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Histoire de la littérature française - cours

Publié le 17/04/2022

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Il expose plus clairement sa pensée dans le Discours sur l’inégalité parmi les hommes : l’homme est bien par nature, mais il est corrompu par la société.
Rousseau se singularise dans l’histoire des lettres françaises par ce que l’exégèse a nommé le destin de l’homme-œuvre, victime de sa propre biographie, qu’il essaie de plier aux exigences de son idéologie. Le conflit de Rousseau avec la société le rendra un étranger et il se plaira à se voir et à se présenter comme tel. Il le sera partout où son destin de « picaro » portera ses pas. Il le sera encore par ses idées qui augmenteront la distance réelle ou imaginaire qui le sépare tour à tour des gens de lettres et des philosophes de son temps, devenus, à ses yeux, tous ses ennemis, ses persécuteurs. La rupture de Rousseau avec la société représente en même temps la rupture du créateur avec la pensée des Lumières et l’ouverture vers le Romantisme.
Julie ou La Nouvelle Héloïse, Lettres de deux amants habitants d’une petite ville au pied des Alpes, recueillies et publiées par J.J. Rousseau, a source dans l’amour de l’auteur pour madame d’Houdetot. L’illusion d’un dernier amour, la déception, l’aliénation, font partie des éléments autobiographiques qu’il y mettra. La Nouvelle Héloïse est une

œuvre complexe qui apparaît comme une somme des idées, des sentiments et des rêves de Rousseau. Car Rousseau, l’étranger se retire dans la fiction, en édifiant un monde à sa guise, qui le recompose de l’amertume de la réalité, un univers qui lui offre une revanche sur la vie.
Ecrite sous forme de roman épistolaire, l’œuvre profitera des ressources du genre, permettant à l’auteur de multiplier les voix et les points de vue sur les questions qu’il y débat. Tour à tour le je sera assumé par Julie, Saint-Preux, Claire, M. Edouard, M. de Wolmar, le ton traversant lui aussi un champ assez divers : confession, dissertation, réquisitoire.
Il y a dans La Nouvelle Héloïse deux parties distinctes : jusqu’au mariage de Julie c’est le roman de la passion contrariée des amants, après le mariage c’est le roman de la vertu conjugale. Au point de vue de la composition, Rousseau crée une symétrie entre les deux parties par la reprise de certaines scènes, ce qui éclaircit l’évolution sentimentale des protagonistes.
En ce qui concerne l’ordre temporel du roman, on peut affirmer qu’en grandes lignes le temps du discours coïncide avec le temps du récit : le destinateur s’adresse à son destinataire en lui racontant des faits, en lui présentant des

états d’âme, en lui décrivant des paysages qu’il vient de vivre ou de voir. C’est cette superposition des deux temporalités qui permet à l’auteur de tresser les fils des événements. Mais l’évocation des moments ponctuels s’accompagne souvent d’un retour en arrière, à des moments révolus, que le mémoire actualise et fait revivre. Tout moment présent est le temps du malheur, par rapport auquel le passe devient le bonheur perdu. Le ton élégiaque transforme, dans cette perspective, même le temps de l’absence en moments de félicite, car il était animé par l’espoir, tandis que le présent en est exempt. Pour Julie, le temps passé se colore de péché, ce qui lui donne le sentiment de culpabilité. Dans cette perspective temporelle moralisée, ce qui pour le cœur a été le bonheur, devient pour la conscience un bonheur coupable.
Rousseau maîtrise parfaitement, d’une manière très moderne, la temporalité de son roman, en la soutenant avec le devenir de ses héros : leur parcours linéaire est fait d’une succession de moments passés relatés par des narrateurs différents, de sorte qu’à la fin le lecteur découvre qu’ils ont changé, tout en restant fidèles à eux-mêmes.
La nouveauté de La Nouvelle Héloïse ne consiste pas uniquement dans la thématique abordée, mais aussi et surtout

dans le style lyrique crée par Rousseau. Il laisse ses héros exprimer directement leurs passions, il cultive l’effusion sentimentale. De plus, il y a tout un langage des gestes qui accompagne la parole et trahit les états d’âme que la pudeur voudrait cacher. Mais surtout l’associer à l’homme. La nature n’est plus un simple décor, elle est un véritable personnage lyrique, présent dans la vie des héros, fusionnant avec leurs états d’âme, les provoquant même.
Chez le Rousseau le temps, l’espace et le sentiment forment un triangle inséparable, ou chaque élément conditionne les autres, comme dans le célèbre fragment de la promenade sur le lac : ici, le mouvement régulier des vagues suggère au héros la répétition temporelle et ressuscite le passé, provoquant un moment de crise sentimentale. Le même mouvement, par sa douceur, induit le calme dans son âme.
La nouvelle Héloïse représente la première confirmation esthétique de la valeur du roman sentimental. Son succès à l’époque est immense. Par cette œuvre Rousseau rompt définitivement avec l’esprit des Lumières, donnant à la littérature une orientation vers l’exploration de l’âme humaine et ouvrant la perspective du futur roman romantique.

Emile- le problème de l’éducation devait fatalement s’imposer à Rousseau : c’est seulement en agissant sur les jeunes générations qu’on peut espérer faire revivre l’homme naturel dans l’ordre social. Il écrivit Emile avec amour, en pensant à l’enfant qu’il aurait voulu être. On objecta à l’auteur que son postulat initial (sur l’absence de mauvais instincts chez l’enfant) était faux, - que le sens, l’intelligence et la moralité se développaient simultanément, - que les truquages perpétuels grâce auxquels le percepteur d’Emile dirige l’éducation de cet enfant de la nature en lui laissant l’illusion de sa liberté, étaient le comble de l’artifice. Il rappelait que l’objet essentiel de l’éducation est de former des hommes et non des mandarins.
Contrat social-fragment d’un livre inachevé, les Institutions politiques. – construction purement théorique, menée en dehors du temps et du l’espace.
Ce petit livre devenait le Coran des révolutionnaires ; il inspirait la déclaration des droits de l’homme et du citoyen; il servait à légitimer les violences des jacobins. Aujourd’hui encore, sa critique de la propriété est à la base des doctrines sociales et communistes modernes

Il formule la théorie de l’étatisme absolu : le souverain y est souverain maître des biens, de la personne, de la conscience même des particuliers. On a soutenu que Rousseau, si passionnément attache aux droits de l’individu, s’était ici contredit lui-même ; c’est faute d’avoir pris garde que l’étatisme était pour lui un moyen, le seul qui lui paraissait possible pour dissoudre les forces qui opprimaient l’individu et pour maintenir au profit de l’individu l’égalité ainsi rétablie.

Les Confessions- écrit autobiographique
Par cette œuvre, Rousseau prétend se montrer à ses adversaires réels ou imaginaires tel qu’il est, sans aucune correction, en pleine sincérité. Par la confession de ses erreurs et péchés, l’auteur veut se justifier et s’absoudre lui-même contre tout calomniateur. Les confessions ont un double destinataire : dieu et les hommes. On constate la présence diffuse du lecteur, le témoin possible se réduisant le plus souvent au on indéfini.
Rousseau nous présente vraiment sa transformation : il est devenu un homme moral par une rude confrontation avec les

imperfections, les impuretés, les vices de son être, tout aussi puissants que ses vertus.
En parlant du style de Rousseau, on découvre 2 « tonalités » particulièrement significatives : le ton élégiaque, qui exprime le sentiment du bonheur perdu, favorisant le passé au détriment du présent et faisant du moment de l’écriture le temps de la disgrâce, et la narration de type picaresque, pour laquelle le passe est « le temps faible », c’est-à-dire temps des faiblesses, de l’erreur, des humiliations.
Passé et présent sont doublement valorisés par Rousseau : le passé est tour à tour objet de nostalgie et objet d’ironie, le présent est regardé tantôt comme état de dégradation morale, tantôt comme état de supériorité intellectuelle.

LE ROMAN AU XIXe SIECLE
- les premières années du XIXe siècle enregistrent une crise
du roman
- vers le gothique et vers l’intrigue sentimentale
- le roman sentimental →le roman intime= cultive le ton
pathétique et déplace le conflit vers l’intérieur
(Chateaubriand, Benjamin Constant, Senancourt)
Le roman historique- le fruit du romantisme
L’influence de Walter Scott
-Donne le tableau fidèle du passé
-Introduit dans le roman des innovations :
- la description de mœurs et des caractères ;
- le dramatisme de l’action ;

- le grand rôle accordé au dialogue.

- le décor est peint avec minutie et sensibilité ;
- le costume est celui du temps qu’il décrit ;
- l’histoire- pleine de couleur et de vie.
Les personnages
- n’appartiennent pas aux grandes personnalites historiques;
- ce sont des gentilshommes;
- leur mission- mediateurs entre les extrêmes dont le conflit
fait l’intrigue
La structure narrative
- liaison établie entre l’individu et son milieu;
- les details physiques et vestimentaires, les elements du
decor s’attachent a restituer la couleur locale
- la description des milieux et le portrait occupent une large
place

VICTOR HUGO
(1802-1885)

ROMAN HISTORIQUE- « Notre Dame de Paris »

- une imitation d’après Walter Scott
- le livre apporte au-delà d’un sujet factice, une évocation colorée du Paris moyenâgeux
- œuvre « d’imagination, de caprice et de fantaisie »
- va vers une suite de tableaux qui ressuscitent toute une époque
- ne met pas au premier plan les grandes figures de l’histoire. Ses personnages= individus anonymes
- le conflit érotique y tient la première place.  Chez Walter Scott, le conflit passionnel sert à mettre en évidence l’énergie de l’histoire, tandis que chez V. Hugo l’histoire devient un prétexte.
- Avec Notre Dame de Paris le roman historique devient une épopée médiévale, par la vie tumultueuse qu’il donne a une ville et a une cathédrale, ainsi que par le caractère symbolique de ses personnages.
- Victor Hugo crée un roman pittoresque qui se remarque par le mouvement des foules, les qualités dramatiques et les vertus du dialogue.
- apporte le combat du bien et du mal

- le conflit devient moral
- l’histoire devient ainsi une leçon de morale
Victor Hugo- romancier
Victor Hugo vient au roman de très bonne heure. Après le roman historique « Notre Dame de Paris », il publie « Claude Gueux » une ébauche des « Misérables ». La parution des « Misérables » est reçue par réserves de la part de Flaubert, des Goncourt ou de Zola.
Il se laisse conquérait par la fantaisie dans la peinture de la réalité. Il préférait le romantisme au réalisme et le spiritualisme au positivisme.
« Les Misérables » sont le roman de toute une vie, l’épopée d’une conscience humaine qui passait du mal au bien ; l’odyssée de l’homme rejeté par la société, cet homme qui réussit à se redresser et qui monte vers l’épreuve suprême. Il édifie un roman énorme, en huit volumes trop chargé et inégal, mais puissant et riche, fruit de l’imagination épique et d’une documentation sérieuse.
- le roman est dominé par une thèse humanitaire: l’injustice, l’indifférence, le système répressif, poussent les « infortunés » à devenir des « infâmes » ; pour les sauver, il

faut de la patience et de l’amour, il faut de l’instruction, de la justice sociale et de la charité chrétienne.
- ce que V’H. se propose par ce roman est de composer « une montagne », « le poème de la conscience humaine », « une épopée supérieure et définitive ».
La période envisagée était 1815-1832. Le conflit était moins social que moral et philosophique. On n’envisageait pas la lutte des pauvres et leur libération, mais l’ascension vers un idéal spirituel= l’épopée d’une conscience
Michel Raymond dit que « V.H. ne s’intéresse pas à la réalité sociale de Jean Valjean, mais à son salut. »
- c’est la réalité qui envahit le roman et les événements historiques y occupent une large place
Les personnages
- quoique symboliques, existent ;
- ont une vie romanesque puissante et s’imposent par leur
présence ;
- malheureusement leur psychologie est assez sommaire ;
- bâtis par contraste  , ils mêlent les lumières et les ténèbres et
réalisent l’équilibre sur lequel repose le roman : l’évêque et
le policier, Cosette et Thénardier ;

- Jean Valjean lui-même « illustre le mythe d’un Satan Christ » ( Raymon M.)
- les personnages secondaires prennent du relief et constituent parfois de vrais créations : Gavroche, Eponine.

Les structures narratives
- l’œuvre laisse l’impression de chaotique
On décèle 5 parties dont 4 portent le nom d’un personnage : Fantine, Cosette, Marius, Jean Valjean, le 4e L’Idylle rue Plumet et l’épopée rue Saint-Denis a un sens unificateur
Chaque partie débute par une longue introduction ensuite c’est le récit et l’analyse des personnages. Les débats de conscience de Jean Valjean, l’évolution de Marius, l’évolution sentimentale de Cosette constituaient une sorte de contrepoint à l’action extérieure. « L’histoire contée se déroulait sur deux plans : le monde et l’âme. » (Raymond M.) Hugo démultipliait l’action romanesque au niveau de diversité apparente comme à celui de la profondeur cachée.
Les trois premières parties de l’ouvrage « racontent les cheminements des principaux personnages vers cette barricade de la rue de la Chanvrerie.. ». Dès la 4e partie Hugo réunit tous les fils de l’intrigue ; le rythme haletant du récit, après les

lenteurs d’une triple préparation, emporte d’un seul coup tous les personnages.
De grandes digressions interrompent le déroulement du temps romanesque pour imposer une vision simultanée de l’ensemble.
Un vrai mythe de l’auteur élève celui-ci à l’omniscience. Hugo c’est la Providence qui voit tout, qui connait tout et qui dirige les moindres gestes de ses héros.

LE ROMAN RÉALISTE
HONORÉ DE BALZAC
(1799-1850)
Principales œuvres : Le dernier Chouan ou la Bretagne en 1800 [Les Chouans]-1829 ; Scènes de la vie privée,1830 ; La peau du chagrin, 1831 ; Romans et contes philosophiques, 1831 ; Le médecin de campagne, 1833 ; Scène de la vie de province, 1833 ; Séraphita,1834 ; Le Père Goriot, 1834 ; Scènes de la vie parisienne, 1834 ; La Recherche de l’absolu, 1834 ; La femme de trente ans, 1834 ; L’Interdiction 1837 ; Les employés, 1837 ; La Vieille Fille, 1837 ; Illusions perdues, Béatrix, 1839 ; Une ténébreuse affaire, 1841 ; Ursule Mirouët, 1841 ; Un début dans la vie, 1842, Splendeurs et misères des courtisanes, 1843 ; Les Paysan, 1844 ; Petites misères de la vie conjugale, 1844 ; La cousine Bette, 1846 ; Le Cousin Pons, 1847
 
Le roman réaliste se trouve en germe dans les théories romantiques. Par le goût du concret et la préoccupation du détail précis, par les ambitions d’exactitude du roman historique, le romantisme ouvre au fond, la voie au roman réaliste.

Apres 1830, Balzac s’arrête, dans de nombreuses préfaces sur la valeur du détail que ses prédécesseurs n’avaient pas inclus dans leur programme.
Le réalisme de Balzac sera visionnaire. Pour mieux saisir les mécanismes sociaux, le romancier sera doublé du philosophe. La philosophie de Balzac, exposée dans l’Avant-Propos à la « Comédie Humaine » repose sur la constatation qu’ « il n’y a qu’un seul animal ». Il y a des « Espèces sociales comme il y a des espèces zoologiques ». A la différence de l’animal, l’homme saura transposer sa vie intérieure dans l’aspect extérieur.
Le romancier philosophe sera donc doublé du peintre, qui à l’aide de la description minutieuse du milieu, des vêtements, de traits physiques et des particularités du langage pourra suggérer le côté profond de l’individu.
La matière du roman est l’histoire des mœurs. Pour réaliser l’image globale de son époque, le romancier a l’idée de relier les romans les uns aux autres à l’aide des personnages reparaissants.
- préoccupé de la structure de l’ensemble

Les chefs-d’œuvres de Balzac

Eugenie Grandet
- a imprimé le cachet à la révolution que Balzac a portée dans le roman.
- là c’est accomplie la conquête de la vérité absolue dans l’art, là est le drame appliqué aux choses les plus simples de la vie privée. C’est une succession de petites causes qui produit des effets puissants.
- Une étude minutieuse des mœurs de la vie de province
- le roman balzacien est construit sur un modèle dramatique qui exprime une vision dynamique du réel, une attitude philosophique.
- la forme (structure narrative) du roman balzacien est une réponse aux interrogations de la réalité, une lecture et un commentaire du réel.
- pour lui un drame= une suite d’actions, de discours, de mouvements qui se précipitent vers une catastrophe
- le discours narratif balzacien se développe ensuite et s’étale dans des espaces textuels amples qui semblent suspendre le récit par des retours en arrière et des descriptions détaillées.  La description de la maison de Grandet n’a pas seulement une valeur pittoresque : elle aide à comprendre. Grâce au procédé de retour en arrière,

l’exposition gagne de la profondeur, la durée pénètre ainsi le roman.
- Balzac fait appel à l’une des ressources traditionnelles de la narration, l’analepse, la rétrospection, l’évocation d’un événement (ou une série) antérieure au moment où débute l’action. La fonction est de récupérer la totalité des antécédents narratifs pour expliquer les ressorts du drame.
- Le narrateur reprend le récit là où il l’avait interrompu.
- L’insertion d’un nouveau personnage dans le récit entraîne toujours une analepse, qui présente amplement ses antécédents.
- dans l’intention de révéler les relations d’interdépendance qui relient l’homme au milieu où il vit, le narrateur omniscient interrompt le récit des événements par des longs fragments descriptifs.
- la description accumule une multitude de détails à fonction référentielle
- par les détails le narrateur donne des informations sur le logement, la physionomie, les vêtements des personnages, pour marquer leur condition humaine est sociale.

- dans le roman balzacien la perspective narrative est généralement l’attribut du narrateur.
- l’omniscience        d’un      personnage      est       toujours
l’omniscience de l’auteur
- récit à la troisième personne
- le retour des personnages- la reprise des personnages dans divers romans. Le Père Goriot est le premier roman ou ont apparu des personnages créés pour des romans parus antérieurement
Point de rencontre de nombreux personnages balzaciens le roman est considéré la cellule-mère de la Comédie Humaine.
Thèmes fondamentaux de l’univers balzacien
ü le thème de la paternité
ü le drame de l’argent
ü l’assaut des ambitions à la conquête de la fortune
ü Paris comme un alambic ou les valeurs humaines se transforment en contact avec le jeu des intérêts
Ces personnages reparaissants forment le fond social constant de la Comédie Humaine. La réapparition des personnages dans des moments et des circonstances différentes de leur

trajectoire individuelle provoque une multiplication des plans de la narration.
Le récit linéaire est remplacé par le récit -mosaïque où chaque segment narratif est lie à l’ensemble, des éléments du récit connus dans d’autres romans ajoutent des résonnances supplémentaires à l’action racontée et ouvrent des perspectives vers des destinées et des conflits complexes.
Possédés par le soif de connaître, par l’amour ou la haine, par l’ambition de s’élever dans la hiérarchie sociale- les héros de Balzac vivent l’épopée de la volonté
Le personnage balzacien
- Balzac entretient avec ses personnages une relation autoritaire, le romancier omniscient étant maître absolu du temps et de l’espace. En même temps, a l’intérieur et a l’extérieur de ses personnages, il illustre la « focalisation zéro », le point de vue de Dieu.
- Il envisage l’homme comme représentatif d’un groupe social.
- Les personnages balzaciens subissent les déterminations historiques et sociales. Si Harpagon reste isole dans la passion, Grandet est le fruit de son époque. Balzac

restitue aux archétypes la dimension humaine. Ils se font en contact avec les réalités sociales. Rastignac, avant d’être l’arriviste sans scrupules, a été un jeune homme plein de candeur et tendresse.
- L’attitude du romancier à l’égard de ses personnages est celle du père Goriot à l’égard de ses filles. Il les décrit, les juge et la mystique de la paternité envahit le monde de la Comédie Humaine.

STHENDAL
Principales oeuvres: Correspondance, 1800-1842; Journal, 1801-1823; Pensées. Filosofia Nova, 1802-1803 ; De l’Amour, 1822 ; Racine et Shakespeare, 1823, 1825 ; Armance, 1827 ; Le Rouge et le Noir, 1830 ; Souvenirs d’Égotisme, 1832 ; Lucien Leuwen, 1834-1835 ; Vie de Henry Brulard, 1835-1836 ; Mémoires d’un touriste, 1836 ; La Chartreuse de Parme, 1839 ; Chroniques italiennes, 1839 ; Lamiel, 1839-1842
Stendhal et le roman psychologique

- Les romans de Stendal impliquent une expérience

L’action de chacun tourne autour d’un jeune homme qui ressemble plus au moins à l’auteur, mais qui évolue dans un autre milieu et qui a un autre sort. Autour de ce personnage central gravitent quelques figures vivantes inspirées de ses connaissances mais jamais copiées.
Armance- le thème de l’impuissance physique séparant deux amoureux. Fidèle à son idée de réalisme subjectif, il cherchait une certaine vision du monde, l’image de la société parisienne donnée par un infirme. L’intrigue était le contraire d’une idylle. Elle débute par l’amour, continue par l’amitié et la séparation définitive.
Si Armance est le roman de la faiblesse, le rouge et le noir est le roman de l’énergie et de la volonté.
- la matière du roman- la France de 1830, la province et Paris
Julien Sorel- illustre l’énergie provinciale, les classes pauvres en ascension. Sous Napoléon il aurait été rouge, c’est-à-dire soldat. Sous la Restauration, ce sera le noir qui l’aidera à parvenir.
- il est séminariste. Ensuite, c’est la conquête par les femmes. Madame de Rênal, Mathilde de la Mole mêlent leurs destinées à celle du héros.

- Au fait divers et à l’expérience personnelle, Stendal ajoute des évènements historiques réels empruntés à la société de 1830.
- Les luttes de l’opposition libérale et de la congrégation donnent à ce livre un accent de vérité
Julien Sorel qui veut réussir doit très bien connaître le contexte social et se plier à ses exigences.
- Le Rouge et le Noir est un des premiers roman du XIXe siècle dont le héros est âprement confronté au monde réel.
- le réalisme de Stendal s’ajoute à ses vertus de psychologue et de moraliste.
Le Rouge et le Noir= l’histoire d’une âme noble, d’un passionne qui souffre de ce décalage qu’il constate entre son génie et sa condition
Lucien Leuwen- sur les 3 parties que comprend le pan, Stendal n’en a réalisé que 2. Dans la première – l’amour de Lucien pour madame Chasteller, dans la deuxième envisage l’expérience politique du héros de même que sa liaison avec madame Grandet.
- le roman de l’initiation. A travers des expériences diverses, le héros connaît le monde réel et se découvre soi-même.

La chartreuse de Parme nous plonge dans l’atmosphère chargée de la Cour de Parme en 1815, la duchesse Sansévérina veut pousser son neveu Fabrice et en faire une archevêque. Apres avoir lutter à Waterloo Fabrice del Dongo change le rouge par le noir.

- Le héros de ce roman est un autre Julien Sorel
- Jeune passionné et intelligent, il vit dans un monde qu’il déteste. Admirateur de Napoléon, Fabrice doit tricher pour réaliser ses rêves de grandeur.
- A la différence de Julien qui est un solitaire, Fabrice est toujours entouré de monde.
- Habitue à la société, il fait du mensonge un savoir-vivre
- Il a une merveilleuse aptitude au bonheur ce qui l’approche de son auteur
Lamiel – l’héroïne de ce roman inachevé est la réplique féminine du Julien Sorel. Tout aussi énergique et forte que celui-ci, Lamiel ne finit pas sur l’échafaud, mais ne peut trouver l’amour qu’auprès d’un forçat.

L’originalité de Stendhal
- roman de la condition humaine, le roman stendhalien part à la recherche de l’homme supérieur
- Stendhal étudie la psychologie amoureuse, mais ne perd pas de vue la volonté et l’énergie
- Il explore la sensation. Les mystères de l’âme sensible le préoccupent dans le plus haut degré.
- De l’observation du soi, il arrive à l’observation des autres
- Ses romans brossent un vaste tableau de la société française et italienne
- Le Rouge et le Noir dévoile la Restauration à travers la perspective intérieure de Julien Sorel
- l’accommodation du personnage suppose une leçon d’hypocrisie et de faux-semblant
- à la différence de Balzac, Stendhal s’intéresse à l’analyse du cœur humain

Le personnage
Auerbach dans Mimesis considère Stendhal le fondateur du réalisme dans ce sens qu’il a lié l’individu au milieu qui l’avait produit.
- L’opposition entre la volonté et une destinée assez souvent tragique, confère à l’individu un statut héroïque.
- Le héros stendhalien est un individu actif qui va à la rencontre de l’aventure
- Il refuse l’hypocrisie comme ennemi de la spontanéité et adopte la provocation.
- Il commence par se cherche un modèle qui pour Julien Sorel ou Fabrice del Dongo est Napoléon Bonaparte.
- Entre le héros et son désire intervient un médiateur qui est de nature interne parce qu’il appartient au monde réel
- Le héros stendhalien s’oppose au héros romantique qui ne reconnaît jamais son modèle
- le personnage offre des hypostases diverses.
- Si Julien Sorel s’efforce d’étouffer en lui la voix d’une sensibilité folle, Fabrice del Dongo ne s’intéresse qu’à son

bonheur. Entièrement détaché du contingent, Fabrice promène dans les salons une indifférence à l’égard du monde qui est l’expression d’une suprême sagesse.
- Individualiste et épicurien, Fabrice illustre dans le plus haut degré le beylisme (double attitude devant la vie) propre au personnage de Stendhal : le culte du moi (l’égotisme), l’art de découvrir le bonheur par l’affinement de l’intelligence et de la sensibilité.
- Le culte du l’énergie nous dévoile un être fort, toujours préoccupe a étouffer ses passions.
- Le combat avec soi-même, le rend imprévisible, redoutable, mais également vulnérable.
- Etre d’élection, ambitieux et orgueilleux, le personnage stendhalien sera moins la victime d’une fatalité sociale, mais plutôt d’une fatalité biologique.
L’art narratif
- N’adopte pas le modèle de Walter Scott, sa structure romanesque ne réside pas dans cette longue exposition et cette action dramatique qui se précipite vers le dénouement.
- La composition procède d’une succession d’épisodes qui suivent les étapes d’une vie.

- L’ordre est donné par l’enchaînement temporel des événements et le retour en arrière n’apparait que très rarement chez Stendhal, prêt surtout à accélérer qu’à ralentir.
- Dans « Le Rouge et le Noir » seul le récit d’enfance de Julien transfère le lecteur au passé. Dans le reste on se trouve dans un présent continu ou l’analyse est tout aussi rapide que l’action.
- A l’intérieur du roman, les descriptions sont assez courtes, d’un seul trait, Stendhal évoquant un vaste paysage. Lorsque les descriptions sont faites par les personnages eux-mêmes, elles sont fragmentaires, à mesure que ceux-ci découvrent la réalité extérieure.
- Une restriction du champ narratif aux perceptions et aux pensées d’un seul personnage. L’image de la totalité est réalisée par le changement de foyer et par l’instruition de l’auteur.
- On a accès à la pensée des personnages par le monologue intérieur. Le récit de l’auteur est lie à celui-ci par le discours indirect libre. Le lecteur saisit donc le personnage d’une perspective complexe, de l’intérieur et de l’extérieur ce qui

conduit à la transparence totale du livre. Le lecteur vise donc a l’omniscience
- La présence de l’auteur dans ses romans est d’habitude ambiguë
Les épisodes d’une vie
Dans Le Rouge et le Noir, Lucien Leuwen, Stendhal échappait au schéma balzacien : la division en chapitres est parfois hasardeuse, l’auteur adopte le principe d’une simple succession d’épisodes pour suivre les étapes d’une vie
- Assure à son récit, même s’il prétend que l’idée de faire un plan le paralyse, une forte structure par un jeu de contrastes et de symétries
Stendhal et le souci de l’exactitude
Ce gout de la vérité fondée sur l’observation intime écartera même Stendhal du roman en le conduisant à l’autobiographie
- Il s’opère dans son œuvre une circulation entre l’autobiographie et le roman ; il entend bien pénétrer ses fictions de la vérité qu’il avait pu observer en lui-même
- L’image du miroir revient volontiers sous sa plume. « Un roman : c’est un miroir qu’on promène le long du

chemin. »- met en évidence le caractère réaliste de son art. Si chez Balzac on peut parler d’un miroir concentrique, captant les multiples facettes de la réalité, chez Stendhal « le miroir qu’on promène » se rapporte à la fois à une réalité intérieure (de l’individu) et à une réalité extérieure ce qui confère une double forme au roman stendhalien : la forme biographique et la forme chronique.
- Il y a dans Le Rouge et le Noir, à côté des souvenirs personnels et des faits divers trouvés dans La Gazette des Tribunaux, des éléments qui sont empruntés à la chronique de 1830. Ces « pilotis » historiques donnent au roman son accent de « vérité, d’âpre vérité ».
- Julien, est contraint, s’il veut réussir, de se plier aux exigences des forces dominantes. C’est par là que Stendhal montre son souci de la vérité et qu’il fait faire au roman moderne un progrès décisif : le héros doit affronter les rigueurs du monde véritable.
Le Rouge et le Noir, Lucien Leuwen présentent une image vivante des mœurs du temps et des forces qui s’affrontent. Avec Lucien Leuwen, Stendhal est encore allé plus loin dans le souci d’exactitude.

L’exacte représentation des mœurs du temps, la peinture d’un héros qui éprouve sa valeur au contact du monde nous fait assister, avec Le Rouge et le Noir à la naissance du roman moderne.
- Ce roman dresse le personnage de Julien dans toute sa stature de d’ambitieux : s’il échoue, ce n’est point par sa faiblesse, mais par celle d’une femme qui l’a aimé. L’auteur met en relief la noblesse du héros vaincu.
Lucien Leuwen- le roman comporte moins de netteté dans sa progression et dans sa construction. Lucien est hésitant, indécis, critique de lui-même, plus inquiet que ne l’était Julien. Il a des contours flous, quand le caractère de Julien présentait des arrêtes vives.
L’actualité nourrit le roman de références constantes. L’amour du héros pour Mme Chasteller est la seule valeur qui soit préservée, il fait contraste avec la misérable horreur au sein de laquelle Lucien est oblige de vivre, à laquelle même il lui faut participer s’il veut sortir de soi et devenir quelqu’un.
Stendhal ne veut pas se parer des dons du narrateur omniscient de type balzacien, qui prend en charge la présentation des

événements et des personnages. Il fait de ses héros- le centre de perspectives.
On a affaire dans le récit stendhalien à plusieurs types de perspectives ou de « visions ». Stendhal investit ce héros du don de voir les choses et puisque ce héros est toujours tourné vers l’intérieur, prêt à analyser ce qui se passe autour de lui en fonction de ses pensées et de ses sentiments, on peut parler « d’une vision intérieure »
- Vision extérieure  , agrémentée par une infinité de tons-ironique, espiègle, familier, tendre
- Vision complice lorsque le narrateur regarde son héros par les yeux d’un autre personnage
- Stendhal sait allier le général au particulier, le subjectif à l’objectif, le concret à l’abstrait, la clarté à l’ambiguïté
Julien, Fabrice, Lucien, Lamiel- leur vie intérieure est faite de débats incessants, tout est expérience et découverte pour eux.
- agissent au nom de leur propre éthique, ils ne se soucient pas de plaire aux autres.

Poursuivant la trajectoire d’une existence, Stendhal présente le déroulement chronologique du temps, ce qui assure la cohésion de l’intrigue.

On distingue 2 niveaux temporels :
- celui de la narration (exprime par le passé)
- celui du personnage qui vit au présent

GUSTAVE FLAUBERT
(1821- 1880)
Principales œuvres : Madame Bovary, 1857 ; Salammbô, 1862 ; L’Education sentimentale, 1869 ; La Tentation de Saint Antoine, 1874 ; Trois Contes ( Un cœur simple, La Légende de Saint Julien l’hospitalier, Hérodias), 1877 ; Bouvard et Pécuchet, inachevé, posth.1831 ; Correspondance, posth., 1909-1912

G. Flaubert illustre, d’après Albères, le réalisme documentaire. Son réalisme, il le définit au moment où il compose Madame Bovary : « Je voudrais écrire tout ce que je vois, non tel qu’il est, mais transfiguré. »
La littérature pour lui devient une libération car transfigurer la réalité est une façon de la nier. Le sujet de la plupart des œuvres est tire de la réalité ignoble qui exerce sur lui, comme sur Baudelaire, une étrange fascination.

Madame Bovary
- S’inspire d’un fait divers
C’est l’histoire d’un médecin de Ry, Eugène Delamare, qui meurt de chagrin après l’empoisonnement de sa femme. Flaubert reprend cette histoire qu’il place dans le décore banal d’un bourg de province.
L’héroïne, Emma Bovary, lectrice passionnée des romans sentimentaux et douée d’une sensibilité vive, se cherche des évasions dans les rêves.
Elle transfigure la réalité, tout prend dans son imagination des proportions exagérées. Cette puissance d’illusion devient le vrai sujet du livre. (le bovarysme)

- cette fusion du réel et de l’imaginaire rend Emma pathétique.
- une succession de tableaux et de scènes suggérait l’écoulement d’une durée
- la construction en spirale procédait par la reprise des thèmes plus amplement développés
Le style indirect libre permet à Flaubert de s’insinuer dans la conscience de son héroïne. L’auteur qui se veut impassible, mai qui affirme « Madame Bovary c’est moi » se dissimule derrière la lutte avec les mots et derrière l’ironie. Le style devient l’instrument de parodie et de caricature.
L’ironie qui transforme le lecteur « en complice de sa destinée » devient tragique.
Si l’entourage d’Emma accepte la médiocrité, elle seule, par son refus, connait le gout de l’absolu.

Salammbô
- c’est la rêverie voluptueuse, c’est le goût de l’Orient barbare
- ressuscite un monde artificiel, repose toujours sur la documentation

- le sujet est tiré d’un fait réel
- ce roman d’un monde fastueux est à l’opposé du banal qui faisait la matière de Madame Bovary.
- à la limite du roman historique et du roman personnel, Salammbô c’est le désire de la solitude, le désir de sortir du monde moderne.
- la réalité semble fixée dans un présent éternel et le paysage se pétrifie

L’éducation sentimentale
Le roman de l’échec, L’éducation sentimentale n’est pas seulement le roman d’un temps, c’est celui d’une vie. Flaubert suit de près le paysage de l’adolescence à la maturité, jusqu’aux résignations de la cinquantaine. L’autobiographie y tient une large place.
Son roman se retrace les espoirs et les déboires d’une vie ; il est fait du tissu ordinaire des jours, il ne fait pas la pyramide.
On assiste à une lente désagrégation d’une vie.
La succession des scènes rend sensible l’émiettement de la vie en une poussière de menues circonstances.

Les démarches succèdent aux démarches, les visites aux visites, les conversations aux conversations.
Le roman de Flaubert donne l’impression de ce qui se passe dans la vie, ou il ne se passe rien, ou c’est la vie qui passe.
Flaubert écrit avec « L’Education sentimentale » le roman d’un temps désemparé : les hommes ont cessé de déterminer l’Histoire, ils sont marqués par elle.
Flaubert a une vue lucide, dès le début, de ce qu’il voulait faire, ou plutôt de la seule chose qui restait à faire dans l’époque qui était la sienne.
« Je veux, écriva-t-il, faire l’histoire morale des hommes de ma génération ; « sentimentale » serait plus vrai. C’est un livre d’amour, de passion, mais passion telle qu’elle peut exister maintenant, c’est-à-dire inactive. »
L’éducation sentimentale a passé longtemps pour être un roman dépourvu de composition : les épisodes se succèdent sans cette « fausseté de perspective » par laquelle l’artiste, disait Flaubert, donne ordinairement un sommet à son œuvre, lui fait « faire la pyramide ».
L’intrigue tourne autour d’une rencontre qui est celle du jeune Flaubert et de Mme Schlésinguer.

L’art de Flaubert devient moins impersonnel pour faire revivre des souvenirs d’enfance et des personnages qu’il avait réellement connus.
C’est le roman de l’expérience qui évoque l’adolescence et la maturité de toute une génération.
- réalise une véritable fresque historique
- du roman personnel il arrive au roman des mœurs
- met sur le premier plan les personnages secondaires de la
vie historique
- a une valeur documentaire
- Fréderic Moreau est un velléitaire, un héros désemparé,
dépourvu d’énergie, tout à l’opposé des personnages
stendhaliens
- incarne une génération en déroute, un monde qui se
désagrège
- le thème de l’échec, le thème « des illusions perdues »
était repris et amplifié;
- l’amour pour une femme mariée c’est un rêve impossible
dans ce décor de la banalité.
- La technique romanesque est faite d’une succession de
scènes. L’intrigue réduite au minimum annonce
l’esthétique naturaliste

Bouvard et Pécuchet
- Œuvre posthume, est l’aboutissement de ce drame de l’échec
- Le domaine envisage est celui de la science
- Les deux personnages, arrives à l’aisance vers la cinquantaine, s’établissent à la campagne et décident de tout connaître, depuis l’agriculture jusqu’à la philosophie. Leur effort comprend d’habitude deux phases :
I.                documentaire, théorique
II.            pratique
- la distance narrative diminue
- le dernier chapitre, suggère le retour des héros à
l’automatisme d’autrefois
- avec ce roman débute la crise du genre romanesque
- L’énumération des sciences remplaçait la progression de
l’action
C’est la fin du roman d’analyse, la fin du personnage et la
démolition du langage.
- Le trajet circulaire, les deux héros revenant au point de départ, est révélateur d’un échec qui ferme sur lui-même.

L’esthétique de Gustave Flaubert
Nature impétueuse et romantique, Flaubert est attiré, dans sa jeunesse par Goethe et V. Hugo.
- doué d’une imagination ardente, épris du monumental et du fantastique ;
- il s’impose la discipline la plus rigoureuse. Sa méthode est celle des sciences biologiques.
- une documentation sérieuse précède la rédaction du roman.
- Le roman ne devra pas révéler la vie intime de l’écrivain : « Je n’aime pas intéresser le public avec ma personne. » Mais cette objectivité n’exclut pas l’utilisation des éléments personnels. C’est que l’auteur doit se faire entendre sans se faire voir.
- l’originalité de Flaubert est du à son style. « Etant à lui seul une manière absolue de voir les choses » le style devient dans le contexte flaubertien, rythme et musique.
- le langage littéraire sera celui de la précision et de la vigueur
- l’idéal parnassien de la beauté formelle conduit Flaubert aux « offres du style »- cette lutte de tous les jours avec les structures et les mots

Les structures narratives
- le roman flaubertien se déroule comme dans la vie sans bouleversements spectaculaires. La succession des scènes où l’élément dramatique n’est pas prédominant fait avancer une action d’habitude banale.
- Les structures statiques occupent, en échange, une place de choix
- Les descriptions abondent, mais elles ne répondent pas, comme chez Balzac, à une exigence d’ordre dramatique, mais uniquement à la passion de contempler. C’est une description gratuite qui suspend l’action et ne l’explique pas. La tension dramatique est gênée par ces interruptions descriptives.
Le personnage
- Est envahi par ce monde extérieur et la sensation devient toute puissante
- le héros de Flaubert est l’adepte de la frénésie et de l’expérience totale (Jean pierre Richard)
- le désir de destruction et de cruauté- Salammbô est la meilleure illustration

- l’échec est à la mesure de l’entreprise, c’est l’échec total,
celui de Bouvard et Pécuchet
- « nature nerveuse et féminine » Flaubert fait preuve
d’une sensibilité extrême
- un idéaliste pour lequel les limites du réel et de
l’imaginaire sont bien fragiles
Composition symphonique
- Flaubert a inventé dans Madame Bovary, le principe du récit éclate
- L’art lui est apparu comme le seul monde de connaissance
- la nature de Flaubert est complexe : romantique par goût et formation et classique par raison
Cette double tendance se manifeste par l’alternance des sujets qu’il traite : M. Bovary/ Salammbô
- quel que soit le sujet, la méthode reste la même : impersonnalité, observation et documentation minutieuse, forme à la fois éclatante et sobre
Place de Flaubert entre le romantisme et le réalisme.
Ses goûts sont caractéristiques : il aime Victor Hugo et Boileau, Montesquieu et Chateaubriand

- il est romantique et classique à la fois
- il tenait au romantisme par son éducation
- il avait hérité du romantisme : la haine du bourgeois, la
soif de l’étrange, de l’énorme, de l’exotique
ANDRÉ GIDE
(1869- 1951)
Principales œuvres: Les Cahiers d’André Walter, 1891; Le Traité du Narcisse, 1892; Le Voyage d’Urien, 1893; Paludes, 1895; Les Nourritures terrestres, 1897; L’Immoraliste, 1902 ; La Porte étroite, 1909 ; Isabelle, 1912 ; Les caves de Vatican, 1914 ; La Symphonie pastorale, 1919 ; Les Faux-Monnayeurs, 1925-1926 ; L’Ecole des femmes, 1929 ; Robert, 1930 ; Les Nouvelles Nourritures, 1935 ; Geneviève, 1936 ; Journal, 1932 et 1936 ; Thésée, 1936
Gide a été presque uniquement connu un des plus grands écrivains de son siècle. Comparé à Malraux, Sartre, Camus, Beckett, l’œuvre de Gide a relevé une frivolité. Mais aujourd’hui on se rend compte que son œuvre renouvèle le dialogue permanent entre l’art et le monde. Il a eu un esprit très mobile désireux de tous connaître.

Il a eu des initiatives qui ont ouvert des perspectives nouvelles à la littérature. Au début il a été influencé par le symbolisme (la période décadente)
Le personnage Hathanaël- « les Nourriture terrestres »- il est l’auteur même, il veut connaître le véritable sens de la vie, l’exaltation, libération totale pour connaître toutes les joies de la terre.
« L’immoraliste »- conséquence de son voyage en Tunisie et de son expérience
- se présente comme une nouvelle éthique qui devenait une science
Toutes ses œuvres- une recherche patiente de la libération complète de l’âme. Marqué par une éducation rigide conforme aux traditions protestantes, étouffé par une affection maternelle abusive il a voulu rompre ses chaînes.
Mais l’adolescent dispose à suivre son leçon devra commencer par se libérer des contraintes qui entravent son élan vers les joies de la terre.
Gide gardera malgré son désir de goûter la vie, un attachement fidèle à Madeleine Rondaux et l’admiration pour la foi chrétienne incarnée par Madeleine.

La plupart de ses œuvres révèle un conflit ou une oscillation entre l’aventure et la sagesse, le plaisir et le sacrifice.
-être contradictoire ; ces contradictions il les met au compte de l’ironie- des livres ironiques critiques.
Pour ses contemporains, Gide a été le grand contestataire de l’éthique imposée par une société conventionnelle et hypocrite, un destructeur qui a fait éclater la morale et le langage, la psychologie des caractères.
Ses livres posent des problèmes de la vie morale, mais ne leur apportent aucune solution. La seule réponse c’est l’œuvre d’art
On peut voir successivement les problèmes :
Les caves du Vatican- l’act gratuit
La Symphonie pastorale- pb. de l’amour
La porte étroite- pb. de l’amour
Les Nourritures terrestres- la théorie de la disponibilité
L’Immoraliste- le pb. de l’individualisme, de l’égoïsme
Le Prométhée- la liberté
Paludes- l’absurde

A un seul live il donne le titre de « roman »- Les Faux‑

Monnayeurs
Gide renonce à la chronologie linéaire, utilisant la formule du roman dans le roman= construction en abîme= métaroman. Pour point de départ il a choisi une aventure extraordinaire, une bande d’escrocs qui pour exploiter la crédulité du monde catholique reprend le bruit que le pape a été enlevé de Saint Siège.
Ainsi le monde chrétien se trouve déposséder de son chef spirituel. Pour délivrer le pape, enfermé dans les caves du Vatican, ces aventures organisent une croisade secrète et volent l’argent des fidèles.
On trouve une faiblesse dans la structure romanesque ; éléments divers qui s’ajoutent mais que rien n’attire, il n’a pas pu achever son livre car les événements et les personnages ne le conduisaient nulle part.
- l’influence de Dostoïevski dans la création du personnage ; promoteur de l’acte gratuit

L’immoraliste

- œuvre important de Gide car s’est d’abord un témoignage d’une époque

- Le schéma :                 - ligne ascendante- la découverte de
l’éthique
-la stagnation- l’application
- ligne descendante- les résultats
- une sorte d’osmose conjugale
Le roman est situé entre le symbolisme et l’existentialisme, le naturalisme et le Nouveau roman
Les Faux-Monnayeurs
Gide l’a écrit après une correspondance avec Roger Martin du Gard- ils ont médité sur la structure romanesque.
La critique a accueilli assez bien le roman ; attirée par sa nouveauté technique. Il est à la fois théorie et pratique du roman (la mise en abime). Au centre il y a oncle Edouard ; il est en train d’écrire ce roman; il fait des réflexions sur le roman et en même temps il a des relations avec les personnages.

Le lecteur est dérouté par la structure, car l’auteur ne fait pas une composition dramatique serrée, mais abandonne la chronologie et disloque le récit.
Le roman présente à la fois 3 chapitres ; il trouve que « la symétrie est nébuleuse ».
Refusant de conduire une intrigue centrale ferme, Gide multiplie les intrigue qui s’entrecroisent et foisonnent dans des directions diverses.
Oncle Edouard en liaison avec tout le monde forme un lien assez artificiel. Cette structure nonchalante convient à ce roman de l’adolescence, des êtres qui se cherchent, qui se forment.
La structure profonde réside dans les thèmes non dans l’intrigue.
Le thème : le titre du roman nous fait découvrir les thèmes les plus importantes.
1. Il rappelle la Cande d’enfants menée par Strouvilhon quittant d’écouler des fausses pièces de monnaies-intrigue mineure
2. Il nous rappelle le titre du livre qu’Oncle Edouard s’efforce d’écrire. Même si cette tentative souligne

l’importance du genre romanesque, on ne peut pas dire que cette intrigue justifie le titre
3. Le titre possède une valeur symbolique, un thème fondamentale, celui de la fausse monnaie morale
La monnaie symbolise les valeurs éthiques les faux-monnayeurs‑

MARCEL PROUST

(1871- 1922)
Principales œuvres: Les Plaisirs et les jours, 1896; La Bible d’Amiens, 1904; Du cote de chez Swann, 1913; A l’ombres des jeunes filles en fleurs, 1918; Le Cote de Guermantes, 1921; Sodome et Gomorrhe, 1921-1922; La Prisonnière, 1923; Albertine disparue, 1925; Le Temps retrouvé, 1927; Chroniques, 1927; Correspondance générale, 1930-1936; Contre Sainte-Beuve, 1954
“A la recherché du temps perdu”: Du côté de chez Swann, A l’ombre des jeunes filles en fleurs, Le côté de Guermantes,

Sodome et Gomorrhe, La Prisonnière, Albertine disparue, Le temps retrouvé
Par sa toute-puissante originalité de même que par sa masse énorme ce roman-là représente pour le XX-e siècle français ce que le roman de Balzac avait représenté pour le XIXe siècle.
- Il contribue mieux que nul autre au changement radical, a la métamorphose que connait le roman de XX sicle
- - replie sur lui-même, uniquement attentif à « traduire » fidèlement cette voix intérieure qui lui parle, à la surprendre et fixer dans tout ce qu’elle a de fragile et de vulnérable
- A la recherche du temps perdu apporte une contribution très importante à l’histoire des mœurs et pourrait être lu aussi comme chronique et même comme satire d’une certaine société.
- Différence essentielle entre Balzac et Proust, il faut également admettre que les buts des 2 géants du roman français sont tout différents. Si l’un veut créer un roman qui se propose de reproduire de la façon la plus fidèle une certaine réalité objective, l’autre ne s’intéresse a cette réalité objective que pour nous dire que chaque conscience voit à sa manière cette réalité et que le roman doit s’ingénier non

pas à peindre le monde, mais à monter ce qui se passe dans une conscience se trouvant face au monde.
o L’un vise en tout premier lieu le monde objectif
o L’autre – la conscience subjective
- Balzac décrit le monde tandis que Proust décrit la façon dont la conscience voit le monde.
- Le roman de Proust consacre la victoire de « la durée » sur le temps. Cette « durée » n’est autre que le temps subjectif ou le temps vécu.
- La durée relève de l’expérience la plus intime et est différemment perçue par chaque individu
- Le temps- « le temps des horloges » est un temps objectif, abstrait, le même pour tous, il est conçu comme une suite régulière d’unités égales et identiques les unes aux autres, établies par convention
- Temps des horloges- parfaitement mesurable, règle notre vie à tous, mais d’une certaine façon (extérieure) car notre vie la plus intime est réglée par la durée→ la mémoire volontaire

La mémoire involontaire

- l’opposé de la « mémoire volontaire » qui opère avec « le temps des horloges » (le tp. chronologique)
- la mémoire involontaire opère tout spontanément, nous surprenant par ses découvertes ;
- elle n’est pas commandée par l’intellect et par la volonté, mais par la vie la plus secrète de notre inconscient, de notre affectivité et de nos intuitions les plus obscures
- la mémoire volontaire nous livre un passé mort
- la mémoire involontaire nous livre un passé vivant, tout aussi vivant que le présent que nous vivons
- ce passé revécu grâce à la mémoire involontaire a plus de réalité que le présent même
- avec Proust le roman devient un roman- quête, un roman gnoséologique
- la surprise produite par la mémoire involontaire arrête en quelque sorte le temps sur une contemplation intérieure
- le sujet, détache de la sorte du monde extérieur, familier et habituel, va pénétrer en lui-même
Chaque fois que la mémoire se déclenche, le narrateur a le sentiment qu’il retrouve une sensation déjà ressentie et que cette sensation lui apporte un message fondamental caché, qu’il veut comprendre.

Le sens se dérobe toujours, mais en revanche, le narrateur découvre chaque fois dans sa mémoire le moment du passé où il a déjà eu cette sensation et il commence à raconter de sa vie, ce qui suggère que le roman est autobiographique.
Chaque manifestation de la mémoire involontaire= comme une impulsion qui détermine le narrateur à créer l’histoire de son passé.
Nouvelle conception du personnage
- on a beaucoup utilisé le mot de « discontinuité » à propos du personnage proustien
- il y a une discontinuité qui relève de cette pluralité des moi (successifs, superposés) qui nous habitent et dont tantôt l’un tantôt l’autre vont se manifester, remis au jour par la mémoire involontaire ces moi sont contradictoires, ils sont ce que nous avons été à tel moment de notre existence ou à tel autre;
-
‘l’innommable », « l’incommunicable » de la vie de conscience obscure, n’y est-il communiqué que par cet autre moyen possible : il faut le chercher dans ce qui n’a pas été dit, et en faisant appel à sa propre expérience intérieure
- Le roman de Proust, roman sans action et sans sujet, est ennuyeux pour n’importe qui n’est pas capable de cet effort

- Le roman est nouveau depuis sa phrase gigantesque,  dont les méandres difficiles à suivre épousent les mouvements obscurs de notre conscience, les associations arborescentes suscitées par les sensations qui répondent, jusqu’à sa composition qui a renoncé à suivre la chronologie des faits
Avec A la recherche du temps perdu l’expérience de l’espace
et du temps devient l’objet du récit

- dans A la recherche du temps perdu s’est opérée la métamorphose du genre romanesque
- Proust avait une vive conscience de la singularité de son entreprise
- comporte une part de chronique mondaine
- un roman d’initiation, puisque le narrateur passe par la double expérience de la mondanité et de la passion avant d’avoir accès a la lumière de la révélation finale
- c’est l’histoire d’une vocation, Proust raconte comment Marcel devient écrivain
- le lecteur de Proust est conduit à porter moins d’attention à une intrigue qu’au « monde même »
- l’univers sensible de l’espace et du temps (« le monde même ») devient l’objet même du récit, et l’auteur s’attache

à utiliser toute la palette sensorielle par laquelle il peut restituer au lecteur le monde tel qu’il apparait à la conscience du protagoniste
- le mot « tissu » indique bien que, dans le même moment, peuvent se mêler des sensations de plusieurs ordres.
- Tout l’art de Proust, pour rendre compte de la totalité d’une expérience perceptive, consiste à passer de l’impression à l’expression, a représenter au lecteur « le monde même », tel que le perçoit le héros, par le truchement d’une riche réseau métaphorique
- L’action passe au second plan
La poéticité du roman
L’idée proustienne d’un 2e moi différent du moi quotidien-l’idée poétique énoncée par Rimbaud, retrouvée dans l’esthétique surréaliste.
La présence de la musique et de la peinture acquiert dans la littérature une signification particulière. Il y a une analogie entre la musique symphonique et les thèmes du roman : la mort, le souvenir, la mutation de la personnalité humaine, le mystère de l’autre.

La peinture ne doit pas copier la réalité, mais la transposée.

Proust a longuement travaille sur le lexique : les noms des personnages forment un ensemble de poéticité remarquable : Gilbert, Odette, Albertine, Swann, Guermand.
La nouveauté de Proust ne résidait pas dans l’usage de la première personne, mais de l’emploie qu’il en faisait. Sous le couvert d’une première personne, l’auteur présentait une succession d’événements ou de sentiments dramatiquement organisée ; il dessinait la courbe d’une destinée. Il ne donnait pas à ses lecteurs l’occasion de suivre le fil de péripéties.
Le passage de « il » au « je » coïncidait avec le désir de fonder le roman sur une expérience intime. Le roman se termine quand le narrateur a fini de rendre compte de tout son passé.
Le personnage proustien
Proust n’était pas seulement un moraliste, il a été un romancier capable de créer des personnages qui vivent avec intensité.
Charlus est un des plus puissantes figures du roman français, il a la stature du Vautrin, mais il porte en lui, comme beaucoup d’autres personnages proustiens, plus de contradictions qu’on ne trouvait chez les haros de Balzac.

Nous ne sommes jamais place en son centre, nous n’avons sur lui que des renseignements limites, le narrateur ne nous rapporte que ce qu’il sait.
On peut observer, chez Swann, pendant qu’il écoute la sonate de Vinteuil, la complexité et l’enchevêtrement d’une conscience à plusieurs étages.
La multiplicité des états de conscience est souvent interprétée par Proust comme une succession de personnages différents.
Charles passe, d’un jour à l’autre, d’un instant à l’autre de la colère à la douceur.
Marcel est pétri de contradiction
Chez André, le narrateur aperçoit 3 personnages différents
Robert de Saint-Loup, généralement ouvert et bon est subitement capable d’une méchanceté sournoise et cynique : le narrateur parle, dans ce cas, d’une « éclipse partielle de son moi ».
Les métamorphoses du personnage dans le temps viennent accroitre encore sa complexité, car les années accusent certains traits.

Les personnages de Proust sont des figures puissantes, proches de la vie par leur complexité, mais fortement caractérisées.

Avec Proust on peut parler de vocation d’artiste. Le monde balzacien est à l’œuvre chez Proust par le retour des personnages, par la réflexion sur le monde contemporain, par l’exactitude des descriptions de milieu, par la dimension évidemment allégorique de certains personnages et de certaines situations.
Une des thèmes les plus constantes de Proust est d’opposer le monde imaginaire, le monde réel et le monde recréé par l’artiste.
Proust a voulu une architecture parfaite pour l’ensemble de son roman.
En Proust il y a aussi un auteur dramatique qui peut être drôle, un ironiste vivace, mais aussi un psychologue de « Sodome et Gomorrhe »
A la recherche du temps perdu est un œuvre faussement autobiographique. Le narrateur du roman s’appelle Marcel, les personnages du roman ne coïncident pas avec les personnages réels.

La différence entre les conceptions de Proust- Bergson
La durée de Bergson est variable, tantôt plus ample, tantôt plus étroite, mais elle s’écoule et passe toujours dans la même direction or, la composition de Proust est complexe, pluri­dimensionnelle avec des fréquents retours en arrière.
L’œuvre de Proust est l’histoire d’une conscience, d’une époque.
La structure du roman est circulaire, le héros devient le narrateur, et ce narrateur ne peut que raconter ce que nous avons déjà vu vivre le héros. Une invitation à la reprise de la lecture et la découverte de nouveaux sens.

ALBERT CAMUS

Le XXe siècle se caractérise par une extrême diversité de directions et d'expériences littéraires. Le trait commun consiste dans le fait qu'elles se proposent toutes de se différencier des expériences et des courants du siècle précédent.
Cette différenciation s'opère sur deux plans: celui du

contenu et celui de la forme. Quant à la forme on refuse la structure du roman traditionnel, balzacien surtout (caractérisé par une narration linéaire) et on rejette la philosophie déterministe positive. Sur le plan du contenu, le XXe siècle inaugure un nouveau type de réflexion sur la réalité d'où les valeurs traditionnelles censées être éternelles et absolues -la vérité, le bien, le beau- sont abolies; cela parce que le XXe siècle débute sous le signe du refus de la pensée métaphysique et théologique qui, jusque là avait imprégné non seulement le domaine de l'art mais aussi celui des sciences.
Ce changement avait été très bien synthétisé par la célèbre phrase de Nietzsche: "Dieu est mort". Or, l'absence de la divinité, dernier repère de toute valeur, provoque le sentiment de l'absurde de l'existence. Ainsi, toute la création d'Albert Camus va se situer sous le signe de cette nouvelle manière de penser.
On peut remarquer deux étapes dans l'évolution de la réflexion de Camus: il y a, dans une première étape, le sentiment de l'absurde existentiel et le sentiment de la solitude individuelle – l’étape existentialiste. L`individu se retrouve seul au milieu d'un monde absourde car rien ne le fait appartenir à un système de valeurs communes. Les oeuvres

qui illustrent le mieux cette étape sont Le Mythe de Sisyphe (essai philosophique) et le roman L`Etranger. La seconde étape marque l’évolution de Camus vers la solidarité humaine. Le monde ne cesse d'être absurde, l'existence individuelle non plus, mais il y a des moments limite dans la vie lorsque l`individu se voit, malgré lui, lié à la communauté humaine, en général, par le sentiment de solidarité. Cette nouvelle attitude est illustrée par l'essai philosophique L'Homme révolté et le roman La Peste.
Dans Le Mythe de Sisyphe le tragique est pleinement présent dans l’intrigue. L’essai est construit à partir du sentiment de l’absurde, de ce qui est ressenti comme doué de non-sens. Devant l’évidence du malheur, la solution à adopter n’est pas le suicide ; on doit d’abord accepter cette condition sans se décourager et tenter de lutter contre l’absurde. Pour cela il faut refuser de se laisser trompé par les valeurs établies par la morale traditionnelle.
Du point de vue de l’évolution, le sentiment de l’absurde est comme un déclic produit lorsque l’homme réalise le caractère inévitable de sa fin. Face à cette situation sans issue, l’homme absurde doit toujours se trouver dans un état de révolte, car le combat mené contre les évidences de l’échec est

cependant une victoire. Finalement, cette attitude partie d’une existence absurde affirme non pas une victoire définitive, mais un état de satisfaction, d’accomplissement : „Il faut imaginer Sisyphe heureux !”
La Chute est un dialogue, constituant une satire de l’intellectualité française et, en général, occidentale, d’après la Seconde Guerre Mondiale. Le narrateur est le seul protagoniste du texte; Clamence s’adresse à un vous impersonnel qui peut être son double, toute une autre personne, l’auteur ou le lecteur, et refait lentement son existence, la racontant.
Clamence se rappelle d’abord sa vie insouciante, car il avait été avocat comblé de succès à Paris, ensuite, il présente les événements qui ont déclanché le processus de prise de conscience: d’abord un rire moqueur dans la nuit, suivi par le suicide d’une femme qui s’est jetée à l’eau devant lui, sans qu’il fît le moindre effort pour l’arrêter. C’est ainsi que le protagoniste réalise la vanité de la comédie mondaine, se mettant à juger son propre contentement borné, sa vie nette d’apparence. Cette sincérité s’avère être une invitation, adressée à l’interlocuteur, à l’autoanalyse. L’étalage des erreurs est destiné à créer un sentiment général de mauvaise

conscience, de sorte que Clamence devient accusateur de tous. Sous le masque de la justice, il accable tous les autres de sa faute à lui.
Clamence est présenté par Camus comme une sorte de nouveau prophète, parce qu’il se prénomme Jean-Baptiste, mais C’est une espèce de nouveau prophète inversement généreux, apparaissant comme un nouveau moraliste et un nouveau philosophe. Il s’agit d’un philosophe qui affirme non pas son être mais sa chute: „Je tombe, donc je suis !”.
La Peste est considéré l’un des plus importants romans de la Résistance française pendant l’occupation nazie. Le roman est d’abord la chronique d’une épidémie de peste, éclatée à Oran, retracée par un médecin, mais il est aussi le récit d’un psychologue et d’un moraliste qui analysent les réactions individuelles ou collectives. Peu à peu, les uns et les autres font, dans le malheur, l’apprentissage de la solidarité.
On présente, d’une manière réaliste, les premiers signes de l'épidémie, son évolution et, parallèlement, la naissance de la solidarité humaine devant le mal menaçant la communauté. Les personnages principaux du roman sont: le docteur Rieux, Tarrou et le journaliste Rambert. Les premiers deux sont fraternellement unis par le même désir de soulager la douleur

de leurs semblables; ils sont deux intellectuels révoltés contre toutes les formes de la mort. Le journaliste Rambert, dont la fiancée l’attend à Paris, a été surpris par la peste, dans la ville d’Oran, pendant un reportage. Il veut s’échapper de la ville maudite (il avait la perspective d’un bonheur individuel), mais le moment même où il a la possibilité de s’en échapper il change d’avis et décide d’y rester afin d’aider ses semblables dans la lutte contre la peste. Son explication a été qu’il pouvait „avoir de la honte à être heureux tout seul”. C’est le moment où il devient évident que le mot clef de la pensée de Camus n’est plus le mot „solitaire”, mais „solidaire”.
La conclusion qui en résulte est que, malgré l'absurde, malgré l'absence de tout argument ("rien ne vaut qu'on se détourne de ce qu'on aime"), on se sent solidaire avec l`humanité malheureuse. On a voulu voir dans l'épidémie de peste qui a frappé la communauté d'Oran, le fascisme qui venait d'être écrasé en Europe après avoir produit de nombreux dégâts- stricǎciuni- et victimes (le roman paraît en 1947). La Peste se présente comme une lecture univoque appauvrissante car (tout comme la pièce d'E. Ionesco, Les Rhinocéros) le symbole de la peste est beaucoup plus riche: il

renvoie à n'importe quel phénomène qui pourrait mettre en danger l'humanité.
Malgré l'attitude anti-métaphysique et anti-théologique de Camus on peut conclure que toute action humaine profondément assumée repose, pour lui, sur l’amour envers ses semblables et sur la solidarité.

De l’homme de l’absurde a l’homme révolté
Tour à tour essayiste, romancier et auteur dramatique comme J.P. Sartre, Camus se consacrera de plus en plus à sa carrière d'écrivain. Son œuvre pourrait, en gros, s'ordonner autour de deux pôles : l'absurde et la révolte, correspondant aux deux étapes de son itinéraire philosophique.
1. La morale de l’absurde
La prise de conscience du non-sens de la vie le conduit à l'idée que l'homme est libre de vivre "sans appel", quitte à payer les conséquences de ses erreurs, et doit épuiser les joies de cette terre. Ces idées, exposées dans Le Mythe de Sisyphe, sont illustrées par le roman de L'Étranger.

2. L’humanisme de la révolte

L'auteur aboutit à la découverte d'une valeur qui donne à l'action son sens et ses limites : la nature humaine. Cet humanisme apparaît dans La Peste (1947) et dans deux pièces de théâtre, L'Etat de siège (1948) et Les Justes (1950), avant de s'exprimer vigoureusement dans L'Homme Révolté (1951).
La carrière de Camus est donc celle d'un psychologue et d'un moraliste. Dans son exigence de probité, avec une réserve et une sobriété toutes classiques, il accorde la première place aux idées et refuse de sacrifier à la magie du style. Pourtant ce serait une erreur de méconnaître la variété et l'exacte appropriation de son art d'écrivain. Sans doute a-t-il su nous imposer dans L'Étranger et La Peste ce style neutre, impersonnel, tout en notations sèches et monotones, qui est devenu inséparable du climat de l'absurde; mais on découvre aisément dans son œuvre des résurgences de l'aptitude poétique à traduire les sensations dans leur pleine saveur qui triomphait dans Noces (1938), un des premiers essais où, avant l'amère découverte de l'absurde, le jeune Camus célébrait avec fougue ses "noces avec le monde". Et l'on sera sensible à l'ironie et à l'humour qui jettent çà et là de discrètes lueurs, avant de briller de tout leur éclat dans La Chute (1956), œuvre

étrange et séduisante dont la verve et le rythme capricieux font songer à la "satire" du Neveu de Rameau.

Camus et l’absurde
Bien qu'apparenté dans une certaine mesure à l'existentialisme, Albert Camus s'en est assez nettement séparé pour attacher son nom à une doctrine personnelle, la philosophie de l'absurde. Définie dans Le Mythe de Sisyphe, essai sur l'absurde (1942), reprise dans L'Étranger (1942), puis au théâtre dans Caligula et Le Malentendu (1944), elle se retrouve à travers une évolution sensible de sa pensée, jusque dans La Peste (1947). Il importe, pour lever toute équivoque, d'étudier cette philosophie dans Le Mythe de Sisyphe et de préciser la signification de termes comme l'absurde, l'homme absurde, la révolte, la liberté, la passion qui, sous la plume de Camus, ont une résonance particulière.

Non-sens de la vie
La vie vaut-elle d'être vécue ? Pour la plupart des hommes, vivre se ramène à "faire les gestes que l'habitude commande".

Mais le suicide soulève la question fondamentale du sens de la vie : "Mourir volontairement suppose qu'on a reconnu, même instinctivement, le caractère insensé de cette agitation quotidienne et l'inutilité de la souffrance".

1. Le sentiment de l’absurde
Pareille prise de conscience est rare, personnelle et incommunicable. Elle peut surgir de la "nausée" qu'inspire le caractère machinal de l'existence sans but : "Il arrive que les décors s'écroulent. Lever, tramway; quatre heures de bureau ou d'usine, repas, tramway, quatre heures de travail, repas, sommeil et lundi mardi mercredi jeudi vendredi et samedi sur le même rythme, cette route se suit aisément la plupart du temps. Un jour seulement, le 'pourquoi' s'élève et tout commence dans cette lassitude teintée d'écœurement". Cette découverte peut naître du sentiment de l'étrangeté de la nature, de l'hostilité primitive du monde auquel on se sent tout à coup étranger. Ou encore de l'idée que tous les jours d'une vie sans éclat sont stupidement subordonnés au lendemain, alors que le temps qui conduit à l'anéantissement de nos efforts est notre pire ennemi. Enfin, c'est surtout la certitude de la mort, ce "coté élémentaire et définitif de l'aventure" qui nous

en révèle l'absurdité : "Sous l'éclairage mortel de cette destinée, l'inutilité apparaît. Aucune morale, aucun effort ne sont a priori justifiables devant les sanglantes mathématiques de notre condition". D'ailleurs l'intelligence, reconnaissant son inaptitude à comprendre le monde, nous dit aussi à sa manière que ce monde est absurde, ou plutôt "peuplé d'irrationnels".

2. Définition de l’absurde
En fait, ce n'est pas le monde qui est absurde mais la confrontation de son caractère irrationnel et de ce désir éperdu de clarté dont l'appel résonne au plus profond de l'homme. Ainsi l'absurde n'est ni dans l'homme ni dans le monde, mais dans leur présence commune. Il naît de leur antinomie. "Il est pour le moment leur seul lien. Il les scelle l'un à l'autre comme la haine seule peut river les êtres... L'irrationnel, la nostalgie humaine et l'absurde qui surgit de leur tête-à-tête, voilà les trois personnages du drame qui doit nécessairement finir avec toute la logique dont une existence est capable".

L’homme absurde

Si cette notion d'absurde est essentielle, si elle est la première de nos vérités, toute solution du drame doit la préserver. Camus récuse donc les attitudes d'évasion qui consisteraient à escamoter l'un ou l'autre terme : d'une part le suicide, qui est la suppression de la conscience; d'autre part les doctrines situant hors de ce monde les raisons et les espérances qui donneraient un sens à la vie, c'est-à-dire soit la croyance religieuse soit ce qu'il appelle le "suicide philosophique des existentialistes (Jaspers, Chestov, Kierkegaard) qui, par diverses voies, divinisent l'irrationnel ou, faisant de l'absurde le critère de l'autre monde, le transforment en "tremplin d'éternité". Au contraire, seul donne au drame sa solution logique celui qui décide de vivre seulement avec ce qu'il sait, c'est-à-dire avec la conscience de l'affrontement sans espoir entre l'esprit et le monde.
"Je tire de l'absurde, dit Camus, trois conséquences qui sont ma révolte, ma liberté, ma passion. Par le seul jeu de ma conscience, je transforme en règle de vie ce qui était invitation à la mort - et je refuse le suicide". Ainsi se définit l'attitude de "l'homme absurde".

1. Le défi

"Vivre une expérience, un destin, c'est l'accepter pleinement. Or on ne vivra pas ce destin, le sachant absurde, si on ne fait pas tout pour maintenir devant soi cet absurde mis à jour par la conscience... Vivre, c'est faire vivre l'absurde. Le faire vivre, c'est avant tout le regarder... L'une des seules positions philosophiques cohérentes, c'est ainsi la RÉVOLTE. Elle est un confrontement perpétuel de l'homme et de sa propre obscurité. Elle remet le monde en question à chacune de ses secondes... Elle n'est pas aspiration, elle est sans espoir.
Cette révolte n'est que l'assurance d'un destin écrasant, moins la résignation qui devrait l'accompagner". C'est ainsi que Camus oppose à l'esprit du suicidé (qui, d'une certaine façon, consent à l'absurde) celui du condamné à mort qui est en même temps conscience et refus de la mort. Selon lui c'est cette révolte qui confère à la vie son prix et sa grandeur, exalte l'intelligence et l'orgueil de l'homme aux prises avec une réalité qui le dépasse, et l'invite à tout épuiser et à s'épuiser, car il sait que "dans cette conscience et dans cette révolte au jour le jour, il témoigne de sa seule vérité qui est le défi".

2.La liberté

L'homme absurde laisse de côté le problème de "la liberté en soi" qui n'aurait de sens qu'en relation avec la croyance en Dieu ; il ne peut éprouver que sa propre liberté d'esprit ou d'action. Jusqu'à la rencontre de l'absurde, il avait l'illusion d'être libre mais était esclave de l'habitude ou des préjugés qui ne donnaient à sa vie qu'un semblant de but et de valeur.
La découverte de l'absurde lui permet de tout voir d'un regard neuf : il est profondément libre à partir du moment où il connaît lucidement sa condition sans espoir et sans lendemain. Il se sent alors délié des règles communes et apprend à vivre "sans appel".
3.La passion
Vivre dans un univers absurde consistera à multiplier avec passion les expériences lucides, pour "être en face du monde le plus souvent possible". Montaigne insistait sur la qualité des expériences qu'on accroît en y associant son âme ; Camus insiste sur leur quantité, car leur qualité découle de notre présence au monde en pleine conscience: "Sentir sa vie, sa

révolte, sa liberté, c'est vivre et le plus possible. Là où la lucidité règne, l'échelle des valeurs devient inutile... Le présent et la succession des présents devant une âme sans cesse consciente, c'est l'idéal de l'homme absurde".
Tout est permis, s'écriait Ivan Karamazov. Toutefois, Camus note que ce cri comporte plus d'amertume que de joie, car il n'y a plus de valeurs consacrées pour orienter notre choix ; "l'absurde, dit-il, ne délivre pas, il lie. Il n'autorise pas tous les actes. Tout est permis ne signifie pas que rien n'est défendu. L'absurde rend seulement leur équivalence aux conséquences de ces actes. Il ne recommande pas le crime, ce serait puéril, mais il restitue au remords son inutilité. De même, si toutes les expériences sont indifférentes, celle du devoir est aussi légitime qu'une autre." C'est justement dans le champ des possibles et avec ces limites que s'exerce la liberté de l'homme absurde : les conséquences de ses actes sont simplement ce qu'il faut payer et il y est prêt. L'homme est sa propre fin et il est sa seule fin, mais parmi ses actes il en est qui servent ou desservent l'humanité, et c'est dans le sens de cet humanisme que va évoluer la pensée de Camus.
MICHEL TOURNIER

Principales œuvres : Romans- Vendredi ou les Limbes du Pacifique (1967) ; Le Roi des aulnes (1970), Vendredi ou la Vie sauvage (1971), Les Météores (1975) ; Gaspard, Melchior & Balthazar (1980) ; Gilles et Jeanne (1983) ; La Goutte d'Or (1985) ; La Couleuvrine (1994) ; Eléazar ou la Source et le Buisson (1996)
Contes et nouvelles: Le Coq de bruyère (1978) ; La Fugue du Petit Poucet (1979) ; Pierrot ou les secrets de la nuit (1979) ; Barbe d'or (1980) ; Le Médianoche amoureux (1989) ; Sept contes (1998)
Essais: Le Vent Paraclet (1978) ; Le Vol du vampire (1981) ; Vues de dos (1981) ; Des clefs et des serrures (1983) ;Petites Proses (1986) ; Le Tabor et le Sinaï (1988) ; Le Crépuscule des masques (1992) ; Le Pied de la lettre (1994) ; Le Miroir des idées (1994) ; Le Vol du vampire (1994) ; Célébrations (1999) ; Journal extime (2002) ; Allemagne, un conte d'hiver de Henri Heine (2003) ; Le Bonheur en Allemagne ? (2004) ; Les Vertes lectures (2006) ; Voyages et paysages (2010); Je m'avance masqué (2011).
 
Auteur de plusieurs romans remarqués dont Le Roi des aulnes, couronné par le prix Goncourt en 1970, il est aussi un conteur et un romancier pour la jeunesse avec des œuvres comme

Vendredi ou la Vie sauvage (1971), réécriture de son premier roman Vendredi ou les Limbes du Pacifique. Il est par ailleurs le créateur du néologisme « journal extime ».
A 42 ans il publie son premier roman Vendredi ou les Limbes du Pacifique en 1967 qui ouvre trois décennies consacrées à la littérature. Il a bâti en neuf romans publiés de 1967 à 1996 et en quelques recueils de nouvelles une œuvre originale qui fait de lui un des écrivains français marquants du dernier tiers du XXe siècle.
Œuvres
Dans un style acéré et avec un sens du drame et du sacré qui n'empêche pas l'ironie subversive, Michel Tournier crée un univers personnel animé par des personnages complexes — essentiellement masculins — en réinterprétant les mythes comme Robinson Crusoé dans Vendredi ou les Limbes du Pacifique (1967), Castor et Pollux dans Les Météores (1975), les rois mages dans Gaspard, Melchior & Balthazar (1980), Barbe-Bleue et Gilles de Rais dans Gilles et Jeanne, la bulla aura romaine dans La Goutte d'Or (1985), Moïse et la Terre promise dans Eléazar ou la Source et le Buisson (1996).

Il en fait la trame de récits où le réalisme minutieux s'associe à la création imaginaire de mondes différents (l'île du naufragé du XVIIIe siècle, le parcours des rois orientaux de l'Antiquité, le contexte du guerrier et de la sainte au XVe siècle, la Prusse-Orientale du Roi des aulnes et la napola où l'ogre dévoreur se change en saint Christophe sauveur d'enfant durant la Seconde Guerre mondiale et le nazisme...).
Il interroge ainsi les parcours humains, soulevant des questions comme celle de la civilisation et de la nature, de la détermination du bien et du mal et de la chute ou du rapport à l'autre et à soi-même à travers le thème du double et de l'androgyne. Faisant intervenir le jugement moral, on a pu lui reprocher certains aspects troubles de ses œuvres qui présentent parfois « une polysexualité étonnante, troublante, qui participe de la nature cosmique, sans craindre l'immoral ». Il a publié en 1978, Le Vent Paraclet, où, mêlant autobiographie et réflexion littéraire et philosophique, il éclaire son œuvre.
Influences
Michel Tournier s'est souvent exprimé sur sa vie et sur ses œuvres. Une de ses phrases rend compte de son ambition : « Pour moi, le sommet de la littérature française, c'est

Flaubert. Les Trois contes. Ça, c'est le super-sommet. Parce que c'est à la fois d'un réalisme total et d'une magie irrésistible. C'est l'idéal».
Germaniste de formation, il reconnaît l'influence thématique et stylistique de la littérature allemande sur sa création littéraire; particulièrement l'œuvre de Günter Grass (Le Tambour, Les Années de chien, Le Turbot) qui lui apprend à maîtriser la profusion romanesque et à démonter la vision rationaliste de l'Histoire afin d'en révéler la face légendaire, absurde et monstrueuse. Tournier parle d'une tradition littéraire d'« authenticité par le grotesque » à laquelle se rattachent également François Rabelais, Miguel de Cervantès et Louis-Ferdinand Céline.
La mise en accusation du rationalisme et l'association du réalisme littéraire à la réinterprétation des mythes apparaissent dès Vendredi ou les Limbes du Pacifique, son premier roman, publié en 1967, présenté comme une réécriture du Robinson Crusoé de Daniel Defoe. Tournier montre dans le journal de bord que tient le naufragé, un occidental qui s'interroge peu à peu et qui finalement, initié par Vendredi, choisit la nature contre la culture et décide de rester sur son île Esperanza dont

il a renoncé, contrairement au héros de Defoe, à faire un modèle réduit de la civilisation violente et pyramidale qu'il connaissait en Angleterre. Michel Tournier reprendra en 1971 sous le titre de Vendredi ou la Vie sauvage le thème de ce roman dans un livre pour la jeunesse qui est devenu un classique pour les collégiens.
En 1970, paraît Le Roi des aulnes qui obtient le Prix Goncourt. Le titre renvoie à un célèbre poème de Goethe et Michel Tournier y décrit avec réalisme la Prusse-Orientale avec ses marais et ses forêts, et certains aspects du nazisme (Hermann Göring, les Napolas, l'extermination des Juifs) en y associant des mythes comme l'Ogre, le massacre des Innocents, la phorie de l'enfant (le fait de porter un enfant dans ses bras ou sur ses épaules comme le Roi des aulnes ou saint Christophe).
En 1975, dans Les Météores, Michel Tournier exploite un autre mythe, celui de Castor et Pollux et de la gémellité, dont il questionne la face obscure et l’ambiguïté de l'androgyne en même temps qu'il raconte un voyage initiatique autour du monde.
En 1978, paraissent deux titres : Le Coq de bruyère, un recueil de nouvelles qui regroupe des textes divers, contes et récits, et

Le Vent Paraclet, un essai dans lequel Michel Tournier parle de lui et de son métier d'écrivain en associant autobiographie et réflexion littéraire et philosophique.
Le quatrième roman, Gaspard, Melchior & Balthazar (1980), s'appuie quant à lui sur le mythe des rois mages qui permet à Michel Tournier d'imaginer les voyages des légendaires rois mages aux motivations diverses (amour, beauté, pouvoir) qui se transforment en quête mystique et leur fait traverser un Orient reconstitué avec un souci d'authenticité. L'invention d'un quatrième personnage, Taor, prince de Mangalore, retardataire à la recherche de la recette du loukoum, vient troubler et vivifier le mythe en en faisant le premier à consommer l'eucharistie, montrant le goût de Tournier pour la subversion humoristique28. La version pour enfants, publiée en 1983, aura pour titre Les Rois Mages.
En 1983, Gilles et Jeanne montre d'abord la proximité entre Jeanne d'Arc et Gilles de Rais, guerrier entièrement dévoué à Jeanne, puis la dérive du guerrier qui deviendra alchimiste et monstrueux tueur en série d'enfants mais que Tournier transforme en assassin de femmes en en faisant une figure de

Barbe-Bleue plutôt qu'un ogre dans la tradition des contes de Perrault30.
Michel Tournier aborde de nouveaux thèmes avec La Goutte d'Or (1985), roman qui traite du choc des cultures et du racisme ordinaire en contant l'histoire d'Idriss, un jeune Berbère saharien. Dépossédé d'une part de lui-même par une photographie prise par une touriste parisienne, Idriss entreprend un voyage hasardeux pour la retrouver en France. En chemin il se fait voler un bijou en forme de bulle d'or : il perd ainsi symboliquement la liberté que représentait la bulla aura pour les Romains de l'Antiquité31 et affronte le sort des émigrés du quartier de la Goutte d'or à Barbés où ils subissent le choc d'un monde des images dont ils n'ont pas les codes et des difficultés matérielles et existentielles des déracinés.
La même année, en 1985, paraît Le Médianoche amoureux, un recueil de contes et de nouvelles à la manière du Décaméron de Boccace puisque chacun des convives du médianoche (repas de minuit) doit raconter une histoire vraie ou imaginaire sur le même thème du double ou de la répétition.
La plume de Michel Tournier se fait plus rare, mais il publie quand même en 1996 un roman d'une grande concision (139

pages), Eléazar ou la Source et le Buisson, qui raconte le voyage d'une famille de colons du XIXe siècle irlandais en marche vers la Californie, nouvelle terre promise. Cette reprise du mythe de Moïse explore la question du refus de Dieu, qui ne permet pas à Eléazar/Moïse d'entrer dans la Terre Promise : il restera dans l’âpre Sierra Nevada du buisson ardent, loin des sources irlandaises et privé du lait et du miel de Canaan.
En 1999, paraît l'un de ses derniers ouvrages, Célébrations : 82 « texticules », mot de Tournier pour définir ces petits textes où il dit de façon souvent espiègle ses admirations pour une œuvre, un artiste ou des éléments comme l'arbre, le cheveu, le serpent ou les saisons.
Vendredi ou les limbes du Pacifique
Voici une œuvre protéiforme, d’une rare ambition, qui embrasse de nombreux domaines de l’activité humaine (de la marine à l’agriculture, de l’écriture à la vie sauvage, etc.) et s’interroge sur le sens de l’existence à travers un personnage - homme nu et dépouillé – qui va devoir se reconstruire en trouvant une signification à sa nouvelle vie de solitaire.

Le titre

Le titre révèle le propos du romancier. Michel Tournier choisit un titre - Vendredi ou les limbes du Pacifique - qui se démarque de celui de Defoe. Substituant Vendredi à Robinson, le romancier moderne met l’accent sur l’indien Vendredi (comme le confirme, d’ailleurs, la version pour enfant publiée quatre années plus tard et intitulée Vendredi ou la vie sauvage, 1971) au détriment de l’Anglais Robinson. Par ailleurs, le titre insiste sur l’alternative avec l’expression « ou les limbes du Pacifique » soulignant ainsi le no man’s life d’une personnalité en reconstruction. Si les limbes sont, par définition, le lieu de séjour des enfants morts sans avoir été baptisés, on aura confirmation que l’île de Speranza figure bien le lieu spatio-temporel de la latence, d’une modification à venir pour Robinson, voire d’un enfantement en germe.
Thèmes majeurs
Dès son premier roman Vendredi ou les Limbes du Pacifique (inspiré de Daniel Defoe) et récompensé par le Grand prix du roman de l'Académie française, Tournier affirme sa volonté de faire de la philosophie romanesque.

Il réfléchit sur le temps, le désir et le langage et développe une théorie originale de l'intersubjectivité. Sa conception d'Autrui comme structure est analysée par Gilles Deleuze dans Logique du sens. Autrui n'est ni un sujet qui me perçoit, ni un objet dans le champ de ma perception, mais une structure du champ perceptif sans laquelle le monde objectif, fondé sur la multiplicité des points de vue possibles, ne pourrait pas s'organiser. Autrui comme structure, c'est l'expression d'un monde possible sans quoi le monde réel n'aurait aucune stabilité et le sujet, corrélativement, aucune rationalité.
"Je sais maintenant que la terre sur laquelle mes deux pieds appuient aurait besoin pour ne pas vaciller que d'autres que moi la foulent. Contre l'illusion d'optique, le mirage, l'hallucination, le rêve éveillé, le fantasme, le délire, le trouble de l'audition... le rempart le plus sûr, c'est notre frère, notre voisin, notre ami ou notre ennemi, mais quelqu'un, grands dieux, quelqu'un !" Vendredi ou les limbes du Pacifique


Les thèmes

Robinson est face à l’île comme Sisyphe devant son rocher. Mais Robinson après l’avoir appelée « L’île de la désolation » finit par la nommer « l’île Speranza ». Une différence notable puisque quand l’un (Sisyphe) ne fait que répéter l’absurde, l’autre (Robinson) met l’accent sur l’espoir.
Du point de vue du récit et des personnages, - n’en déplaise à feu Jean-Paul Sartre- le « romancier démiurge » n’a pas dit son dernier mot. Ainsi Michel Tournier, dès l’entame de son livre, crée et trace le destin de son personnage, Robinson. Le roman s’ouvre, en effet, sur une conversation entre le capitaine Pieter Van Deyssel et Robinson Crusoë. Celui-là prédit, en se fondant sur le jeu de tarot de Marseille, à celui-ci son avenir – et le récit à venir. Chaque carte tirée et commentée trouve, en effet, sa vérification dans la suite du roman. Le romancier, tel un démiurge, soumet donc bien sa créature à ce qui lui tiendra lieu de destin.
Par ailleurs, la tempête concomitante qui se déchaîne et dévaste l’océan annonce sans doute l’explosion de la grotte de Speranza comme une prémonition de la métamorphose à venir de Robinson.

Une métamorphose rendue nécessaire par la solitude de Robinson longtemps privé de toute présence humaine, Vendredi n’intervenant qu’au chapitre VII (sur XI). Dès lors, comment remplir le vide de l’existence sans autrui se demande, avec son personnage, Michel Tournier. Le sens donné à leur quotidien est pour la plupart des hommes, largement tributaire de leurs semblables. Autrui n’est-il pas, en effet, l’essentiel de ce « divertissement » que Pascal a dénoncé parce qu’il nous détournerait de l’essentiel ? Mais sans « divertissement », il faut bien parvenir à conjurer l’ennui et donner un sens à cette vie.
Robinson, quant à lui, cherche une raison de survivre qui se révèle peu à peu à travers son évolution psychologique et physique. Face à la solitude insulaire de Speranza et au plus près de la nature, il est en quête d’une vérité qui fonderait sa nouvelle vie.
Son premier mouvement est de refuser sa présence sur l’île (qu’il nomme d’instinct Ile de la Désolation) en fixant obsessionnellement la mer pour y apercevoir un navire et l’arrivée de secours. Puis il envisage de la fuir en construisant un radeau. L’île sur laquelle il a échoué figure alors bien pour

lui une prison existentielle dont il faut s’évader à tout prix. Sa vie est d’abord marquée par le refus d’assumer une situation inacceptable à ses yeux et le choix d’une vie animale qui le conduit à la bauge et où il se vautre en essayant d’effacer la conscience d’un présent malheureux par le recours aux souvenirs de l’enfance.
Pourtant, le rejet instinctif de cette Ile de la Désolation, synonyme de vacuité présente et future, disparaît suite à l’hallucination qui lui fait voir sa sœur Lucy morte sur un vaisseau approchant l’île. Robinson, craignant pour sa santé mentale, décide aussitôt de tourner le dos à la mer et s’enfonce vers le centre de l’île et de la solitude, signe fort d’une acceptation de son sort et d’un lieu qu’il baptise justement Speranza . Métaphoriquement, après le désir du divertissement - espérer l’arrivée d’un navire et/ou s’évader avec le radeau -, Robinson accepte enfin sa condition et son existence de naufragé solitaire.
Dès lors, la perception de Speranza – figure métaphorique de la condition humaine - par Robinson évolue au cours de quatre périodes. D’abord, en phase de régression, il en fait une mère et il s’acharne à explorer l’orifice-vagin de la grotte, s’enduit

de lait et s’abandonne dans une alvéole en un retour à la matrice originelle et au fœtus qu’il redevient comme s’il s’agissait d’une préparation à une renaissance. Puis il considère de Speranza comme un champ d’expérimentation à ses volontés de créateur : il l’ensemence, en récolte les fruits et l’administre en élaborant une Charte bientôt suivi d’un Code Pénal. Il multiplie les projets : arpenter l’île ; la cadastrer ; recenser les espèces végétales et animales, parachever son projet de transformer les marécages en rizière, créer un Conservatoire des Poids et Mesures; construire une vraie maison, etc. L’île devient même une épouse qu’il féconde dans une combe, dont la prairie vallonnée devient, pour lui, l’image même des lombes de Speranza ; de ces copulations répétées naît un fruit sous la forme d’une mandragore.
Robinson renoue ainsi le contact avec la nature mais il ne peut s’empêcher d’éprouver un violent sentiment d’absurdité : pour qui tous ces efforts ? Les trois Speranza – l’île mère, l’île transformée et administrée, l’île femme – ne suffisent pas à lui donner une raison de vivre satisfaisante. Sa métamorphose n’est pas achevée. L’arrivée de Vendredi devient l’élément déterminant qui va le conduire vers son nouvel être.

Porteur d'une vie innocente, frémissante et rapide, Vendredi accepte la nature telle qu’elle est, mène une vie instinctive, expérimente les joies du corps et privilégie la fantaisie – ce qu’admire en lui Robinson. Au contact de son compagnon qui finit par représenter tous « les Autres » possibles (fils, père, frère, voisin, etc.) Robinson fait ainsi l’apprentissage du respect d’autrui et de sa différence. Cette ultime phase est celle de la métamorphose solaire : vouant un culte au soleil, il ne se préoccupe plus que de l’instant présent et en arrive même à avoir l’impression de revivre indéfiniment la même journée, connaissant ainsi une sorte de sentiment d’éternité.
Se transcrit alors en filigrane dans le quotidien de Robinson, jour après jour, une conception du bonheur de vivre faite de l’acceptation et du plaisir d’autrui et de l’absence d’inquiétude métaphysique. On notera que c’est l’arrivée d’un navire venu d’occident qui remet en question (passagèrement ?) ce nouvel art de vivre construit par Robinson. La fin du roman révèle pourtant que les différences entre Robinson et Vendredi ne se sont pas comblées. Vendredi, tout à sa fantaisie et à sa capacité d’adaptation, choisit spontanément la nouveauté du bateau salvateur et l’attrait d’une autre vie ; Robinson, à

l’inverse, décide de rester cet homme solaire que l’île a engendré au cours de ces vingt-huit années.

La Goutte D’Or
Le héros de la Goutte d’or, Idriss, est un jeune berger de Tabelbala, dans les confins du désert algérien. Il rencontre par hasard des Français qui le photographient et lui promettent de lui envoyer sa photo. Le temps passe, et elle n’arrive point. Idriss décide alors de partir vers le nord, vers Paris, à la recherche de son image.
Le nouveau livre de Michel Tournier, la Goutte d’or « roman de formation ». Il retrace, dans une langue superbe de dépouillement et de simplicité, l’itinéraire d’un jeune homme à la recherche de lui-même découvrant dans son parcours des personnages fortement emblématiques qui narrent, à l’occasion, des apologues exemplaires (sertis dans le corps du récit, « Barberousse » et « la Reine blonde » éclairent ici brillamment le sens de l’ouvrage).
Dans son roman Michel Tournier nous fait partager le voyage initiatique d’Idriss, jeune berger berbère, depuis son oasis natal jusqu’à Paris. Ce roman, en plus de nous raconter une expérience de vie, interroge sur la relation à l’image que peut

avoir un jeune homme né dans le désert et n’ayant jamais été entouré par elles comme le sont les jeunes venus de pays riches.

Ce jeune héros, tout au long de son périple, va faire plusieurs
expériences de l’image et de notre société.
L’auteur nous permet alors de nous interroger sur les effets
des images modernes, sur les notions de réalité et
de représentation.
On connaît la passion de Michel Tournier pour la photographie et l’on sait également combien est grande la méfiance de l’islam à l’égard des images. Dans la Goutte d’or, cette passion et cette méfiance s’entrechoquent, se bousculent, l’une cherchant à s’imposer à l’autre. Mais l’écrivain - par nature iconoclaste - finit par reconnaître, la suprématie du signe. Il raille, enfin, la pauvreté de l’analogique.
Sa quête se révèle vite fort décevante et, à chaque étape, son identité va se troubler, s’estomper, s’émonder. La profusion des images, caractéristique de la grande ville moderne, le captive au point de l’asservir. Du seul retour à une certaine tradition islamique - celle de la parole et du signe abstrait - naîtra son identification. - Ignacio Ramonet

Dès l’ouverture du roman, le désert apparaît comme le lieu des origines, origine identitaire du héros et origine textuelle. Le cadre foisonne en éléments descriptifs qui relèvent de la « référentialité » : les dunes, le sable, le chott el Ksob, l’erg Er-raoui, les bergers et leurs troupeaux, ainsi que des notations qui paraissent générales mais qui évoquent, en fait, des particularités de la vie africaine : la perception de l’écoulement du temps, l’angoisse de la solitude, l’importance de la superstition (le rôle des djenoun). Cette réalité du désert est immédiatement placée sous le signe de l’oralité, à travers l’évocation de la légende rapportée par la grand-mère du héros. Le peuplement est déterminé par un rapport d’opposition entre sédentarisation et nomadisme avec un état intermédiaire, le semi-nomadisme, représenté par les tribus Chaamba.
Le titre  du roman de Tournier, La Goutte d’or, joue sur la polysémie : en désignant une rue du quartier arabe à Paris, il annonce un roman anthropologique. Le roman a en effet cette dimension, dans la mesure où il dépeint les mœurs d’une tribu saharienne puis l’immigration maghrébine en France. De cette peinture, deux éléments se détachent : d’une part les rapports ethniques entre oasiens, nomades et « noirs » ; ces derniers,

tout en ayant des rôles secondaires dans l’histoire, sont très nettement représentés : positivement, par la danseuse Zett Zobeida et le conteur ; négativement, par le nomade Toubou qui vole l’argent de Salah Brahim et par « l’employé noir » de l’hôtel Rym qui chasse Idriss. D’autre part, la représentation de la femme est singulière : blonde ou brune, mère ou prostituée, elle est source de malédiction ou de salut. Ce n’est là qu’une des figures du manichéisme qui structure ce roman.
Mais « la goutte d’or » est, dans ce roman, autre chose qu’un nom de rue : c’est un bijou qui, en tant que tel, incarne la tradition saharienne mais qui devient enjeu narratif avant d’avoir une fonction symbolique. La goutte d’or, bijou oasien qui appartenait à la danseuse Zett Zobeida, a une valeur d’antidote par rapport à la photographie perdue, à l’identité volée par la touriste blonde. Elle ponctue les différentes étapes de la vie du héros ; l’orfèvre rencontré sur le bateau apprend à Idriss la signification de la bulla aurea : signe de liberté et témoin du passage à l’âge adulte.
Pour finir, il nous faut noter que l’auteur a introduit dans son roman un certain nombre de légendes, de récits à propos des

images et les expériences différentes que l’on peut en faire, bonne ou mauvaise.
- Ce livre nous oblige à réfléchir sur notre société dans laquelle les images nous envahissent en permanence et font office de guide et de référence.
Ici il est bien question d’images « actuelles », puisque ce sont des photographies ou des publicités, en bref, des éléments faisant partie intégrante de nos vies.
L’auteur, en faisant vivre un berger à travers son roman, confronte alors le monde authentique au monde moderne des appareils numériques. Nous réalisons donc l’effet que ces nouvelles technologies de l’image peuvent produire sur un être pur tel que le héros.

LAMARTINE
Méditations poétiques”- poèmes qui le rendirent bientôt célèbre= la première manifestation du romantisme en France
- vers lyriques évoquant les inquiétudes amoureuses et spirituelles d’une âme tourmentée
- la versification (régulière) et le lexique restaient ceux du siècle précédent, mais Lamartine su conférer à ses poèmes une musicalité particulière, une harmonie fortement évocatoire, qui est considérée, l’une des principales qualités de son œuvre.
- nouvelle vision de l’individu, perçu comme être sensible, complexe et comme centre de la représentation
- une rêverie mélancolique sur le thème de la foi et de l’amour
- parle à la première personne, évoque le souvenir de son amante perdue

- le recours au pseudonyme marque bien qu’il y a transposition des événements dans le monde imaginaire et poétique, indiquant clairement qu’il ne faut pas lire les Méditations comme un journal exactement fidèle a la réalité des faits
- le journal d’une âme insatisfaite, qui souffre et ne trouve pas de repos
- la poésie est investie d’une fonction existentielle : elle devient le lieu de l’épanchement de Moi, d’une interrogation sur le sens de l’existence et d’une méditation sur la condition de l’Homme
L’un des poèmes les plus célèbres des Méditations est une élégie :Le lac- le thème dominant- la hantise du temps qui passe et qui corrompt tout .
Le Lac est le dixième poème du recueil de 24 poésies nommé Les Méditations poétiques. La poétique de ce poème comme de l'ensemble du recueil des méditations est classique, des quatrains d'alexandrins coupés à l'hémistiche donnant une harmonie, un équilibre lent propice à la description des sentiments de l'auteur.

Le Lac est considéré, aujourd’hui encore, comme le fleuron de la poésie romantique. Ce poème fut inspiré à Lamartine par la liaison amoureuse qu’il eut en 1816-1817 avec Julie Charles, une femme mariée atteinte d’un mal incurable qui l’emporta en 1817. Lamartine revient seul revoir les lieux qu'il a visités autrefois avec elle. Le Lac de Lamartine est devenu le poème immortel de l'inquiétude devant le destin, de l'élan vers le bonheur et de l'amour éphémère qui aspire à L'Éternité.
Dans un style très affectif, le poète et sa bien-aimée, à laquelle il prête sa voix, supplient le temps, la forêt, les grottes, le lac lui-même, la nature tout entière de préserver à jamais les instants de bonheur qu’ils sont en train de partager
Le thème principal de ce poème est la fuite du temps, thème traditionnel de la poésie, déjà privilégié par les épicuriens de l’Antiquité et par les poètes de la Pléiade comme Ronsard.
Ici, le temps est représenté par la métaphore de l’eau qui est
filée           tout            au           long            du           poème.
Champ lexical du temps avec des divisions temporelles : "la nuit", "le jour", "l’aurore", "le soir", "les heures", "l’année", "moments", "l’éternité" et présence d'adjectifs significatifs : "l’heure fugitive", "nuit éternelle".

On observe la métaphore du temps "l’océan des âges" assimilé à l’eau -> métaphore filée du temps qui coule.
Les enjambements nombreux notamment en fin de strophe semblent précipiter le poème et rendent ainsi sensible pour le
lecteur       le        temps        qui        passe        trop        vite.
On remarque également les expressions "heure fugitive", "rapides délices" ou la phrase "le temps m’échappe et fuit" qui évoquent l’écoulement impitoyable du temps.
L’antithèse "ce temps qui les donna, ce temps qui les efface" suggère quant à elle la fugacité des moments de bonheur, qui disparaissent aussi vite qu’ils ont éclos. En ce sens, le poème porte la plainte de toute la nature humaine.
L’usage de la première personne du pluriel permet ainsi au lecteur de se reconnaître dans le cri de douleur poussé par le poète. Tout le poème semble ainsi évoquer la fuite du temps. L'allégorie temps-oiseau prend ici une importance particulière. "O temps suspends ton vol", est un impératif adressé au temps comme à un oiseau pour suspendre son vol et se reposer. Les participes passés, la voix passive soulignent la passivité et l’impuissance de l’homme face au temps : il est soumis au mouvement du temps. L’opposition des temps verbaux

(passé / présent) : le passé évoque le souvenir, l’expérience vécue. L'imparfait insiste sur la durée des actions et le passé simple sur le caractère bref et inattendu des moments vécus. Dans ce poème, le présent sert à l’observation générale et à la réflexion. Il y a correspondance entre les temps : le présent fait naître le souvenir. Les interro-négatives soulignent la douleur du poète.
Cette réflexion insiste sur l’impossibilité de l’homme à fixer le temps. Cette dernière est signalée par les invocations au temps : il est capricieux , il est celui qui donne et qui reprend, il a un caractère inlassable, éternel.

Le rythme est vif : notamment dans les deux premières strophes, il y a absence de points et très peu de coupes. Les enjambements rallongent les vers.
La fragilité de l’homme est mise en valeur et donne une
tonalité        élégiatique        et        lyrique        au       poème.
Lamartine réfléchit dans ce texte sur sa condition d’homme, sur sa faiblesse face à la fuite du temps. Il s’agit d’un appel adressé à la nature qui est seule capable d’aider l’homme dans sa lutte contre le temps.

Le pouvoir de la nature
- le titre du poème évoque un lieu aimé qui a été le refuge du poète et de sa compagne : seule la nature peut conserver une trace intacte du bonheur.
La nature est très présente dans l’ensemble du poème. Nous la retrouvons sous la forme de l’élément liquide avec l’image du lac mais également à travers l’évocation du "vent" ou du "Zéphyr" qui représente l’air ou des "roches profondes" qui représente la terre.
- les "rochers", "grottes", "rocs" permettent quant à elle une image minérale de la nature, là où les "sapins", "coteaux", "forêts" et le "roseau" dressent une image végétale. Cette communication imagée du poète avec les éléments de la nature n’est en fait qu’une manière d’utiliser la fonction expressive du langage, puisque le poète n’a en réalité pour but que d’exprimer ses sentiments.
- la nature en général et le lac en particulier sont le cadre du bonheur passé et la métaphore du navigateur renforce le sentiment d’impuissance : l’homme est un marin qui navigue sur l’océan des âges et voudrait jeter l’ancre pour
arrêter                     le                      temps.

Le poète apostrophe ("ô" vocatif -> invocation) tous les éléments de la nature pour qu’ils témoignent du passé, des sentiments du poète -> le réseau lexical de la nature.
L’apostrophe "Ô Lac !", caractérisée par l’usage de la majuscule donne au lac une dimension personnelle, renforcée par le nom "flanc" et par le verbe "mugir" des vers. Le vers "Ils ont aimé" est la concentration de tout ce qui a été dit dans le poème. Ce vers est la chute et l’apogée du poème : le poète constate le pouvoir des sentiments. Le passé composé signale la conséquence sur le présent : le fait d’avoir aimé l’emporte sur toutes les constatations négatives et amères ; le poète termine sur une note optimiste.
Correspondance entre le paysage et les sentiments du poète.
Le Lac est une réflexion sur le temps en rapport avec un amour qui semble à jamais fini. Lamartine constate avec amertume que le passé heureux est perdu à jamais, que le temps en a effacé la trace et qu'il ne peut être restitué. La nature qui a été le témoin vivant de la présence du poète a pu garder la trace de ce moment et le restituer au poète. C'est le paysage qui conserve le souvenir, et non l'écriture et qui peut dire "ils ont aimé". Le titre du poème s’explique : comme le lac retient les eaux fluides et fugitives, le poème retient le

temps et fixe pour l’éternité un moment de bonheur inoubliable. Lamartine montre ici que l’art est un moyen de lutter contre le temps qui passe et force est de constater qu’il réussit son projet puisque, aujourd’hui encore, nous lisons son poème et partageons avec lui son souvenir.
BAUDELAIRE

Baudelaire occupe dans l’histoire de la poésie du XIX-ème siècle une place clef: Héritier du romantisme, plutôt d’un certain romantisme qui n’est “ ni dans le choix des sujets ni dans la vérité exacte, mais dans la manière de sentir. »
- refuse un lyrisme facile, préfère un lyrisme du tragique de la condition humaine ;
- il a mené le romantisme jusqu'à un point de rupture qui a permis l’avènement de la poésie moderne ;
- se situe au carrefour de trois grandes directions de la poésie du XIX-ème siècle : Romantisme, Parnasse, Symbolisme.

Les fleurs du mal
- gardent encore certains traits du romantisme et de l’Ecole de l’Art (Parnasse) mais elles apportent surtout ce « frisson nouveau » dont parlait V. Hugo, c’est-à-dire cette sensibilité nouvelle, annonciatrice du symbolisme.
- il condamne le romantisme sentimental et confidentiel qui lui semble désuet, mais exalte le romantisme imaginatif, dont il se veut le continuateur.
- le thème central du recueil est constitué par les « tourments du poète » partagé entre : le spleen (angoisse de vivre) et l’idéal auquel il aspire.

- a la base de ce spleen se trouvent ses ennemis matériels, ses échecs, ses déficiences physiques.
- il y a du « bas romantisme » dans ce recueil : le goût du paradoxe, la volonté d’être ou de paraître malsain, le culte du satanisme, les accessoires de ce romantisme.
Le besoin impérieux d’unicité pousse Baudelaire vers le dandysme. Son dandysme est une forme de protestation du « poète maudit » contre l’hypocrisie morale et le conservatisme de la société bourgeoise.
Les Fleurs du Mal sont le livre d’un homme hanté par les problèmes de l’existence et du destin.
- se présentent comme une suite de joies et de tristesses, de tendresses et de violences, de jouissances et de terreurs, d’espoirs et de désespoirs, d’élans et de chutes, comme un duel entre deux natures opposées chez le même individu ;
- en étudiant le lexique des Fleurs du Mal on met en évidence les axes qui structurent l’univers baudelairien (les quatre pôles) : un axe horizontal, avec « ici » lieu du spleen et de la souffrance auquel on peut échapper par le rêve ou le paradis artificiel et un axe vertical qui comprend deux pôles- l’Enfer et le ciel, le gouffre et l’azur.

La hantise baudelairienne : Le temps « L’horloge », « L’ennemi », « Spleen »

- le temps est vécu sous le double signe de la longueur et de
la lourdeur (Spleen)
- « l’obscur ennemi qui nous ronge le cœur » (Ennemi)

Le Spleen – est une conséquence immédiate de cette insatisfaction qui procure au poète sa condition dans la société et dans l’univers ( Ennemi, Tristesse, Angoisse, Douleur, Désespoir)
L’Idéal baudelairien est un monde surnaturel, situé hors de l’espace et du temps. Ses principaux véhicules vers l’Idéal sont l’amour, les paradis artificiels, la musique, les parfums, tout ce qui peut offrir l’image de la beauté et du mystère.
La Musique représente pour le poète le point de départ d’un rêve d’évasion dans l’infini spatial.

La Femme pour Baudelaire- l’être ambigu par excellence, magicienne à la fois sorcière et divine ( Ciel brouille, le Poison), être satanique – elle est aussi providentielle, elle aide le poète à créer.

La Beauté résultante de cette création (femme) possède la même ambiguïté que la femme.
- statuaire, immobile, impassible, froide, Baudelaire affirme que « le beau est toujours bizarre ».

L’Amour repose sur un malentendu, et il est souvent du l’ordre du satanique.
- la relation amoureuse qui signifie désir, échanges érotiques et non affectifs, ne peut être pour lui qu’un échec illustrant la solitude universelle de l’être humain.
- L’amour sororal rêve est une tentative pour dépasser cette incommunicabilité.

On remarque sa préférence pour les mouvements vagues, indéfinis : lenteur, paresse, ondulation. La paresse baudelairienne est une paresse féconde (La Chevelure) parce

qu’elle représente un état favorable à la contemplation et é la rêverie.
Au végétal (à l’organisme en général) qui est périssable, il préfère les formations inaltérables du minéral (où il voit des symboles de l’éternel). Ex : la pierre, le marbre, le miroir, la vitre, les bijoux, les pierres précieuses et les métaux rares-éléments constitutifs de son idéal de Beauté.
Les bijoux, les pierres précieuses, le fard masquent la nature et installent un ordre artificiel qui correspond à sa conception de Beau.
La véritable beauté baudelairienne n’est ni tout à fait satanique, ni tout à fait angélique ; elle est un singulier mélange d’angélique et de satanique.

La Mer n’est qu’un minéral mobil, lui semble être l’image la plus parfaite de l’âme et de l’esprit humain.
Le désir d’évasion- thème majeure de la poésie baudelairienne se manifeste d’abord par l’aspiration vers des mers et des pays lointains, vers un Eldorado où tout est splendeur, amour et joie, où les horloges ne sonnent plus la mort, mais le Bonheur.

Baudelaire insiste sur l’opposition entre l’extérieur et l’intérieur, le corps et l’âme, la Terre et le Ciel.

La nature extérieure est un magasin d’images et de signes.
Victime de son expérience malheureuse, le poète arrive à croire que « vivre est un mal » et que « Le Diable fait toujours bien ce qu’il fait ». Cette conscience dans le Mal le pousse à s’identifier à Satan et à dresser sa révolte contre Dieu (La Révolte).
Les trois visages du Mal : le vice, la douleur, la mort.

La Ville- si le rêve union ne peut pas être réalisé dans le couple (sauf par la mort) il existe cependant une confraternité possible avec la communauté des êtres marqués par la vie : les aveugles, les veuves... La ville est le choix du présent qui se constitue en rupture par rapport au passé. Alors que les romantiques, insatisfaits du présent, ont cherché refuge dans le passé et dans la nature, Baudelaire choisit le présent et la ville, ou plutôt une ville transfigurée.
La Mort est l’ultime voyage. La mort permet de rétablir l’harmonie entre le masculin et le féminin.

Les procédés stylistiques :

- la combinaison savante des mots et de leur sonorité
- l’allitération
- l’enjambement
- la nouveauté des images
- métaphores, hyperboles
- l’oxymoron

ARTHUR RIMBAUD

L’oeuvre de Rimbaud n’a pas été structurée par Rimbaud lui- même, mais par ses éditeurs. Les poèmes de Rimbaud sont repartis en quatre grands ensembles : « Les Poésies », « Les Derniers vers », « Une Saison en Enfer », « Les Illuminations ».
Rimbaud est un symboliste, il subit l’influence de Baudelaire et derrière des symboles, Rimbaud expose les derniers moments de sa crise : les moments d’exaltation alternent avec les moments de désillusion, le rêve alterne avec la réalité.
Arthur Rimbaud représente un cas unique dans l’histoire de la littérature. Enfant précoce, doué d’une intelligence peu commune et d’une force visionnaire inégalable, il écrira son œuvre jusqu'à l’âge de 21 ans, tout au plus.
La soif de la liberté qui gouverne tous les sentiments de l’adolescent, le pousse, d’une part, à sacraliser la Nature et, d’autre part, à dresser sa révolte contre l’ordre social hostile.

La première période de la création poétique de Rimbaud se caractérise donc par une assez grande variété thématique : la nature, l’homme, la société, l’amour, la guerre, la Commune.
L’originalité de Rimbaud réside surtout dans la violence incomparable avec laquelle il exprime cette révolte, violence qui atteint le vocabulaire même. Certains poèmes sont peuplés de termes grossiers, de mots empruntés à l’argot ou au parler régional.
La voyance rimbaldienne ne se confonde pas avec la simple clairvoyance ou avec l’inspiration romantique conçue comme une grâce divine ; c’est à la fois un état d’esprit et une méthode qui permettent au poète d’explorer l’inconnu, de déchiffrer le mystère du monde.
La voyance rimbaldienne comprend donc deux temps bien distincts : se faire voyant et inventer une langue magique, capable de traduire ces visions, de transmettre intact le message rapporté de l’inconnu.
Rimbaud distingue dans la personne humaine deux moi : un moi superficiel et un moi profond.

Le moi superficiel est un moi subjectif ou personnel, soumis aux émotions et aux sentiments de temps présent qui ont leur logique bien déterminée.
Autre c’est le moi profond, le vrai moi créateur- moi impersonnel, atemporel, qui est raccordé aux choses du monde, à « l’âme universelle ».

« Le Bateau ivre » ( 1871)- évocation d’une enfance naïve, nourrie de songes et d’illusions, mais très tôt heurtée aux contraintes et aux violences d’un monde mal bâti ; suit l’exaltation de l’aventure intérieure du voyant. Le poème est symbolique, mais les symboles sont encore assez transparents : le bateau ivre en dérive sur une mer orageuse, c’est le poète en état de voyance, les Fleuves symbolisent la société, la mer c’est le monde de la « liberté libre ». Les visions sont tantôt apocalyptiques, tantôt féeriques, mais toujours étranges et traduites en images éblouissantes.
Des images éclatantes abondent aussi dans le sonnet « Voyelles ». Rimbaud y attribue aux voyelles diverses couleurs. C’est la première esquisse d’une théorie de l’audition colorée. On peut y voir, comme remarque Claude‑

Edmonde Magny, « un essai de recomposition structurée de l’univers à partir des éléments premiers ».A= la terre ; E= l’eau ; I= le feu ; O= l’Oméga, le Tout, l’unité originelle reconstituée, U= l’air.
La nature est pour Rimbaud le seul élément bénéfique, l’unique source de paix et de pureté. Elle est le milieu privilégie, le réservoir inépuisable de fraîcheur, de santé et de vigueur, en un mot, de vie éternelle.
« Une Saison en Enfer » - « l’Enfer » pouvait signifier pour le poète la société parisienne, sa liaison avec Verlaine ou son incroyance, mais nous croyons que l’Enfer rimbaldien est, avant tout, l’état de désespoir ou le jette l’échec de sa méthode de la voyance.
« Les Illuminations »= « visions » traduisent justement cet élan libérateur et offrent l’image la plus complète de ce que Rimbaud entend par « son monde ».
Le « monde » de Rimbaud se définit par deux dimensions essentielles, l’amour ( l’harmonie) et l’éternité.

« La chanson de la plus haute tour »

- Rimbaud se soumet au culte des symboles
- Le thème de la poésie est représenté par la révolte du
poète, la révolte d’un jeune homme contre la société,
contre la religion. Il se considère d’une autre race, il ne
doit pas se soumette aux règles de ce monde, il doit
s’enfuir le plus loin possible vers la lumière qu’il invente. Sa supériorité est évidente dans le titre. La tour symbolise l’aspiration du poète vers l’absolu, au mot « tour » du titre correspond le mot « cieux » de la troisième strophe. Les cieux s’identifient à l’inconnu, à l’Univers même que Rimbaud veut atteindre, il veut acquérir des pouvoirs surnaturels.
Les premières 4 strophes développent les aspects de la révolte du poète : social et métaphysique.

A 18 ans le poète considère sa vie perdue, sa jeunesse ne compte plus, il veut créer une réalité par ses propres forces, il se voit un novateur/ créateur du monde, un Démiurge.
« Que le temps vienne/ Où les cœurs s’éprennent ». On voit dans ces vers une sorte d’optimisme chez Rimbaud, un peu d’espoir dans le pouvoir d’amour.
Rimbaud se soucie un peu de sa personne, car « Je est un Autre » dit-il, c’est-à dire il distingue de son être apparent le moi profond capable de souder l’inconnu.
La révolte contre la religion chez Rimbaud- le Dieu représente une commodité de style, la foi en Dieu n’est qu’une forme avancée d’optimisme, quelque chose d’habituel, de routine.
Le thème de l’analogie universelle est présente dans la poésie de Rimbaud : dans l’univers imaginé par le poète les sons et les couleurs créent des gravures colorées où la fusion est totale entre le décor réel et le spectacle imaginaire.
Les éléments concrets conduisent à l’incertitude, le monde réel (jeunesse, vie, bourdon, mouches, Notre- Dame)

est remplacé par l’abstrait ( craintes, souffrances, retraite, soif, malsaine).
On assiste à une transmutation des éléments du monde et de la pensée où les objets, les impressions et les rêves tourbillonnent dans une sorte de vertige.
Il s’agit d’une antithèse totale dans la poésie entre le passé et le futur, entre le bien et le mal (craintes, souffrances).
Rimbaud est symboliste à côté de Paul Verlaine et Mallarmé, il subit l’influence des « correspondance » baudelairiennes.
- le renouvellement que Rimbaud apporte à la poésie est d’une extrême importance : il crée une langue poétique nouvelle et il invente le vers libre.
Un révolutionnaire en poésie, d’après lui la mission du poète est « d’être voyant , se faire voyant, voleur de feu ».
- la vie qu’il mène en marge de la morale et de la société n’est qu’une aventure pour lui. Il a créé son propre rêve à partir de la réalité terrestre où il crée sa propre réalité en la rêvant, le poète se libère de limites de l’espace et du temps ; il voyage dans le passé, en présent, en futur, mais

son ego n’a pas d’âge. Le poète doit chercher de nouveau et arriver à l’inconnu.
Arthur Rimbaud (concernant son destin, ses ambitions, sa poésie) s’est formé une légende, un véritable « mythe ». De nombreux poètes vont se réclamer de Rimbaud. Il apportera à Paul Claudel une véritable révélation.
Par la pratique de l’hallucination et des expériences oniriques, par la façon dont il affranchit l’imagination des lois de la logique, Rimbaud dépasse le symbolisme et annonce déjà l’aventure surréaliste.
On peut dire, avec Suzanne Bernard, que de Rimbaud datent à la fois une nouvelle attitude poétique, impliquant une révolte métaphysique contre notre univers rationalise, et un nouveau langage poétique, instrument de cette révolte. Par l’invention d’une langue nouvelle, Rimbaud a donné au poème en prose et généralement à la poésie une orientation décisive. Son influence dépasse les frontières de la France, car sous une forme ou sous une autre, toute la poésie moderne- française ou étrangère lui est redevable.

APOLLINAIRE (1880 -1918)

La critique et l'histoire littéraires ont eu du mal à situer exactement la modernité d'Apollinaire, c’est d’ailleurs juste ce qu’il voulait: dans L’esprit nouveau et les Poètes, il se déclare vouloir rester inclassable. Mais, l'histoire littéraire fait d'habitude le partage entre un Apollinaire qui continue la lignée des symbolistes et un autre- promoteur et créateur de la modernité, certains spécialistes considérant que la modernité d'Apollinaire consiste dans l'élaboration d'une „poésie cubiste". D’ailleurs, ami des peintres, avant tout de Picasso et de Braque, il a une forte contribution au lancement du cubisme; en 1913 il va publier un livre intitulé Les Peintres cubistes.
Comme en peinture, le cubisme littéraire désarticule l’image et en retient ses éléments constitutifs. C'est justement cette désarticulation qui va être poussée plus loin encore par le surréalisme. Mais les éléments désarticulés sont recombinés par la suite dans une superposition des plans, qui offre une synthèse originale de l'ensemble. Ce second volet caractérise

toute la modernité poétique du XX -e siècle et de ce point de vue les innovations d'Apollinaire sont bien illustratives.
De ses principales œuvres, on peut citer: Alcools, Les Peintres cubistes, Le Poète assassiné, Calligrammes, posthumes- Il y a, Poèmes secrets à Madeleine, Le Guetteur mélancolique, Tendre comme le souvenir, Ombre de mon amour.
Dans la première hypostase du poète, domine l'allure mélancoli que , voire même élégiaque des vers. L'expression parfaite de cette création est le poème Le Pont Mirabeau (Alcools), l'un des plus beaux qui soient. Il chante l'écoulement éternel de la durée, figurée ici par «l'eau courante » de la Seine, face à laquelle demeure monumentale la triste joie du poète: Sous le Pont Mirabeau coule la Seine /Et nos amours /Faut-il qu'il m'en souvienne /La joie venait toujours après la peiné // Vienne la nuit sonne l'heure / Les jours s'en vont je demeure
Le refrain du poème ainsi que l’emploi du subjonctif sans que apportent une idée d’archaïsme et une musicalité discrète. La suppression de la ponctuation, par contre, y ajoute une nuance moderne. Un autre élément de modernité consiste dans la manière d’Apollinaire de construire les images ( dans

Le Pont Mirabeau               il construit une architecture à trois
niveaux: le pont des bras des amoureux, le Pont Mirabeau où ils se trouvent et la Seine qui coule en bas). Le propre d'Apollinaire est justement l'élaboration des images assez vastes, que développent leurs termes agencés dans des rela­tions fort complexes. Il en est ainsi de la plupart des poèmes d'Alcools.
Le partage entre Apollinaire -mélancolique et Apollinaire -poète de la modernité n'est pas essentiellement chronologique. Car Alcools démarre avec Zone, poème brutalement moderne, alors que dans un recueil comme Calligrammes, imbu de modernité, on retrouve des fragments ou des poèmes entiers qui tiennent plutôt de la première attitude.
Quoi qu'il en soit, Zone représente un tournant dans l'évolution du discours poétique dans son ensemble. Comme le peintre cubiste, Apollinaire opère une dislocation, mais celle-ci est plus profonde, puisqu'elle touche l'être même du poète: il s'adresse à lui-même par le pronom tu, se déclarant dès le départ : „À la fin tu es las de ce monde ancien”. Tout au long du poème il y a un festival compliqué de pronoms où domine ce tu — moi. Tout se passe comme si le moi se jetait au monde

en riant et en pleurant à la fois; ensuite, dans l'acte même de récriture, il perçoit ce spectacle et se revoit multiplié dans l'espace et dans la durée, tout en concentrant les segments par une technique simultanéiste. Mais l'effet est plus profond que dans la peinture et ce n'est pas par hasard que le poète invoque des volumes: „Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie / Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie [...] Adieu /Adieu /Soleil cou coupé”
Cette fin de l’adieu est marquée d'abord par la circularité entre le comparant vie pour alcool et sa reprise comme comparé, déterminé dynamiquement par le comparant eau-de-vie, lui-même synecdoque pour alcool. Autrement dit, la peinture langagière d'inspiration cubiste s'enrichit par un vertige à la Van Gogh. Le cri d'adieu apporte une image démentielle: Soleil cou coupé, qui revient d'une manière obsédante chez Apollinaire.
La structure d'Alcools repose sur l'alternance hétéroclite entre des poèmes très concentrés et d'autres qui s'étendent sur plusieurs pages; il en est ainsi de la fin de ce recueil.
Si novateur qu’il fût, Apollinaire restait un artiste attentif aux images, aux cadences, à la musique des mots, bref un poète qui cherchait toujours la beauté en renforçant le mystère.

Le surréalisme retint de son exemple le rejet des poncifs, le recours à la suggestion, l’effort de rupture et de percée vers l’inexprimable. Il développa surtout cette dernière tendance, car il rejetait l’art comme factice et déclarait n’avoir en vue que l’expression sans arrêt de la vérité profonde.
Apollinaire est un promoteur de la spontanéité, la surprise est le concept fondamental de sa poétique. Dans Calligrammes, intitulé initialement Idéogrammes lyriques, Apollinaire donne libre cours à l’imagination formelle et crée une poésie visuelle. Les Calligrammes, dans leur ensemble, forment un recueil complexe, qui renferme plusieurs cycles composés. La partie inédite du recueil consiste dans les poèmes disposés graphiquement sous forme d'images. Ils sont l'aboutissement des tentatives d'exploiter les techniques d'im­pression rattachées à la mise en page qu'avait entrevues Mallarmé dans Un coup de dés jamais n'abolira le hasard.
Certains calligrammes reposent sur la simple mise en page. Le poète choisit un seul fragment de texte qu'il dispose de manière à figurer tel ou tel objet ou même un acte quel­conque. On peut mentionner à cet égard le poème Fumées, qui insère une phrase reproduisant la forme d'une pipe:

„Et je fu /           m e            /du ta bac      /zoNE”

Mais après cette notation qui se veut banale, le poète s'adresse à soi-même dans la partie finale et celle-ci renferme des images imbues de poéticité: „Tu t'étends comme un dieu fatigué par l'amour/ Tu fascines les flammes/ Elles rament à tes pieds/ Tes feuilles de papier
Le poète réalise aussi des calligrammes totalement figu­ratifs. C'est le cas du poème II pleut qui est écrit sous forme de lignes presque verticales reproduisant la chute des gouttes de pluie. On a l’impression de regarder un dessin représentant des fils de pluie. La lecture en est difficile, mais bien récompensée. La première „chute” dit: „il pleut des voix de femmes comme si elles étaient mortes même dans le souvenir”.
L'invention y est totale: le poète rompt avec la tradition de la mise en page routinière; il choque brutalement par la vue d'une page où effectivement les lettres représentent des gouttelettes d'eau; on a même l'impression d'y sentir le frais parfum de la pluie. En même temps, le texte se concentre dans des énoncés courts et très denses au point de vue sémantique. Il a l'air d'une maxime, qui, en l'occurrence est enrichie par une image inédite, douée d'une force de suggestion extraordinaire.

Mais les calligrammes qui valorisent complètement l'iconicité sont ceux qui reproduisent le contour des objets. C’est le cas de Coeur, couronne et miroir. Apollinaire choisit des images qui sont pleinement symboliques: le coeur comme métonymie de la vie, la couronne comme métonymie de la royauté et le miroir qui reproduit „graphiquement” le nom du poète, l'ensemble se rattache au fond à la personne de celui qui écrit.
Quant au sens de la lecture: dans les calligrammes qui renferment des courbures on lit de droite à gauche, dans le sens des aiguilles d'une montre, donc dans le sens inverse de la lecture linéaire courante.
Le poème La Colombe poignardée et le jet d'eau est plus complexe et il évoque les amours et les amitiés du poète. Les vers jaillissent d'un centre comme les jets d'eau, ce qui, par rapport à d'autres images, introduit une forte dose de dynamisme.
Les formes peuvent être plus sophistiquées encore, c'est le cas de La Cravate et la montre. Avec les calligrammes écrits à la main, le poète ajoute un nouveau élément d'authenticité, cette fois-ci, celle de sa propre calligraphie, qui apparaît comme une sorte d'autographe, à plus forte raison que

le texte s'adresse directement à quelqu'un.
D'autres poètes se sont essayés, dans ce genre de poésie, depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours. Seulement, dans le cas d'Apollinaire il s'agit de tout un programme artistique, ses Calligrammes sont le corollaire de la technique cubiste employée dans ses poèmes - superposition de plusieurs plans et même de plusieurs modes d'expression artistique. Aux techniques cubistes qui régissent les images d'Apollinaire s'ajoute un rythme d'ensemble, Apollinaire construisant ainsi une musique cubiste.
La création d'Apollinaire marque un tournant dans l'histoire de la poésie française. Après Baudelaire et le sym­bolisme, elle s'institue comme la troisième modernité. Elle vaut par ses qualités intrinsèques, mais aussi par l'influence sur la poésie qui a suit. Par son caractère contestataire, Apollinaire annonce le mouvement „dada"; par la force de l'image, par la découverte des zones inédites de sensibilité spontanée, par le discours qui se veut libre et qui prône la liberté, il anticipe et fonde le surréalisme. D'ailleurs c'est lui qui a forgé le mot dans le sous-titre de son ouvrage Les Mamelles de Tirésias. Drame surréaliste en deux actes et un prologue.

JACQUES PREVERT

(1900 - 1977)

Le mouvement surréaliste est apparu au vingtième siècle. Il est caractérisé par son humour noir et la forte présence de négation à tout ce qu’on impose, mais la négation, ou le refus s’accompagne d’un désir de renouvellement. Ainsi naît de nouvelles valeurs comme l’amour et la beauté, afin d’amener chacun dans sa quête de la "vraie vie". L’esprit qui règne à l’époque est la révolte, la liberté et l’expression des impulsions. Les surréalistes ont libéré la poésie de ses anciennes contraintes formelles et ont mis en avant-plan les images et les métaphores qui rapprochent des réalités que la

conscience ne songe pas à unir. C’est ainsi que naît la poésie du quotidien.
- Jacques Prévert est né le 4 février 1900, à Neuilly-sur-Seine.
Il est un enfant heureux et gai qui rit en toutes circonstances. Il ne manque aucune fête, aucun cirque et déjà, se passionne pour le monde du théâtre. Son père qui connaissait des acteurs, l’emmenait en coulisses avant que les spectacles ne commencent.
Jacques Prévert ne veut rien savoir de tout ce qui s’appelle PRISON, il n’aime guère les prêtres et serviteurs d’Église, car cela représente, à ses yeux, le pouvoir autoritaire, le passéisme le plus absolu et le conformisme le plus borné. La violence de l’anticléricalisme prévertien sera souvent rejetée avec dégoût et escamotée au profit de son intérêt pour les enfants, les fleurs ou les petits oiseaux. Sa mère commence, dès son jeune âge, à lui lire des contes de fées, elle l’initie au monde la fiction et du rêve.
Il accompagne souvent son père chez les pauvres et il se met à les aimer, à comprendre leurs joies et leurs peines, à découvrir les trésors de générosité, de délicatesse et de poésie

qui se cachent au fond du cœur des plus démunis de la société. Il constate que le monde n’est pas toujours bon ; mais heureusement il y a le rêve, la lecture et le cinéma...
L’écriture de Jacques Prévert se distingue par le rapport particulier que l’auteur entretient avec le langage. Les mots prennent vie sous sa plume et le poète compose des œuvres avec une grande liberté. Ses recueils recèlent des figures de style et des jeux de mots qui font toute la magie de la poésie prévertienne. Son écriture est également marquée par l’influence des scénarios. On retrouve la spontanéité des échanges dans la composition de ses poèmes.
Les thèmes abordés par Jacques Prévert dans ses poèmes sont très divers et apparaissent comme le reflet de ses expériences. On retrouve ainsi l’enfance, qui rappelle le vécu de l’auteur. En outre, Jacques Prévert est un auteur engagé qui évoque sans détour ses prises de position. Il condamne la guerre dans des poèmes comme « Barbara » et prend également la défense des populations délaissées, vivant dans la misère. La poésie de Jacques Prévert rayonne donc par sa diversité langagière, mais aussi par la portée à la fois personnelle et universelle de son écriture.

Poète à l’époque du surréalisme, Prévert est un important représentant de la poésie du quotidien, tout comme Vian ou Cadou. Les textes de Jacques Prévert ont d'abord été publiés isolément dans diverses revues depuis les années trente. C’est en 1946 qu’on a pour la première fois réuni et publié ses textes sous le titre de « Paroles ». La publication du recueil a assuré un grand succès au poète, Prévert devenant par la suite très populaire, grâce à son langage familier, à son humour et à ses hymnes à la liberté. De son oeuvre on peut encore citer: « Histoires » (1946), « Contes pour enfants pas sages », « Le Petit Lion », « Vignettes pour les vignerons », « Charmes de Londres », « Bim, le petit âne », « La pluie et le beau temps ».
Tout comme d’autres poètes du quotidien, Prévert souhaite atteindre une simplicité dans le langage. L’artiste transfigure le quotidien par le regard personnel qu’il porte sur la réalité. Prévert a refusé d’écrire une poésie qui ne soit pas lisible pour tous. Il a fait reculer les limites du langage poétique, créant des oeuvres accessibles à tous. Cependant, l’écriture de Prévert n’est pas simpliste. Par exemple, dans le poème Page d’écriture, Prévert utilise des métaphores afin de faire comprendre ce que devrait être la signification de «vivre»: „Mais tous les autres enfants écoutent la musique/ et

les murs de la classe s’écroulent tranquillement./ Et les vitres redeviennent sable,/ l’encre redevient eau,/ les pupitres redeviennent arbres, /la craie redevient falaise,/ le porte-plume redevient oiseau”. C’est par une métaphore qu’on évoque ici la vie. Les murs de la classe qui s’écroulent représentent les limites du quotidien, toutes les habitudes auxquelles l’homme est liés: comme, par exemple, le travail. Redécouvrir la vie c’est pour Prévert retrouver ce contact avec la nature. La poésie du quotidien chez Prévert, c’est démontrer des choses simples, que tout le monde connait, mais qui sont oubliées et auxquelles on ne pense pas.
L’œuvre principale de Prévert est le volume de poésies intitulé Paroles. Le succès du recueil s’explique par l’atmosphère de la libération qui rend le public plus sensible aux thèmes anarchistes de Prévert, à sa défense de la liberté. Le style oral, familier et simple est une autre raison du succès populaire de Paroles. Le vocabulaire simple et concret est d’ailleurs une caractéristique permanente du recueil. Le poète imite le parler du peuple, emploie un lexique restreint, des expressions toutes faites ou proverbiales. Il écrit en vers libres et remplace souvent les rimes par des assonances.

Les aspects dominants de l'art de Jacques Prévert que souligne d'ailleurs le titre Paroles sont la spontanéité et l'oralité nourries des influences surréalistes faites d'expressivité nouvelle et de provocation. On retrouve les traces du surréalisme dans des procédés tels: les inventaires, les énumérations hétéroclites d'objets et d'individus, les additions de substantifs ou d'adjectifs, les procédés de l'image, de la métaphore et de la personnification (animal, objet, humain).
Les thèmes du recueil sont nombreux, ils se croisent souvent et sont mis en valeur par des procédés poétiques efficaces. Il parle de choses injustes, de gens qui souffrent et qui meurent et en dénonce les responsables. La dénonciation de la violence, de la guerre, de la politique bourgeoise, de la religion représentent les thèmes dominants du volume. Le thème de la vie quotidienne et des lieux de Paris est également récurrent dans le recueil. Il traite des choses qui touchent les gens, qui leur ressemblent, qui sont près d’eux: il s’intéresse à la vie des humbles, au bonheur tranquille des amoureux, aux scènes de la rue. Un autre thème qu’il évoque c’est le travail, notamment dans la Chanson des sardiniers ou la Chanson des

cireurs de souliers, qui était, jusqu’à l’époque, considéré comme un thème antipoétique.
De tous les recueils de poésie de Prévert, Histoires est sans doute l'album le plus près des gens. Ceci est dû, non seulement au fait qu'il raconte des histoires simples du quotidien, mais également parce que ce sont celles de Monsieur Tout Le Monde et qu'il est facile de s'y reconnaître. Prévert sait toucher le grand public parce que sa sensibilité s’indentifie à celle des gens simples. Il a écrit aussi pour les pauvres, en communiquant leurs pensées Chanson des cireurs de souliers.
Dans La pluie et le beau temps, Prévert se révolte envers les autorités. Le poème Entendez-vous gens du Viêt-Name en est bien illustratif. Dans des poèmes tels Étranges étrangés, Confidences d'un condamné, le poète exprime les réalités cruelles de la vie.
Prévert n’utilise pas un langage poétique mais se sert du parler populaire auquel il attribue une valeur poétique. Il l’accommode à sa manière et lui communique un renouveau de jeunesse et de vigueur en changeant le sens des mots en les disposant selon sa fantaisie. Il transforme ainsi le langage en poésie. L’intérêt pour la poésie de Prévert ne réside pas tant

dans son contenu mais dans l’originalité de son expression. Afin de conserver une allure naturelle à la langue populaire devenue alors poétique, le poète accumule les répétitions qui donnent à l’expression la démarche hésitante et désordonnée de l’improvisation. L’absence de ponctuation accentue à cette impression. Par l’absence de ponctuation, le lecteur est appelé à réagir de façon personnelle: accélérer, ralentir ou faire des pauses selon son désir.
L’expression de Prévert est anticonformiste. Il se manifeste sous forme d’opposition et de refus et s’exprime de façons variées. De plus, le poète fait des changements de direction ayant souvent pour origine des associations déclenchées par une image, un mot ou un son. Leur caractère imprévu donne l’impression que Prévert saute d’une idée à l’autre. Dans le monde poétique de Jacques Prévert, réalité, rêve et irréalité coexistent harmonieusement. Cette évolution fait que tout est possible; dans certains poèmes, les personnages se trouvent engagés dans des aventures où animaux, plantes, objets parlent, se métamorphosent, participent à la vie.
Chez Prévert, l’humour prend des formes différentes allant du charmant au noir. Quel que soit son aspect, il

demeure spontané; plus souvent, le poète recourt à l’humour noir, forme qui lui permet de dire une chose sur le ton qui convient le moins. Il peut obtenir des effets humoristiques abondants et naturels. L’humour offre également au poète l’occasion de masquer ses sentiments lorsqu’il n’a pas envie de les laisser voir.
- Pratiquée par George Braque, Pablo Picasso ou encore Max Ernst, la forme artistique du collage se développe dans la première moitié du XX- ème siècle. La technique de cet art repose tout d’abord sur le choix du support, de l’image de fond sur laquelle viendra se superposer une sélection de motifs et de représentations variées. Jacques Prévert est un artiste en quête d’expériences nouvelles. C’est dans les années 40 qu’il part à la découverte de cette forme d’art déjà exploitée par les surréalistes et les cubistes. Le poète est séduit par cette technique mêlant la diversité des supports à la rencontre des images, qui n’est pas sans rappeler sa création poétique. En 1948, l’auteur est victime d’un accident qui l’empêche temporairement de s’adonner à l’écriture. Cette contrainte va le mener à une pratique plus régulière des collages. Cette technique artistique le ramène

finalement à ses premières passions, le cinéma et la poésie. Il découpe, sélectionne et monte des images, tel
un          scénariste           ou          un          poète.
Le collage suscite la rencontre fortuite de plusieurs réalités, de même qu’un inventaire visuel fort, d’une originalité excentrique et parfois subversive. En effet, Jacques Prévert n’hésite pas à bousculer la société de l’époque en caricaturant son conformisme.
Le lien entre les mots et les images s’exprime clairement dans Fatras  et Imaginaires, ouvrages dans lesquels les collages alternent avec des textes de formes variées. Cette rencontre d’éléments hétéroclites permet en outre à Jacques Prévert de retrouver l’univers onirique qu’il avait coutume de créer dans ses œuvres poétiques. Les images se substituent aux mots, puis les deux formes d’art deviennent peu à peu complémentaires.
Le cinéma figure au premier rang des activités qui ont joué un rôle important dans l’esthétique poétique de Prévert. Pour Prévert l’image est le moyen idéal d’expression.
Jouer avec le langage est un plaisir pour Prévert, même au stade le plus simple du mot. Il crée parfois de nouveaux mots pour satisfaire son goût du jeu et lui donner, à nouveau,

l’occasion d’exprimer son anticonformisme. Par son talent et son savoir-faire, Prévert transforme le langage de tous les jours en poésie. Il utilise avec brio les assonances, les allitérations, source amusantes de rythmes imprévus. La répétition occupe également une place importante, elle donne une certaine musicalité aux textes. Il utilise l’écriture automatique, qui est une forme d’expression spontanée et intacte de l’imagination.
Modernité, expressivité et simplicité caractérisent la création de Jacques Prévert qui continue à retenir l'attention et à nourrir les mémoires.

JEAN RACINE

Jean Racine, maître de la tragédie classique
Lorsque Racine commence sa carrière, la tragédie, originaire de l’Antiquité grecque, est un genre très codifié, fondé sur les principes énoncés par Aristote (IVe siècle av. J.-C.), et redéfini en France pendant la première moitié du XVIIe siècle.
Pièces en alexandrins et en cinq actes, les tragédies empruntent leurs sujets à l’histoire ou à la mythologie. Ainsi, Mithridate, Britannicus, Bérénice, proviennent de l’histoire romaine ; Andromaque, Iphigénie, Phèdre, de la mythologie, et si Bajazet, pièce « turque », se réfère à l’histoire contemporaine, le manque de distance est compensé par l’exotisme géographique et culturel.
Illustres et exemplaires, les personnages sont plongés dans une crise dont l’issue, souvent fatale, inspire terreur et pitié, provoquant la catharsis, purgation des passions. Dans ses préfaces, Racine revendique l’héritage des Anciens, des grecs Euripide, Eschyle, Sophocle, ou d’auteurs latins, Virgile,

Sénèque, Tacite. Esther et Athalie, tragédies religieuses, sont issues de la Bible.

Racine suit la règle des trois unités. L’action commence le matin pour s’achever le soir, respectant l’unité de temps (la durée de l’intrigue ne doit pas excéder vingt-quatre heures). L’unité de lieu (l’action se déroule dans un seul lieu) contribue à enfermer les personnages dans le cercle de leurs passions. L’unité d’action (une seule intrigue), extrême dans Bérénice, est aussi respectée dans des tragédies, comme Bajazet, dont les péripéties servent le déroulement de l’action principale. Par ailleurs, l’obligatoire vraisemblance ne coïncide pas nécessairement avec le vrai ; Racine se conforme aux habitudes culturelles de son public, admettant des touches de merveilleux païen (comme le « monstre » qui, dans Phèdre, attaque Hippolyte) ou de merveilleux chrétien issu des récits bibliques. Les bienséances exigent de ne pas heurter le goût ou les idées des spectateurs, d’éviter une violence susceptible de les fasciner. Les brutalités – assassinats de Pyrrhus dans Andromaque, de Britannicus, de Roxane, dans Bajazet – sont racontées et non montrées. La proscription d’un langage cru épure un style subtil qui recourt à la litote, à l’euphémisme. Loin d’en être prisonnier, Racine exploite les contraintes de la tragédie classique pour obtenir un maximum d’intensité. Le dénouement doit restaurer la morale compromise par le déchainement des passions, mais Racine achève plutôt ses tragédies par la déploration, la compassion et les larmes.

La passion et la fatalité dans le théâtre de Jean Racine

La galanterie, courant esthétique majeur alors que Racine écrit Andromaque, dépeint avec un raffinement subtil les méandres des sentiments amoureux. Si Racine en reprend le vocabulaire et les images (« feux », « fers », « flammes »), il les réactive, leur restitue un sens propre : mourir d'aimer devient une réalité
et             cesse              d'être             une               métaphore.
Passion irrépressible, l’amour domine le théâtre racinien. Mû(e) par une idée fixe, prêt(e) à toutes les violences pour s’assurer la possession de l’être aimé, l’amoureux ou l’amoureuse (qui aime sans être aimé) s’enferme dans une aliénation croissante. L’amour passionnel est montré jusque dans ses manifestations physiques ; ainsi, Phèdre rougit, pâlit, tremble à la vue d’Hippolyte. Racine dépeint aussi les douceurs de sentiments tendres, purs, d’amants (dont l’amour est réciproque) qui se heurtent à la fureur d’un(e) amoureux(se). C’est Junie et Britannicus affrontant Néron, Atalide et Bajazet opposés à Roxane, Aricie et Hippolyte à Phèdre. Deuxième grande passion du théâtre racinien, l’amour du pouvoir ravage certains de ses héros tels que Néron, Agamemnon, Athalie. Chaque tragédie s’ouvre sur une crise passionnelle qui sera exacerbée par des obstacles - obstacles extérieurs : refus de l’être aimé, interdits familiaux, raison d’État, ou intérieurs, comme un fort sentiment de culpabilité – et la crise s’amplifie graduellement jusqu’à une issue le plus souvent fatale.
Tout en se livrant à une analyse lucide des sentiments ou des signes de la passion, le héros qui souffre d’un amour pathologique ou d’un appétit incoercible de pouvoir est incapable d’obéir à la raison. Il se débat vainement contre ses pulsions et le spectateur assiste à une marche inexorable vers la catastrophe. Car tout est joué d’avance, l’homme, soumis à

une fatalité déterminée par les dieux, n’est pas libre. Le dénouement d’une tragédie doit rétablir des rapports familiaux ou sociaux déréglés par le jeu des passions, mais, chez Racine, l’ordre politique n’est jamais vraiment restauré et le spectateur, ému et fasciné par l’épreuve des passions est, la crise achevée, invité à la compassion par les larmes que Thésée se propose de verser sur Hippolyte, ou un dernier « Hélas ! » de Bérénice.
Le style de Racine
langue

« JEAN-JACQUES ROUSSEAU (1712-1778) Les œuvres principales de Rousseau se groupent naturellement en trois catégories, qui correspondent à trois moments de sa pensée: 1.

Œuvres de critique négative : Les Discours sur le rétablissement des sciences et des arts, Le Discours sur l’origine et le fondement de l’inégalité parmi les hommes, La Lettre a Dalembert sur les spectacles 2.

Œuvres constructives : La Nouvelle Héloïse, Le Contrat social, L’Emile 3.

Œuvres autobiographiques dont la publication est posthume : Les Confessions, les Rêveries d’un Promeneur solitaire, œuvre inachevé Rousseau connaît la gloire avec son premier ouvrage, Discours sur les sciences et les arts, écrit en 1749 et couronné en 1750 par l’Académie de Dijon.

Il s’y élève contre la civilisation et devient le champion de la vie simple, de la pauvreté et de la vertu.

Il se propose de reformer sa vie, de gagner son existence en copiant de la musique.. »

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