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A travers la ou les tragédies de Racine que vous avez étudiées, dégagez les caractéristiques du tragique racinien

Publié le 17/01/2022

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racine
. Plan I. L'importance du lieu et du cadre : complot de famille ; — un lieu clos et étouffant... — avec la vie tout autour... — associé souvent au cadre familial — haine et inceste ; — le labyrinthe. II. Les passions : — Père et fille : amour et meurtre ; — amour et pouvoir, pouvoir de l'amour ; — le schéma type ; — il y a peu d'amour heureux. III. Fatalité : — passion fatale... — sous le regard des dieux ; — ou de Dieu. Introduction La tragédie est née en Grèce au V' siècle avant notre ère : le héros tragique succède au héros mythique. Au héros triomphant (malgré les souffrances et les échecs qu'il endure parfois) fait place un autre type de personnage sur lequel fondent des malheurs inouïs, non qu'il soit expressément coupable, - tout juste commet-il quelques erreurs, — mais un destin malin et pervers semble s'acharner sur lui, pour que les autres (humbles spectateurs) en tirent des leçons de morale : se méfier de l'orgueil, et de la démesure par exemple. Plus tard, au xviie siècle, un certain type de tragédie domine : celui édifié par Corneille, où des hommes libres luttent avec vaillance pour leur propre gloire, dans un monde clair, ordonné et harmonieux. Mais en 1664, un poète dramaturge apporte une tout autre conception du tragique : des zones sombres affleurent dans la conscience humaine. C'est cela que le tragique racinien veut cerner, dans des lieux clos, protégés de l'extérieur, où des clans, des membres d'une même famille s'affrontent, soumis à des passions qu'ils ne maîtrisent pas, sous le regard des dieux qui se jouent de leur misère ou exigent d'eux l'impossible...
racine

« d'abord, à l'évincer.

Seuls le crime et l'ingratitude lui permettent d'accéder à la liberté : il empoisonne Britannicus,son demi-frère, pour se faire respecter (avant — l'Histoire nous le dit — de faire exécuter sa propre mère).C'est à l'intérieur même enfin du clan familial que les passions s'exacerbent le mieux : les fils y sont rivaux du Pèredans Mithridate où la touchante Monime est l'enjeu d'un conflit qui oppose le Père au bon (Xipharès) et au mauvaisFils (Pharnace) ; de même, Phèdre, amoureuse d'Hippolyte, commet, en pensée et en sentiment, l'adultère avec lepropre fils de son mari Thésée.La famille est donc le lieu originel du tragique racinien, un lieu où les membres du clan s'opposent et s'infligent decruelles blessures.

Le labyrinthique sérail de Bajazet est un symbole très efficace de la castration : labyrinthe(auquel fait écho dans Phèdre celui où Thésée vainquit grâce à Ariane le monstre Minotaure) qui est aussi celui desâmes humaines qui n'en finissent pas de révéler de sombres secrets : sentiments ambigus, attachements étranges,amours cachées ou interdites, haines dévorantes, ou mieux encore, tout cela mêlé de façon indissociable.

Dans celieu perdu en effet, qui figure la conscience même (ou l'inconscient) des personnages, se développent detroublantes passions. 2.

Les passionsOn ne tue vraiment bien que les gens qu'on aime, dira à en substance Albert Camus, surtout quand ceux-ci, enretour, n'éprouvent que haine, ou pire, indifférence.

La tragédie racinienne en est l'effarant exemple : le cas le plussignificatif se trouve dans Iphigénie.

Là en effet, un père aimant se voit contraint d'accomplir le sacrifice barbarepar excellence, le meurtre de sa fille, Iphigénie, vieux rituel imposé par des dieux inhumains et qui hante, semble-t-il,la mémoire de l'humanité depuis les origines.

Ainsi dans l'Ancien Testament, Dieu, pour éprouver Abraham, luiordonne de sacrifier son fils Isaac, mais au dernier moment il arrête le couteau.

Le mythe14014ancien n'a pas cette retenue.

Tragédie familiale donc où le père doit sacrifier la fille (qu'il aime et qui l'aime) sousl'oeil horrifié de Clytemnestre, la mère, et de l'amant, Achille ; tragédie amoureuse aussi où, selon le principe cheraux cannibales, celui qui aime ne peut faire autrement que de dévorer l'objet de son amour.

Agamemnon va donctuer la douce Iphigénie...

Il faut une intervention divine (plus chrétienne que païenne) pour lui substituer au momentultime un autre sacrifice, celui d'Eriphile.On connaît par ailleurs le schéma d'Andromaque (qui va devenir une sorte de modèle archétypal de la tragédieracinienne) : Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque qui n'aime que son fils Astyanax et lesouvenir de son mari mort (Hector).

En même temps, pour rendre les conflits plus inévitables encore, et insolubles,celui (ou celle) qui aime a tout pouvoir sur qui l'aime sans retour et peut donc exercer de terribles pressions surl'objet de ses désirs inassouvis (la tragédie de Bajazet fonctionne exactement sur le même principe : le sultanAmurat aime Roxane qui aime Bajazet qui aime Atalide...).Pyrrhus donc, follement épris d'Andromaque, passe son temps à lui déclarer son amour et à la menacer de mort sielle ne cède pas, forme raffinée de chantage qui est l'amie préférée de l'amoureux racinien, avec d'autres comme lemensonge, la perfidie, la tromperie (Mithridate, Roxane, par exemple n'hésitent pas à mentir et à utiliser les plusinfâmes procédés pour extorquer de l'autre la vérité sur leurs sentiments ; en amour tout est permis au jalouxrejeté) : il faut faire pression sur l'autre qui ne vous aime pas mais sur lequel vous disposez d'un important pouvoir «matériel » (chez Racine, tout pouvoir a tôt fait de devenir abus de pouvoir).

De même Hermione menace Pyrrhusqu'elle aime passionnément.

Mais elle va jusqu'au bout de son entreprise, exigeant de son soupirant malheureux, lemisérable Oreste, qu'il tue l'amant infidèle, Pyrrhus — quitte à accuser ensuite le tueur à gages, avec uneaccablante mauvaise foi, d'avoir trop promptement obéi à ses ordres insensés...

C'est aussi la démarche de Roxane :« Sortez » dit-elle au terme d'une des plus belles scènes de théâtre jamais écrites, à Bajazet qui se refuse à mentir,c'est-à-dire à lui dire qu'il l'aime.

Ce « sortez » correspond à un assassinat car des sbires armés, les « muets » dusérail (les instruments du destin, ces anges de la mort — l'euphémisme « muets » désigne les eunuques — n'ont pasbesoin de parler) l'attendent hors-scène pour le frapper et le faire sortir de la vie.

Roxane préfère voir mort celuiqu'elle aime plutôt que de le savoir à une autre, sa rivale Atalide.

Néron aussi menace Junie qu'il a enlevée, Juniepromise à Britannicus (et qui aime celui-ci tendrement), il la fait pleurer (il aime jusqu'à ces larmes qu'il lui faisaitcouler) et souffrir.

De même enfin Phèdre dénonce Hippolyte pour le punir d'aimer ailleurs, — la belle Aricie — à sonterrible mari Thésée qui demande que la colère de Neptune tombe sur le traître (la coupable accuse Hippolyted'éprouver pour elle les sentiments qu'elle a pour lui).

Hippolyte meurt.

Phèdre n'a plus qu' à se désespérer et àmou-rir de remords : parce qu'on aime, on fait « chanter », on menace, on tue, mais cela ne sert à rien.

Car celle(ou celui) que vous poursuivez vous échappe toujours, mort ou vivant...Aussi n'y a-t-il pas beaucoup d'amours heureuses chez Racine où toujours Titus (et Antiochus) quitte Bérénice etBérénice Titus...

Où Junie se réfugie chez les Vestales après la mort de Britannicus ; où Andromaque passe sa vie àpleurer Hector et à rester veuve et mère ; où Roxane ne peut que tuer l'homme qui ne l'aimera jamais et, commePhèdre, préfère se supprimer elle-même plutôt que de survivre à ses crimes (ou à ses échecs amoureux).

La passionne peut conduire qu'au meurtre dès lors qu'elle est d'une telle intensité.

Néron doit tuer Britannicus pour posséderJunie, mais peine perdue, elle lui échappe : l'objet de l'amour vous fuit toujours.

Trop éprise d'Achille, le meurtrier desa famille, trop jalouse d'Iphigénie, Eriphile se jette dans le piège qui la tuera : amour et mort vont si bien ensemble.Nulle passion ne peut s'assouvir dans la vie : Atalide et Bajazet, Britannicus et Junie, Titus et Bérénice ne vivrontpas ici-bas leur amour, comme si planait sur eux la malédiction qui empêche l'amour réciproque de survivre.

Quelquesexceptions néanmoins : Achille épouse Iphigénie sauvée in extremis, mais dès le début on sait qu'Achille mourrabientôt, en pleine jeunesse, destin qu'il a choisi délibérément en acceptant de partir combattre à Troie ; Xipharèsépouse Monime, mais l'ombre des Romains plane sur le fiancé en sursis dont les jours sont désormais comptés.Sur chacun des personnages en effet, plane une menace : fatalité de la vie ? hasard ? volonté divine ? Dans quellemesure les êtres chez Racine sont-ils libres d'agir, de sentir, d'aimer, de haïr ?. »

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