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LA LITTÉRATURE FRANÇAISE DE LA PÉRIODE ROMANTIQUE

Publié le 05/03/2020

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L’histoire de l’humanité, dit-il, se divise en trois âges, chacun avec leur expression littéraire propre. Aux temps primitifs correspond l’âge poétique avec la Bible, aux temps antiques l’épopée avec Homère, aux temps modernes le drame. Seul en effet le drame est la poésie totale des temps modernes. Il correspond à la révélation du christianisme qui nous a appris que l’homme est « composé de deux êtres, l’un périssable, l’autre immortel, l’un charnel, l’autre éthéré, l’un enchaîné par les appétits, les besoins £t les passions, l’autre emporté sur les ailes de l’enthousiasme et de la rêverie, celui-ci enfin toujours courbé vers la terre, sa mère, celui-là sans cesse élancé vers le ciel, sa patrie. » Riche de cet enseignement, le drame peindra cette vie totale sans en rien négliger, joignant le comique au tragique, l’héroïsme au bouffon. Loin de choisir, comme il l’avait fait jusqu’à présent, séparant soigneusement comédie et tragédie, l’art doit faire comme la nature, présenter un tableau mêlé de la vie humaine, admettre ce que le classicisme avait repoussé mais qui est présent dès l’Antiquité et chez Shakespeare, Dante ou Milton, le grotesque. Ce genre nouveau qui vit du réel et cherche la vérité a pour maître Shakespeare.

On conçoit facilement que cette ambition ne pouvait qüe faire exploser les conventions dramatiques. Et effectivement Victor Hugo congédie toutes les règles au nom de la liberté, pour retrouver la nature. Son intervention est hardie et décidée : « Mettons le marteau dans les théories, les poétiques et les systèmes. Jetons bas ce vieux plâtrage qui masque la façade de l’art ! Il n’y a ni règles, ni modèles; ou plutôt il n’y a d’autres règles que les lois générales de la nature qui planent sur l’art tout entier, et les lois spéciales qui, pour chaque composition, résultent des conditions d’existence propres à chaque sujet ».

Ainsi libéré, le drame pourra éclairer à la fois l’intérieur et l’extérieur des hommes, faire revivre une époque et y camper des caractères, « croiser, en un mot, dans le même tableau, le drame de la vie et le drame de la conscience ».

De ce plaidoyer puissant et convaincu Cromwell était une première illustration, drame si touffu que Victor Hugo le sachant injouable ne l’avait pas même écrit pour la scène.

ALEXANDRE DUMAS Père (1802-1870)

On ne saurait surestimer l’importance historique d’Alexandre Dumas. Henri III et sa Cour, reçu au théâtre français en 1829, est le premier succès du drame romantique avant même Hernani. L’auteur y reconstitue l’atmosphère historique de la cour d’Henri III avec Catherine de Médicis à l’époque où, sous la direction du duc de Guise, le parti catholique vient de fonder la Ligue. La politique de la reine pour éliminer le favori passe par une intrigue amoureuse. Antony (1831) peinture d’une violente passion dans un cadre bourgeois, est aussi une réussite célèbre. En 1837, un homme aussi averti des réalités de la scène française que l’est Heine, voit en Victor Hugo et lui les deux meil-

Raynouard se voit obligé de resserrer en vingt-quatre heures le drame de ces religieux, qui sont ainsi, en une seule et même journée, accusés, jugés et brûlés. Aucune justice, si expéditive et sommaire soit-elle, ne procède aussi vite, souligne Mme de Staël, en parlant de cette tragédie. Et pourtant les pièces ont du succès. Les Vêpres Siciliennes, le Paria de Casimir Delavigne, les Macchabées de Guiraud, Régulas d’ARNAULT fils, se font applaudir. Mais on peut regretter que ces auteurs n’aient pas su s’émanciper. Une faible audace vient de Lehrun qui avec Marie Stuart osera, selon le mot de Stendhal, « être à demi romantique ».

Ce que pourrait être la comédie affranchie, Lemercier en donne un exemple avec Le Pinto, à moins que la présence de l’histoire ne fasse de cette pièce déjà un drame. Mais à l’époque le genre comique est beaucoup plus illustré par ScriBe.

A dire vrai, le seul genre vivant au théâtre est le mélodrame, ancêtre de notre théâtre de Boulevards. Essentiellement populaire, il est riche en rebondissements, en terreurs, en empoisonnements ou en mystères qui sont comme ses ressorts dramatiques. La scène s’anime de duels ou d’apparitions de fantômes. Dans ce genre où l’intrigue fait l’essentiel, les caractères répondent au manichéisme du bon et du mauvais, et après des scènes d’intense émotion où l’on tremble devant le criminel, l’innocent triomphe enfin. Le mélodrame a par là un caractère moral que revendique son principal représentant Pixérécourt, auteur très abondant qui connaît un immense succès. En matière d’intrigue, de présence scénique, le mélodrame apprendra beaucoup aux Romantiques. Sans doute ceux-ci hausseront-ils le ton, chercheront-ils plus de noblesse dans l’action; leur plus haute ambition les portera au drame. Ils auront cependant été aidés par ce théâtre populaire.

PROSPER MERIMEE

Les débuts du théâtre nouveau se feront pourtant hors de la scène. Mérimée, membre du groupe des jeunes écrivains romantiques qui se rencontrent le vendredi chez Viollet-Le-Duc, et le dimanche chez son beau-frère Delecluze, présente dans ce salon libéral que fréquente notamment H. Beyle, des comédies d’un style nouveau qu’il publie ensuite par esprit de mystification sous le nom de Théâtre de Clara Gazul (1825), attribuant ainsi ses pièces à une comédienne espagnole fictive. Les journaux romantiques libéraux saluent l'œuvre avec enthousiasme : « Pendant longtemps, s’écrie le Mercure du xix’ siècle, on a cru que le Romantique n’était autre chose que ce genre mystique et vaporeux né dans les brouillards de la Germanie et importé en France par M. de Chateaubriand et Mme de Staël, et ce que cette école a produit depuis dix ans était assurément bien fait pour nous en dégoûter. » (1) Assurément cette comédie jeune, amoureuse et colorée pouvait séduire : n’y voit-on pas un Grand Inquisiteur,

jeune homme pieux, naïf et innocent, fasciné par le charme de son accusée qui n’est, en vérité, ni libertine ni sorcière, mais une brave et joyeuse Espagnole, quitter le froc et s’enfuir avec elle, après s’être défait de ses assesseurs eux aussi amoureux (Une Femme est un Diable); ou encore c’est le vice-roi du Pérou conduit à cautionner les folies de sa jeune et séduisante maîtresse : lors d’une grande cérémonie religieuse, elle emprunte au roi son carosse, cause un demi scandale en se vengeant de sa rivale, et trouve à se faire louer de l’évêque à qui elle fait don du carosse royal ! (Le Carosse du Saint Sacrement). Si Mérimée manifeste beaucoup d’aisance dans les petites pièces en un acte, il sait aussi viser plus haut et présenter des drames : la Famille du Carjaval ou la Jacquerie.

« RAYNOUARn se voit obligé de resserrer en vingt­ quatre heures le drame de ces religieux, qui sont ainsi, en une seule et même journél!, accusés, jugés et brûlés.

Aucune justice, si expéditive et sommaire soit-elle , ne procède aussi vite, soulignl! Mme de Staël, en parlant de cette tragédie.

Et pourtant les pièces ont du succès.

Les Vêpres Siciliennes, le Paria de Casimir DELAVIGNE, les Macchabées de GuiRAUD, Régulus d'ARNAULT fils, se font applaudir.

Mais on peut regretter que ces auteurs n'aient pas su s'émanciper.

Une faible audace vient de LEBRUN qui avec Marie Stuart osera, selon le mot de Stendhal, « être à demi romantique ».

Ce que pourrait être la comédie affranchie, LEMERCIER en donne un exemple avec Le Pinto, à moins que la présence de l'histoire ne fasse de cette pièce déjà un drame.

Mais à l'époque le genre comique est beaucoup plus illustré par SCRIBE.

A dire vrai, le seul genre vivant au théâtre est le mélodrame, ancêtre de notre théâtre de Boulevards.

Essentiellement populaire, il est riche en rebondissements, en terreurs, en empoi­ sonnements ou en mystères qui sont comme ses ressorts dramatiques.

La scène s'anime de duels ou d'apparitions de fantômes.

Dans ce genre où l'intrigue fait l'essentiel, les carac­ tères répondent au manichéisme du bon et du mauvais, et après des scènes d'intense émotion où l'on tremble devant le criminel, l'innocent triomphe enfin.

Le mélodrame a par là un carac­ tère moral que revendique son principal repré­ sentant PIXÉRÉcouRT, auteur très abondant qui connaît un immense succès.

En matière d'in­ trigue, de présence scénique, le mélodrame apprendra beaucoup aux Romantiques.

Sans doute ceux-ci hausseront-ils le ton, cherche­ ront-ils plus de noblesse dans l'action; leur plus haute ambition les portera au drame.

Ils auront cependant été aidés par ce théâtre populaire.

PROSPER MERIMEE Les débuts du théâtre nouveau se feront pour­ tant hors de la scène.

MÉRIMÉE, membre du groupe des jeunes écrivains romantiques qui se rencontrent le vendredi chez Viollet-Le-Duc, et le dimanche chez son beau-frère Delecluze, pré­ sente dans ce salon libéral que fréquente notam­ ment H.

Beyle, des comédies d'un style nouveau qu'il publie ensuite par esprit de mystification sous le nom de Théâtre de Clara Gazul (1825), attribuant ainsi ses pièces à une comédienne espagnole fictive.

Les journaux romantiques libéraux saluent l'œuvre avec enthousiasme : « Pendant longtemps, s'écrie le Mercure du x1x• siècle, on a cru que le Romantique n'était autre chose que ce genre mystique et vaporeux né dans les brouillards de la Germanie et importé en France par M.

de Chateaubriand et Mme de Staël, et ce que cette école a produit depuis dix ans était assurément bien fait pour nous en dégoûter.

» (1) Assurément cette co­ médie jeune, amoureuse et colorée pouvait sé­ duire : n'y voit-on pas un Grand Inquisiteur, jeune homme pieux, naïf et innocent, fasciné par le charme de son accusée qui n'est, en vérité, ni libertine ni sorcière, mais une brave et joyeuse Espagnole, quitter le froc et s'enfuir avec elle, après s'être défait de ses assesseurs eux aussi amoureux (Une Femme est un Diable); ou encore c'est le vice-roi du Pérou conduit à cautionner les folies de sa jeune et séduisante maîtressl! : lors d'une grande cérémonie reli­ gieuse, elle emprunte au roi son carosse, cause un demi scandale en se vengeant de sa rivale, et trouve à se faire louer de l'évêque à qui elle fait don du carosse royal ! (Le Carosse du Saint Sacrement).

Si Mérimée manifeste beau­ coup d'aisance dans les petites pièces en un acte, il sait aussi viser plus haut et présenter des drames ! la Famille du Carjaval ou la Jacquerie.

citation Théâtre de Clara Gazul Mariquita seule, assise sur le pied de son lit.

Pauvre Marie, où es-tu ? Que deviendras-tu ? Mariquita la folle à l'inquisition ! cela me ferait rire ...

La pauvre folle sera pourtant brûlée ...

Oh ! cela fait frissonner !...

cela fait tant de mal de se brûler à la chandelle, et tout son corps dans la flamme ! (Pleurant.) Là ! ils veulent me brûler, moi qui suis si bonne catholique ! moi qui n'ai pas voulu épouser le caporal Hardy seulement parce qu'il était hérétique; et c'était un si bel homme ! cinq pieds neuf pouces ! et puis si je l'avais suivi en Angleterre, le capi­ taine O'Trigger l'aurait fait sergent comme il l'avait promis, et moi j'aurais été cantinière ...

Ah ! que j'ai été bête ! « Damn Their Eyes », comme ils disaient, au diable ces cafards ! Ce sont tous des libertins.

Peut-être que ces deux gros joufflus qui m'ont dit de belles paroles empêcheront le grand maigre de me mettre au feu ! Brrrr ! ne pensons plus à cela.

Le mal vient assez vite.

Bah ! vive la joie ! chantons, pour nous distraire, cette chanson qu'ils pren­ nent pour de l'hébreu.

Elle chante.

« Ils mirent Grain-d'orge sur le carreau pen­ « dant qu'ils lui préparaient de nouveaux tour­ « ments; et, sitôt qu'il donnait signe de vie, « ils le secouaient et le retournaient.

« Puis sur une flamme dévorante ils dessé­ « chèrent la moelle de ses os ...

» Hélas ! pau­ « vre Grain-d'orge ! comme il devait souffrir ! « et c'est comme cela que je souffrirai, moi.

« Hélas ! faut-il que je sois brûlée ! Antonio entrant : En ce monde, et dans l'au­ tre.

Mariquita, s'éloignant avec effroi Ha ! déjà ! quoi, déjà ! Antonio : Maria ! Mariquita de même : Seulement un quart d'heure encore ! (1) Cité par J.

Marsan : La Bataille Romantique, 1re série (Hachette 1912, p.

137).. »

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