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La Badauderie Parisienne

Publié le 13/02/2012

Extrait du document

Rica à lbben, à Smyrne.

Les habitants de Paris sont d'une curiosité qui va jusques à l'extravagance. Lorsque j'arrivai, je fus regardé comme si j'avais été envoyé du ciel : vieillards, hommes, femmes, enfants, tous voulaient me voir. Si je sortais, tout le monde se mettait aux fenêtres; si j'étais aux Tuileries, je voyais aussitôt un cercle se former autour de moi; les femmes même faisaient un arc-en-ciel nuancé de mille couleurs, qui m'entourait. Si j'étais aux spectacles, je trouvais d'abord cent lorgnettes dressées. contre ma figure : enfin jamais homme n'a tant été vu que moi. Je souriais quelquefois d'entendre des gens qui n'étaient presque jamais sortis de leur chambre, qui disaient entre eux : « Il faut avouer qu'il a l'air bien persan. « Chose admirable !....

« blables digressions.

Sa facture nette, symetrique, harmonieuse, trahit le FraiNais.

Tous les details en sont habilement choisis et disposes de telle maniere que l'impression est d'une parfaite unite.

Deux alineas; deux actes, car on pent considerer cette epitre comme une petite comedic.

Premier temps : Rica se promene en habit persan, et tons les Parisiens veulent le voir.

Deuxieme temps : it se vet a l'euro- peenne, et personne ne le regarde plus.

Chacun de ces deux actes comporte plusieurs scenes logiquement, artistement agencees, donnant l'illusion du naturel, du.

\Teen. *** D'abord une proposition generale, une affirmation, suivie d'un long cor- tege de preuves : Les habitants de Paris (il ne dit pas les Parisiens, l'Orien- tal aime les formes amples, etoffees) sont d'une curiosite qui va jusqu'd !'extravagance.

La curiosite est naturelle a l'homme, mais le Parisien la porte a un tel exces que Rica en a ete a in fois choque et amuse.

Le mot extravagance est le plus precis pour definir ce qu'a d'excessif et de de- raisonnable cette curiosite.

La demonstration de la remarque ainsi enoncee est copiense, lumineuse.

C'est la demonstration par les faits, la plus irre- futable. Scene I.

Rica arrive.

C'est bien par la sied de commencer.

On le regarde « comme s'il avait ete envoys du ciel ».

Expression heureuse pour peindre le degre de la curiosite qu'il excite, a peine &barque.

Il y a si longtemps que le del n'a delegue sur terre quelque ambassadeur authen- tique!...

Suit une enumeration malicieuse, cornmeneant par les vieillards et finissant par les enfants.

C'est que, d'ordinaire, les enfants et les femmes passent pour etre plus eurieux que les hommes et les vieillards.

Ceux-ci en ont tant vu, et de taut de sortes, qu'ils sont biases, desabuses, et ne se &Tangent plus pour voir du nouveau.

Dans !'occurrence, ils sont les pre- miers, les plus empresses a vouloir contempler le nouvel arrivant. Scene II.

Rica sort.

Il deambule par les rues de la capitale pour se rendre oil se rend la foule elegante et mondaine : au Jardin des Tuileries.

Sur le parcours, it est tout surpris de voir les fenetres s'ouvrir a son passage; de maison a maison la nouvelle se transmet, comme une trainee de poudre; les maisons si hautes (peon jugerait qu'elles ne sont habitees que par des astrologues » - sont garnies, a tous les stages, de gens qui veulent voir passer le Persan.

Arrive a la celebre promenade, refaite depuis un demi-siecle par le grand artiste Le Notre, iI n'a meme.pas le loisir d'ad- mirer les parterres dessines « Itla Francaise »; it est aussitot le centre d'un cercle qui se forme spontanement autour de lui.

Au lieu des fleurs formant de gracieuses figures, c'est un arc-en-ciel nuance de mile couleurs qui l'entoure.

Entendez les toilettes bigarrees des promeneuses, venues pour perdre leur apres-midi en joyeux papotages, en medisances distinguees, dans « la grande allee » reservee au « Tout-Paris » de 1712.

Scene III.

Rica an theatre.

Changement de decor...

Expressions neuves et pittoresques, en accord avec le nouveau milieu oil s'est transports Rica. Il voit d'abord (des l'abord, aussitot; sens courant au xvir siècle) cent lor- gnettes dressees contre sa figure.

Que Pon remplace ce dernier membre de phrase par : toutes les lorgnettes dirigees vers moi et Pon comprendra com- ment un ecrivain habile sait donner un tour original a sa pensee.

Trois modifications ont suffi It Montesquieu pour renforcer la sienne et lui donner un petit air oriental : le nombre cent, I'adjectif verbal dressees et !'expres- sion contre ma figure remplacant vers moi.

En quittant la salle de spec- tacle, notre Persan resume son sentiment dans une phrase synthetique : Jamais homme n'a tant ete vu que moi. Scene IV.

Rica en visite.

II ne le dit pas formellement, mais on le devine sans peine.

Comment saurait-il que les gens qui disaient entre eux : « II faut avower qu'il a Pair bien persan) ...n'etaient presque jamais sortis de leur chambre, s'il n'avait jamais penetre chez eux, ne s'etait informs de leurs habitudes et n'avait appris qu'ils etaient tres casaniers? C'est done, n'en doutons pas, en allant saltier quelque correspondant parisien d'Ibben on de Mirza, ou d'un autre personnage de !'Iran, qu'il a entendu dans leur salon ce propos qui provoquait son sourire.

Car Rica est un sage.

II ne se frappe pas, it ne s'indigne pas.

II ne prend pas des paves pour ecraser des mouches.

II sourit, comme un a philasophe » serein; it n'a pour l'homnae qu'une indulgence amusee et un tantinet meprisante. blables digressions.

Sa facture nette, symétrique, harmonieuse, trahit le Fran~ais.

Tous les détails en sont habilement choisis et disposés de telle maniere que l'impression est d'une parfaite unité.

Deux alinéas; deux actes, car on peut considérer cette épître comme une petite comédie.

Premier temps : Rica S::! promène en habit \)ersan, et tous les Parisiens veulent le voir.

Deuxième temps : il se vêt à l'euro­ péenne, et personne ne le regarde plus.

Chacun de ces deux actes comporte plusieurs scènes logiquement, artistement agencées, donnant l'illusion du naturel, dU- vécu.

*.

D'abord une proposition générale, une affirmation, suivie d'un long cor­ tège de preuves : Les habitants de Paris (il ne dit pas les Parisiens, l'Orien­ tal aime les formes amples, étoffées) sont d'une curiosité qui ua jusqu'à fextrauagance.

La curiosité est naturelle à l'homme, mais le Parisien la porte à un tel excès que Rica en a été à la fois choqué et amusé.

Le mot extravagance est le plus précis pour définir ce qu'a d'excessif et de dé­ raisonnable cette curiosité.

La démonstration de la remarque ainsi énoncée est copieuse, lumineuse.

C'est ln démonstration par les faits, la plus irré- futable.

· Scène I.

Rica arrive.

C'est bien par là qu'il sied de commencer.

On le regarde « comme s'il avait été envoyé du c1el ».

Expression heureuse pour peindre le degré de la curiosité qu'il excite,.

à peine débarqué.

Il y a si longtemps que le ciel n'a délégué sur terre.

quelque ambassadeur authen­ tique!...

Suit une énumération malicieuse, commençant par les vieillards et finissant par les enfants.

C'est que, d'ordinaire, les enfants et les femmes passent pour être plus e111rieux que les hommes et les vieillards.

Ceux-ci en ont tant vu, et de tant de sortes, qu'ils sont blasés, désabusés, et ne se dérangent plus pour voir du nouveau.

Dans l'occurrence, ils sont les pre­ miers, les plus empressés à vouloir contempler le nouvel arrivant.

Scène II.

Rica sort.

Il déambule par les rues de la capitale pour se rendre où se rend la foule élégante et mondaine : au Jardin des Tuileries.

Sur le parcours, il est tout surpris de voir les fenêtres s'ouvrir à son passage; de maison à maison la nouvelle se transmet, comme une traînée de poudre; les maisons - « si hautes qu'on jugerait qu'elles ne sont habitées que par des astrologues » - sont garnies, à tous les étages, de gens qui veulent voir passer le Persan.

Arrivé à la célèbre promenade, refaite depuis un demi-siècle par le grand artiste Le Nôtre, ii n'a même.

pas le loisir d'ad­ mirer les parterres dessinés « à la Française » ; il est" aussitôt le centre d'un cercle qui se forme spontanément autour de lui.

Au lieu des fleurs formant de gracieuses figures, c'est un arc-en-ciel nuancé de mille couleurs qui l'entoure.

Entendez les toilettes bigarrées des promeneuses, venues pour perdre leur après-midi en joyeux papotages, en médisances distinguées, dans « la grande allée » réservée au « Tout-Paris » de 1712.

Scène Ill.

Rica acz théâtre.

Changement de décor ...

Expressions neuves et pittoresques, en accord.

avec le nouveau milieu où s'est transporté Rica.

Il voit d'abord (dès l'abord, aussitôt; sens courant au xvn• siècle) cent lor­ gnettes dressées contre sa figure.

Que l'on remplace ce dernier membre de phrase par : toutes les lorgnettes dirigées- vers moi et l'on comprendra com­ ment un écrivain habile sait donner un tour original à sa pensée.

Trois modifications ont suffi à Montesquieu pour renforcer la sienne et lui donner un petit air oriental : le nombre cent, l'adjectif verbal dressées et l'expres­ sion contre ma figure remplaçant vers moi.

En quittant la salle de spec­ tacle, notre Persan résume son sentiment dans une phrase synthétique : « Jamais homme n'a tant été vu que moi.

» Scène IV.

Rica en visite.

Il ne le dit pas formellement, mais on le devine sans peine.

Comment saurait-H que les gens qui disaient entre eczx : « Il faut au,ouer qu'il a l'air bien persan » ...

n'étaient presque jamais sortis de leur chambre, s'il n'avait jamais pénétré chez eux, ne s'était informé de leurs habitudes et n'avait appris qu'ils étaient très casaniers? C'est donc, n'en doutons pas, en allant saluer quelque correspondant parisien d'Ibben ou de Mirza, ou d'un autre personnage de l'Iran, qu'il a entendu dans leur salon ce propos qui provoquait son sourire.

Car Rica est un sage.

Il ne se frappe pas, il ne s'indigne pas.

Il ne prend pas des pavés pour écraser des mouches.

Il sourit, comme un «philosophe» serein; il n'a pour l'homme qu'une induigeuc.e amusée el un tantinet méprisante.. »

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