La diversité formelle du roman d'apprentissage

« rent par l'absence d'intrigue, la juxtaposition de non-événements qui ne modifient en rien le destin du héros.

Il n'ordonne plus une histoire ouverte et signifiante: la révolution de 1848 avorte dans le sang et le coup d'État de 1851 liquide les illu­ sions romantiques.

On le voit, ici, le temps n'est plus maturation mais morcelle­ ment et dégradation.

Le temp~ ~3:!zacien Balzac aussi joue avec le temps dans Le Lys dans la vallée, rompant avec la nar­ ration chronologique et le point de vue omniscient si fréquent dans le roman d'apprentissage.

Le récit se présente comme un vaste retour en arrière effectué par le héros, Félix de Vandenesse, sous la forme d'une longue lettre adressée à sa maî­ tresse.

Le lecteur n'aura donc que le point de vue du personnage, infléchi par la reconstruction inhérente à tout souvenir, déformé par l'idéalisation de Mme de Mortsauf.

Sans cesse l'ombre du présent contamine la restitution du passé.

Cette fic­ tion autobiographique rapporte un apprentissage inachevé:« Permettez-moi d'ache­ ver votre éducation », répond Nathalie de Manerville dans sa lettre de rupture.

Ill -LA DIVERSITÉ NARRATIVE Les intrusions de l'auteur Si l'intrusion du romancier dans la fiction est fréquente chez Balzac (qui rompt le récit pour introduire un commentaire moral ou sociologique ou pour un retour en arrière destiné à éclairer le personnage) ou chez Stendhal (narrateur ironique qui juge ses personnages), elle prend une tournure différente chez Barrès, qui double le récit d'un commentaire redondant véhiculant ses parti pris idéologiques.

Ce pro­ cédé oriente le romand' apprentissage vers le roman à thèses.

On peut ici reprendre, pour qualifier ce sous-ensemble du roman d'apprentissage, les termes de « roman d'apprentissage exemplaire » proposé par Susan Suleiman dans un article de Poétique.

Exemplaire car le récit se veut démonstratif et didactique, subordonnant la fiction à l'illustration d'une thèse personnelle.

~~Je~ ~~~l~~~~!nts de v~~ Classiquement, le roman d'apprentissage est écrit à la troisième personne sur le mode de la narration omnisciente; mais le romancier déroge souvent à la règle.

Stendhal et Flaubert, plus que d'autres, recourent à la focalisation interne qui per­ met de présenter les événements à travers la conscience des personnages, comme déchiffrés par eux: c'est le « réalisme subjectif » inauguré par Stendhal.

Ce der­ nier présente le monde comme un univers de signes à interpréter, opaque, jamais totalement compris.

Z.

Marcas, nouvelle de Balzac qui relate un apprentissage raté, est construite de façon plus complexe: le romancier rapporte le récit qu'un de ses amis (fictifs) lui a fait de la jeunesse de Marcas, son voisin, y insérant celui que Marcas lui-même fait de son expérience.

Trois instances narratives donc, « récit en abyme» qui met en relief la confession de Marcas, et lui confère le rôle d'un récit d'initiation qui va transformer la vie des autres personnages.

Conclusion: Il n'y pas un mais des romans d'apprentissage, exploitant la diversité des procédés romanesques.

La Recherche du temps perdu ou La Symphonie pastorale, au siècle suivant, adopteront d'autres formules narra­ tives, illustrant la plasticité du genre.. »