autrefois ? se superpose donc à l'armature ostensiblement chronologique du recueil »1 . I-2 La description de la nature et la variété du temps et de l?espace Dans les descriptions de la nature faites par Hugo une grande variété du temps et de l?espace attire l?attention du lecteur. Il décrit la nature : -Aux différentes heures du jour: par exemple dans « A Granville, en 1836 » (L.1, XIV), il dépeint l'aube; dans « Hier au soir » (L.2, V) ou dans « un soir que je regardais le ciel » (L.2, XXVIII), il parle du « jour qui fuit »; dans « crépuscule » (L.2, XXVI), il évoque le moment où « l'étoile aux cieux, ainsi qu'une fleur de lumière / ouvre et fait rayonner sa splendide fraîcheur »; dans « Halte en marchant » (L.1, XXIX), il parle du « clair midi qui surgit rayonnant »; dans « Le pont » (L .6, I) et dans « A la fenêtre pendant la nuit » (L.6,, IX), il décrit des paysages nocturnes ; dans « VERE NOVO! » (L.1, XII), il fait allusion au matin qui « rit sur les roses ». L?aube, midi, soir sont tous l?objet de description hugolienne de la nature. -Selon le temps qu'il fait: dans « Eclaircie » (L.6, X), il parle de l'Océan qui se calme après « un combat sans fin » ; dans « Halte en marchant » (L.1, XXVIII), il évoque le temps brumeux; dans « Il fait froid » (L.2, XX), il parle de la bise, de la neige, du froid; dans « Après l'hiver » (L.2, XXIII), il illustre « le ciel gris (qui) perd sa fraîcheur ». -A toutes les saisons et à tous les mois: l'hiver apparaît dans « Il fait froid » (L.2, XX); le printemps nous montre dans « VERE NOVO! » (L.1, XII); l'allusion au mois d'Avril se fait jour dans « le firmament est plein de vaste clarté » (L.1, IV); le mois de Mai apparaît avec toute sa splendeur dans « premier mai » (L.2, I); le mois de Juin se trouve à l'ouverture de « A Granville, en 1836 » (L.1, XVI). -Dans les paysages naturels très variés: le cimetière dans « les oiseaux » (L.1, XVIII); l'océan dans « Eclaircie » (L.6, X); la forêt dans « A quoi songeaient les deux cavaliers dans la forêt? » (L.3, XII) ; le navire enveloppé de vents qui se trouve à l?ouverture des Contemplations, dans « un jour je vis? »; la campagne dans « la vie au champs » (L.1, VI) ; la montagne dans « Joies du soir » (L. 3, XXVI) ; le vallon dans « Pasteurs et Troupeaux » (L.5, XXIII) ; la colline dans « J?ai cueilli cette fleur pour toi » (L.6 ; XXIV). 1 - Ludmila Charles Wurtz , op.cit. ,31 Pour Victor Hugo, il n?y a pas de limite entre l?espace et le temps car une « échelle » qui « vient de plus loin que la terre » (cf. « Ce que dit la bouche d'ombre » L.6, XXVI)), « qui commence aux mondes de mystère » (Ibid.) unit tout ce qui existe dans une gigantesque continuité. Cette continuité est parfaitement évoquée dans le célèbre poème des Contemplations, « ce que dit la bouche d'ombre » dont certains vers font penser aux « Correspondances » de Baudelaire. Ainsi Hugo se bâtit une religion assez personnelle, dans laquelle la nature joue un rôle apaisant, un rôle qui montre l'existence d'une divinité, un rôle d'intermédiaire entre l'homme et Dieu. « Vers la fin de sa vie cette conception (de la nature) conduit Hugo à une vision panthéiste du monde, à une divinisation de la nature »1. I-3 Victor Hugo voyageur et contemplateur des régions diversifiées Comme le dit Yves Gohin, dans son intervention présentée au colloque de Dijon sur Victor Hugo et les images2, « qui pense voyage peut penser paysage ». Les voyages de Victor Hugo se font jour sur les pages de ses albums sous forme de textes ou dessins. Selon Françoise Chenet-Faugeras3, l'idée de noter ses impressions « de voyage ou de promenade » sous forme de croquis dans "un album", était assez récente à l'époque de Victor Hugo et on voit cette forme d'illustration même dans « les revues comme l'Artiste ou l'Illustration ». Hugo était « l'un des premiers écrivains à pouvoir traduire ses impressions de voyage aussi bien par un dessin que par l'écriture ». Ainsi Théophile Gautier en parlant de Hugo, dit: « M. Hugo n'est seulement pas un poète, c'est encore un peintre »: « Quand il voyage, il crayonne tout ce qui le frappe. (?) puis le soir, à l'auberge, il retrace son trait à la plume, y met des vigueurs, un effet toujours hardiment choisi; et le croquis informe, poché à la hâte sur le genou ou sur le fond du chapeau, souvent à travers les cahots de la voiture ou le roulis du bateau de passe, devient un dessin assez semblable à une eau-forte d'un caprice et d'un ragoût 1 - A. Couprie, La Nature: Rousseau et les Romantiques, Hatier, Paris, 1985,78 2 - Yves Gohin, "Tu vois cela d'ici" in Victor Hugo et les images, op. cit.197-203 3 - Françoise Chenet-Faugeras, « Mettre un bonnet rouge au paysage ou le moment Hugo du paysage littéraire » in Les enjeux du paysage, Ousia, Grèce, 1997 (recueil publié sous la direction de Michel Collot), 176 4 - Ibid 176-177 à surprendre les artistes eux-mêmes... » (Article de Gautier dans la Presse du 27 Juin 1838)1. Les revues de l'époque publiaient régulièrement les dessins de V. Hugo. Ces dessins de voyages sont également présents dans les descriptions de la nature hugolienne, dans les poèmes des Contemplations, selon la région où ces descriptions sont faites. Il faut dire qu?à la fin de tous les poèmes il y a une indication de date mais dans le second livre, sauf le poème XVII, les autres n?ont pour date que le mois suivi de l?indication de 18?. Parfois ces dates sont accompagnées du nom d?une région et dans le cas où il y a une description de la nature dans le poème, cette nature peut être en rapport avec la région nommée à la fin du poème, à côté de la date. Prenons certains textes des Contemplations où le poète évoque le voyage et la nature qui est en rapport avec son lieu de voyage ou le lieu de la rédaction du poème. Dans le premier livre des Contemplations - « Aurore » ? les poèmes se suivent sans aucun lien apparent: les dates inscrites au bas de la page vont d'une époque à l'autre de la vie du poète et les lieux d'origine passent de Paris (en 1842) aux Roches (en 1831). Parmi les 29 poèmes du premier livre, au moins onze poèmes parlent de la nature hugolienne. Bon nombre de poèmes sont écrits à Paris sans qu?une description spécifique de cette ville soit mentionnée. Les Roches est le lieu de la rédaction des poèmes II, V, et XXVII du premier livre. Mais selon Ludmila Charles-Wurtz, Louis-François Bertin, le rédacteur en chef du Journal des Débats, possédait une maison dans la vallée de la Bièvre où la famille Hugo séjourna plusieurs étés et certains poèmes qui ont été écrits en 1854, sont fictivement datés des Roches. Dans le poème II cette nature colorée de soit disant des Roches admire le poète rêveur ; dans le poème V elle se moque de l?homme, l?Olympe qui selon Ludmila Charles-Wurtz est, dans la mythologie grecque, la résistance de Zeus et des principaux dieux, « reste grand en éclatant de rire » ; dans le poème XXVII, « Oui, je suis le rêveur », qui a été apparemment écrit aux Roches, les mêmes soupirs que font entendre les bois au poème V, sont entendus de la nature. Le château de la Terrasse évoqué à la fin des poèmes III, IV et VI du premier livre et au poème IX du quatrième livre, fait allusion au château où Hugo et sa famille avaient passé l?été de 1840, un château situé à Saint-Prix, à la lisière de Montmorency et dont le nom, selon Ludmila Charles-Wurtz, fait écho à celui de la maison d?exil à Jersey, « Marine-Terrace». Jersey, comme Paris, accompagne un grand nombre des dates indiquées à la fin des poèmes, surtout dans « Aujourd?hui ». On sait que sous le Second Empire, opposé à Napoléon III, Victor Hugo vit en exil, d?abord à Bruxelles, puis à Jersey et enfin à Guernesey. Dans « Autrefois » sont rares les poèmes où Jersey, l?île britannique située près des côtes françaises de la Manche, est mentionné (L.1, VIII et X) mais dans « Aujourd?hui », à plusieurs reprises Jersey est indiqué comme le lieu de la rédaction des poèmes : L. 4, IV et XVII ; L.5, I, III, XVIII, XXIII, XXV, XXVI ; L. , III, IX, X, XIV à XVII, XIX, XXIV, XXVI. Cela dit, dans une partie de ces mêmes poèmes il n?y a pas de description de la nature mais dans certains on voit la présence d?une nature qui peut faire allusion à ce que voit Victor Hugo de sa maison de Marine-Terrace à Jersey ou assis sur le rocher de Jersey que bon nombre des photographies de l?exil illustre. Par exemple quand dans « Le pont » (L. 6, I), on voit Victor Hugo parler des « ténèbres » qu?il a « devant les yeux », de « l?abîme qui n?a pas de rivage et qui n?a pas de cime », de « l?infini muet », on pense tout de suite à un paysage maritime qui se trouve sans cesse devant les yeux du poète. Ce « pont », comme nous le dit Ludmila Charles Wurtz, fait allusion au « pont » dont nous parle Milton dans son Paradis Perdu (1674), un pont qui relie la terre et l?enfer2. On peut dire que ce pont de Victor Hugo aussi relie le livre V au livre VI parce que le livre 5 montre le poète « en marche » vers « le bord de l?infini » qui est le titre du sixième livre et pour marcher afin d?arriver à ce bord le poète traverse le pont. C?est sûrement un paysage imaginaire et réel à la fois qui nous montre le pont joindre la terre au ciel, au coeur des ténèbres. Ainsi tous les poèmes à la fin desquels on trouve Marine-Terrace comme lieu de rédaction du poème, ont été écrits à Jersey. Par exemple Le poème IX du sixième livre, « A la fenêtre, pendant la nuit », offre un paysage nocturne où l?expression «pendant la nuit » montre la durée et l?expression « à la fenêtre » fait penser à une Contemplation du ciel par une ouverture3. Dans ce même poème, il y a la totalité de trois mondes : le ciel, la terre, les enfers, et il y a « la question posée sur l?apparition possible de nouvelles constellations, et l?attente de constellations inconnues »1. Victor Hugo qui dans bon nombre des poèmes d? « Autrefois » se promenait dans les bois pour décrire les paysages terrestres, dans ce poème, devient veilleur de nuit et contemple le ciel, comme un Mage qui voit dans le ciel le monde visible et le monde invisible et il décrit ce paysage céleste. Pour le poème X du sixième livre, « Eclaircie », dont le lieu de la rédaction a été Marine-Terrace, il faut dire qu?« il s?agit d?un poème descriptif : d?un paysage marin, de Jersey ; l?Océan, les champs labourés, des pêcheurs attablés à un cabaret, une femme berçant son enfant : une impression de douceur, d?apaisement, de calme. »2 Ce paysage décrit par Hugo, un paysage où « la terre éveillée / Entend le bruit ? du jour », peut faire penser à certains tableaux du peintre impressionniste, Claude Monet, surtout à un tableau peint en 1872, qui s?appelle Le lever du Soleil. Ce poème où le poète parle de la disparition du « mal, du deuil, de l?hiver, de la nuit, de l?envie », montre que si immense qui soit le malheur de l?homme, sous le regard de Dieu, il reste toujours debout : « Le mort couché dit au vivant debout : Aime ! » et le poème se termine par « Dieu regarde ». Cette allusion à un Dieu qui regarde donne un aspect religieux au poème : la nature est veillée par Dieu. Cette présence divine donne un double sens au mot « éclaircie » : une lumière qui éclaircie quand l?océan se calme après la tempête et une lumière qui vient de Dieu. Un autre poème dont le lieu de la rédaction est Marine-Terrace et donc Jersey, c?est le poème XV du sixième livre, « A celle qui est voilée ». Ce titre désigne, selon Pierre Albouy, un personnage légendaire de Jersey, la Dame Blanche, une mère qui avait tué son enfant ; d?après ce qu?on racontait à l?époque, l?esprit de cette Dame hantait Marine-Terrace et « les procès-verbaux des séances de spiritisme auxquelles Hugo a participé au début de l?exil, mentionnent ce fantôme » 3. Dans ce poème, Victor Hugo, après s?être comparé à « l?algue des flots », en faisant sûrement allusion à Jersey dit : « Mon esprit ressemble à cette île, Et mon sort à cet Océan ; Et je suis l?habitant tranquille De la foudre et de l?ouragan. » 1- Ibid., 290 2 - Ibid., 291 3 - Cf. Ludmila Charles Wurtz, op.cit., 452 Lieux de contemplation, Marine-Terrace et Jersey sont aussi, pour Hugo, lieux de production des images légendaires, des fantômes et des esprits. Dans « Ce que dit la bouche d?ombre », le poème XXVI du sixième livre qui avait été écrit à Jersey, Victor Hugo présente finalement « son explication mystique »1. Il rapporte ce que lui avait dit la « Bouche d?ombre », c?est-à-dire « le verbe nocturne », « le spectre » (sans que la nature de ce spectre soit plus exactement précisée). Ce poème présente quelques éléments de la nature tels que « le houx sombre », « l?aquilon », « l?orage », « le torrent », « la forêt sombre », sans nous offrir des tableaux de paysages précis. Bien que dans bon nombre de poèmes, Victor Hugo proteste contre l?injustice de la nature envers sa fille Léopoldine, dans ce poème, il parle de la victoire définitive du bien ; la fin des temps actuels s...
hugo

« l’image d’une vie qui touche à sa fin, le printemps symbolise la naissance ou la renaissance, la forêt semble être comme un temple dont les colonnes sont les arbres, le vent qui gémit et le roseau qui soupire symbolisent les émotions du poète lui-même.

La Nature est aussi un lieu de repos, de refuge : en s'y promenant, on oublie la société, on oublie les bruits de la vie mondaine.

Pour Rousseau la nature est tantôt verdoyante et rieuse, tantôt sauvage, mais elle témoigne toujours de la présence de Dieu.

Pour Chateaubriand qui, comme Rousseau, se promène souvent seul dans la nature, la puissance de la nature est réjouissante et angoissante à la fois; elle est signe de la puissance divine.

Pour Lamartine la nature est non seulement l’amie et la confidente de l’homme mais son alliée contre la fuite du temps et son alliée pour immortaliser ses souvenirs du passé.

En ce qui concerne Victor Hugo la nature est le lieu de l’alliance du beau et du laid, l’alliance du sublime et du grotesque dont il parle dans la Préface de Cromwell .

Cette vision totalitaire de la nature lui permet de décrire la nature dans toute son immensité en essayant de découvrir ses mystères, en attribuant une âme à tous les éléments de la nature.

L’immensité, la diversité et l’animisme de la nature hugolienne sont mis en relief par le contraste, par le règne de clair-obscur, par un mélange de forme et de difformité, ce qui sont les caractéristiques de la description hugolienne de la nature. Un des recueils poétiques de Victor Hugo dans lequel le thème de la nature est présenté dans ses aspects grandioses et humbles à la fois, dans ses relations avec d’autres thèmes comme celui de la mort, de la condition humaine, du deuil, de l’amour, de la femme, c’est Les Contemplations .

Les poèmes de ce recueil qui sont en rapport avec le thème de la Nature sont objet de notre étude dans ce travail de recherche. 3 La question essentielle qui se pose dans cette étude est de savoir quelle esthétique romantique nous offre Victor Hugo dans ce recueil poétique.

Pour répondre à cette question et pour étudier la description hugolienne de la nature dans Les Contemplations , dans un premier chapitre, nous allons voir comment Victor Hugo, poète et peintre de la nature, la décrit dans toutes ses variétés et ses couleurs ; quelle influence ont eu les différents lieux et régions de la rédaction de ses poèmes, sur sa description de la nature, sur son imagination et son inspiration poétique.

Le second chapitre de ce travail sera consacré à une étude sur la nature minérale, végétale et animale présentée dans Les Contemplations.

Dans le troisième chapitre nous avons essayé de faire une étude sur l’image que. »

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