LA POÉSIE de Malherbe
Publié le 27/06/2012
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L'enseignement et l'exemple de Malherbe (1555-1628) sont de première importance. Malherbe, en effet, ne légifère qu'avec une sage prudence; quand il émet ses réflexions sur l'art des vers, il est déjà un poète plein d'expérience, qui a écrit lentement, dans un effort laborieux de choix et de perfection, pendant des années. Ses idées sont nées, non de l'étude de textes théoriques, mais de ses observations directes sur la poésie de ses contemporains ou de ses prédécesseurs immédiats,

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118 HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE
nique à ses amis, puis à ses disciples, dans des conver
sations.
Nous ne les connaissons que par eux, et par
les remarques dont il a criblé un exemplaire des poésies
de Desportes.
Que réclame-t-il? que finit-il par imposer? Une langue claire, où les mots, empruntés au seul
parler de l'Ile-de-France, soient pris dans leur sens le
plus juste; une syntaxe impeccable
et rigoureuse, à laquelle le poète ne fasse jamais d'entorse pour les
commodités du vers; des rimes qui correspondent à la prononciation, et n'utilisent pas le même radical;
l'interdiction absolue de l'hiatus et de l'enjambement,
qui détruisent l'un l'harmonie du vers, l'autre son
architecture; de la vraisemblance dans les images;
pas de
jeux de mots.
Quant à la poésie même, il la fait
descendre des cimes où l'avait élevée Ronsard; ce
qu'elle devait gagner en perfection technique, elle le
perdait en ambition; son rôle n'est plus de transmettre
aux hommes quelque inspiration divine, de diriger
les rois et d'éclairer les peuples; qu'elle se borne à être un jeu -nous dirions un sport - où il s'agit unique ment de faire des vers beaux en soi, beaux par leur
forme comme par la noblesse ou la justesse du senti
ment ou de la pensée.
On ne s'étonnera pas que la poésie de Malherbe
réponde à cette conception.
Son œuvre tient dans un mince volume, elle est formée d'Odes, de Stances, et des Larmes de saint Pierre (1587), par quoi il a débuté.
Jamais, nous l'avons vu, il n'a pris soin de réunir ses
poésies, qui ne paraîtront groupées qu'en 1630.
Sa matière est banale : quelques grands événements poli
tiques, quelques thèmes éternels de morale, parfois quel
ques textes lyriques de la Bible.
Mais la mise en œuvre
est originale et souvent admirable.
Certes la poésie de
Malherbe ne peut enchanter les âmes rêveuses ni les cœurs
sentimentaux qui cherchent dans l'art un écho de leurs
aspirations ou de leur peine, ni les intelligences subtiles
qui se plaisent
~ dégager d'un texte difficile les secrets
méandres d'une pensée délicate,
ni les sensibilités raffi
nées qui veulent retrouver, suggérées par la poésie, leurs
émotions les plus ténues ou les plus obscures; certes
Malherbe
n'est ni Musset, ni Valéry, ni Mallarmé!
Mais sa poésie satisfait, et, sans les ravir hors d'eux
mêmes, affermit dans leur équilibre ceux qui sont
sensibles
au nombre, ceux dont l'oreille apprécie la.
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