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La dimension janséniste du tragique racinien

Publié le 26/03/2015

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L'univers racinien est en effet sous le regard permanent de la divinité, et ce dieu n'est jamais providentiel : il accable le héros au lieu de le guider. À la fois poursui­vis et abandonnés par les dieux, les héros raciniens sont des êtres à qui la grâce ne peut être donnée. En écho à Arnauld, qui voyait dans Phèdre « une chrétienne à qui la grâce aurait manqué «, Chateaubriand reconnaît en elle « la chrétienne réprouvée, la pécheresse tombée vivante dans les mains de Dieu. « (Génie du christianisme, 1802). 

« E X P 0 S É S F C H E S Une doctrine contestée La doctrine janséniste, qui remettait en cause les fondements du dogme, suscita de nombreuses polémiques : que devenait le libre arbitre de l'homme si le choix dépendait de Dieu seul ? L'abbaye de Port-Royal devint la cible du pouvoir poli­ tico-religieux (la cour de France, la papauté, les théologiens) qui considérait les Jan­ sénistes comme des rebelles et des hérétiques.

Cette longue persécution aboutit, en 1709, à la destruction du monastère.

Il -LE TRAGIQUE RACINIEN, UNE ILLUSTRATION DE LA DOCTRINE JANSÉNISTE Paradoxalement, la défaite du jansénisme en tant que doctrine religieuse n'a pas empêché son triomphe en tant que philosophie ou vision du monde.

Le pessimisme augustinien, devenu profane, imprègne le théâtre de Racine.

La divinité cruelle L'univers racinien est en effet sous le regard permanent de la divinité, et ce dieu n'estjamais providentiel: il accable le héros au lieu de le guider.

À la fois poursui­ vis et abandonnés par les dieux, les héros raciniens sont des êtres à qui la grâce ne peut être donnée.

En écho à Arnauld, qui voyait dans Phèdre « une chrétienne à qui la grâce aurait manqué», Chateaubriand reconnaît en elle« la chrétienne réprouvée, la pécheresse tombée vivante dans les mains de Dieu.

» (Génie du christianisme, 1802).

Les héros raciniens sont condamnés à vivre dans un monde radicalement mauvais et dépourvu de valeur.

Par ailleurs, le silence de la divinité mauvaise, pour­ tant maintes fois évoquée (plus de quatre-vingts fois dans Phèdre) interdit aux héros de connaître clairement la volonté divine.

Ils n'ont pas de prise sur le monde, que ce soit par l'action ou la conscience.

lis ont beau lutter contre ce qu'ils perçoivent comme leur perte (sous la forme de la passion), ils ne sont pas libres de leur destin : Phèdre multiplie les sacrifices à Vénus, fuit Hippolyte, Je persécute et pourtant elle succombe, écrasée par la culpabilité.

Une_,conce_11tionj1mséniste de l'amour La dimension janséniste apparaît également dans la nouvelle psychologie de l'amour que Racine dévoile dans son théâtre.

En rupture complète avec la tradition, il introduit en effet dans la tragédie un amour violent et meurtrier qui rabaisse l'homme au niveau de la nature et de l'instinct.

Cette passion brutale et possessive, étrangère à toute valeur, ressortit à ce que les Jansénistes appellent la nature, cet antonyme de la grâce.

En cela, Racine se rattache nettement à la philosophie pessi­ miste du jansénisme, qui met également l'accent sur l'absence de lucidité de l'homme: Oreste, Hermione, Agrippine ou encore Agamemnon illustrent cette obs­ curité de l'être à lui-même et cette incapacité à saisir les mobiles de son action.

Conclusion : Si le tragique racinien peut, par bien des côtés, être mis en relation avec la doctrine janséniste, il ne saurait lui être totalement assimilé.

En transposant cette doctrine en une vision du monde, Racine en fait un matériau littéraire, au même titre que les mythes antiques.

Ces deux com­ posantes du tragique racinien convergent d'ailleurs pour donner à voir la faiblesse humaine : la tragédie devient alors, selon le mot de Barthes (op.cit.) «un échec qui se parle».. »

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