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La Fontaine, Fables VII. LES DEUX COQS

Publié le 14/02/2011

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Deux coqs vivaient en paix; une poule survint, Et voilà la guerre allumée. Amour, tu perdis Troie; et c'est de toi que vint Cette querelle envenimée Où du sang des dieux même on vit le Xanthe 1 teint. Longtemps entre nos coqs le combat se maintint. Le bruit s'en répandit partout le voisinage. La gent qui porte crête au spectacle accourut. Plus d'une Hélène au beau plumage Fut le prix du vainqueur; le vaincu disparut. Il alla se cacher au fond de sa retraite. Pleura sa gloire et ses amours, Ses amours, qu'un rival tout fier de sa défaite Possédait à ses yeux. Il voyait tous les jours Cet objet rallumer sa haine et son courage. Il aiguisait son bec, battait l'air et ses flancs, Et, s'exerçant contre les vents, S'armait d'une jalouse rage. Il n'en eut pas besoin. Son vainqueur sur les toits S'alla percher, et chanter sa victoire. Un vautour entendit sa voix : Adieu les amours et la gloire. Tout cet orgueil périt sous l'ongle du vautour. Enfin, par un fatal retour, Son rival autour de la poule S'en revint faire le coquet :

Je laisse à penser quel caquet, Car il eut des femmes en foule. La Fortune se plaît à faire de ces coups; Tout vainqueur insolent à sa perte travaille. Défions-nous du sort, et prenons garde à nous Après le gain d'une bataille. La Fontaine, Fables VII. Sous la forme d'un devoir composé, vous commenterez cette fable de La Fontaine. Vous étudierez comment, pour illustrer une leçon de l'expérience, La Fontaine improvise un petit drame où la sûreté de l'observation humaine s'agrémente de fantaisie et d'humour parodique. L'auteur redoutable par excellence pour le commentaire : quoi de plus limpide en effet qu'une fable de ce bon La Fontaine. Tout le monde en a lu, étudié et se souvient des aventures de tel corbeau ou telle laitière. La difficulté vient précisément du classicisme du fabuliste : clarté dans l'expression (une fois balayés les archaïsmes), clarté dans la morale. La tentation est grande alors de paraphraser un texte qu'on ne parvient à saisir, faute de prise; ou de parler, comme nombre de manuels, « d'expressivité « de la versification et de « vérité psychologique «. Devant tout texte de La Fontaine, deux réflexes doivent vous aider : refuser la paraphrase et le discours psychologique.   

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« 10-18) pour détendre l'atmosphère avant que n'intervienne à l'acte IV (v.

19-23) un autre ressort dramatiqueimportant : la péripétie.

Enfin (v.

24-28) un acte de dénouement (heureux selon le schéma de la tragi-comédie etdu drame). Classique par la conduite solidement menée de l'intrigue, la « comédie » de La Fontaine est cependant une pièceque les « doctes » condamneraient.

D'autant que le mélange des tons, proscrit au nom de l'harmonie idéale, vientbattre une nouvelle fois en brèche la rigueur doctrinale. 2.

La variété des tons. « Je n'appelle pas gaieté ce qui excite le rire, mais un certain charme, un air agréable qu'on peut donner à toutessortes de sujets, même les plus sérieux » (Préface) : cette formule résume et l'ambition et les moyens d'y parvenir. Ce (c charme », difficile à saisir, repose, semble-t-il sur l'utilisation au sein d'une même œuvre de tons fortdifférents : — l'enflure épique qui fait d'une « querelle », un « combat », une « guerre » même; — les références mythologiques (le Xanthe) ou homériques (Hélène, Troie) se retrouvent jusque dans ladétermination des personnages : « ...

au beau plumage » est une parodie des épithètes épiques que l'on rencontredans L'Illliade : « ...

aux belles joues », « ...

au doux sourire »; — face à ce style soutenu, le fabuliste ne dédaigne pas d'user du burlesque dès que l'aspect proprement épiquedisparaît : « Son rival autour de la poule S'en revint faire le coquet : Je laisse à penser quel caquet, Car il eut des femmes enfoule.

» Le retour aux humains (« les femmes ») permet au fabuliste de passer du plan du récit à celui de la morale : car,ainsi qu'il le rappelle dans une autre fable, « ce n'est pas aux hérons que je parle » (Le Héron). 3.

L'observateur lucide. Constamment présent dans sa fiction (les personnels : « nos coqs », « Je laisse à penser »; les apostrophes : «Amour tu perdis Troie ! », « Adieu les amours et la gloire »), le fabuliste dirige son récit en fonction d'une conceptionde l'homme bien classique : — à l'amour s'oppose la gloire (thème cornélien); — la (( jalouse rage » s'apparente plutôt à l'aspect ravageur de la passion (thème racinien); — la soumission à la Fortune (thème pascalien). De plus, nombre de vers sont à l'image des maximes lucides que le Grand Siècle se plut à pratiquer. Conclusion : Un texte bien personnel par son originalité formelle, « classique » par sa psychologie et dont la portéen'est pas sans faire référence à l'actualité : le « chant de victoire » du coq triomphant, n'est-ce pas celui deFouquet à Vaux-le-Vicomte ? et « l'ongle du vautour » n'est-il pas une figure métonymique de la disgrâce duSurintendant ? Décidément, la fable est chose plus sérieuse qu'il n'y paraît.. »

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