La poésie française
Publié le 14/11/2018
Extrait du document
Jean de La Fontaine ( 1621 -1695) est sans conteste le poète le plus connu des Français : qui n'a pas appris par cœur une de ses fables? Quel raffinement, quel travail pourtant, derrière cette apparente simplicité. La souplesse et l'ingéniosité du vers, le découpage méticuleux de la strophe donnent au récit poétique une allégresse qui le rend plus vif encore que la prose. Instruire et divertir sont l'objectif des six premiers livres (1668), dédiés au Grand Dauphin ; les suivants promettent «un air et un tour nouveau ». Entre les traductions en vers d'Ésope et une personnalité qui s'affirme au fil des éditions, La Fontaine développe l'antique apologue en l'enrichissant de traditions plus modernes : littératures médiévale, indienne, renaissante (les emblèmes). Aussi invente-t-il peu de sujets, déployant son génie dans l'art de l’anecdote, la théâtralisation, la liberté du ton, faisant de la fable un condensé de tous les genres.
A SAUTS ET A GAMBADES
L’histoire de la poésie française s'écrit «à sauts et à gambades», pour reprendre une expression de Montaigne : c'est par surprise et au hasard du génie de quelques poètes qu'elle connaît ses progrès les plus décisifs. Des trouvères comme Rutebeuf au grand lyrisme moderne d’Apollinaire et de Saint-John Perse, la poésie ne cesse de se renouveler : tournée vers le monde ou recentrée sur l’intime, entre travail et inspiration, elle hésite entre la révolte et l'harmonie, l'accord et la discorde. On est bien en peine, dès lors, de la définir, sinon par quelques grandes voix qui ont su l’incarner.
LE MOYEN ÂGE
Rutebeuf (mort V. 1280). «Pauvre jongleur», vivant à Paris on ne sait de quoi, il fustige le siècle et l'Église d’une parole acérée, usant du calembour, du double sens, jouant à l'occasion des ressources de l’écriture allégorique (Bataille des vices contre les vertus, Voie de Paradis). Ses dits se font parfois pamphlets, mais une veine plus douce irrigue ses vies de saints et ses litanies à la Vierge. La partie la plus attachante de son œuvre est celle où il parle de sa propre vie : le Mariage Rutebeuf, la Pauvreté Rutebeuf, la Repentance Rutebeuf,
TROUVÈRES ET TROUBADOURS
C'est du verbe «trouver» qu’ils tirent leur nom, les premiers en langue d'oil et les seconds en langue d'oc.
Anonymes le plus souvent, ce sont les premiers poètes français, les premiers à avoir fait de cette langue vulgaire, de ce latin défiguré, une langue littéraire. Avec eux, la poésie française s'invente en se dressant contre la langue des clercs et des savants, ce dont se souviendront Rutebeuf et Villon, plus tard Rimbaud. Rimer? C’est affaire de beauté, sans doute, mais aussi de mémoire : c’est surtout pour mieux les mémoriser que les jongleurs font rimer leurs vers. Quant à la métrique, ils ont une excellente raison de la respecter : la poésie médiévale est chantée...
François Villon est né en 1431, et on perd sa trace vers 1464. C'est le dernier des poètes médiévaux et le premier des poètes modernes. Il fréquente les milieux les plus divers, de l'université à la racaille. C'est assurément un personnage, dont les portraits qui émaillent son œuvre montrent les obsessions : perte, mort, décrépitude. Si Villon emprunte l'argot des voleurs, il fraie aussi avec de grands seigneurs, qui le sauvent plusieurs fois de la potence. À côté de ses Ballades, on lit surtout le Grand Testament (1461), qui renouvelle l'écriture poétique : mélange des tons, présence d'archaïsmes, oralité quelquefois, richesse explosive du sens font de ce long poème une révolution dans le lyrisme personnel. Entre rire et méditation douloureuse sur le passé, une légende s'y forge. Villon lègue à la postérité une figure pleine d’avenir : le poète maudit.
«
ET
LES POtTESSES?
la poésie serait-elle une affaire
d'hommes? Si, parmi les grandes
plumes de l'histoire littéraire, on trouve
surtout des messieurs, on doit pourtant
citer Marie de France et ses Lais, au
Moyen Âge; Louise �lié.
dite la Belle
Cordière, dont les élégies et sonnets
exaltent la passion amoureuse, et
Pernette du Guillet, à la Renaissance;
Mtl«elift
Desbortles· Vt1/11101't
chez les romantiques,
Marie Noël un peu
plus tard, et, plus près
de nous, Hélène
Clxous, Esther Tellen�ann, Marie
ttienne et Anne-Marie Albiach.
d'une
expérience métaphysique.
l'idéalisation de la chair est à la fois
mouvement vers le divin et retombée
dans la matière.
C'est à l'écriture que
revient la tâche de dépasser l'ennui d'un
monde voué à l'uniformité.
le choix
du mal peut ainsi être compris comme
une tentative désespérée de restaurer
du sens.
les images des Reurs du mal
(1857) révèlen� sous l'apparente
monotonie du monde, une «surnature»
dont peut jouir l'esprit rendu à l'Idée.
L:écriture passe par le bizarre et joue
des images les plus étranges pour
révéler les accords secrets de l'univers.
Perfectionniste, Baudelaire redécouvre
la forme oubliée du sonne� avant
d'expérimenter la souplesse fascinante
f--------------1 du poème en prose dans Le Spleen de
Les Contempla/jons, cette «histoire
d'une âme».
Dialogue avec un cosmos
infini, jaillissement d'images, l'écriture
porte la vision d'un équilibre cosmique
où l'Histoire se transcende dans l'espri�
où les faits se fondent en symboles.
au jeune
_....,��;;;._-'J>oe·te une réputation
qui fait de lui une des principales
figures du romantisme.
Il fera très vite
cavalier seul, peu sensible au modèle
du guide prophétique et à la mission
sociale de l'écrivain.
Recherchant dans
l'écriture l'expression communicative
d'une émotion, il trouve dans une
certaine fragilité, exaltée par les
bouleversements amoureux, la source
d'un lyrisme visant à l'authenticité,
modulant la plainte d'une âme déchirée
(Les Nuits).
Il infléchissent
le
ornm>nfl> et l'écriture automatique,
celle par laquelle on tente de se délivrer
du contrôle de la raison.
La Liberté en
amour (1927) témoigne pourtant déjà
d'un éloignement du surréalisme, au
profit d'une poésie plus proche de celle
de Nerval : le rêve, l'amour, plus tard
la douleur, mais aussi la fraternité des
hommes dans la
Rési stance (Fortunes,
1942).
Jacques Prévert
(1900-1977) passe
par le surréalisme
avant de s'en mettre
en vacances,
préférant le rythme
insouciant de ses compositions aux
impératifs contraignants d'une école
littéraire.
Paroles, en 1946, puis La Pluie
et le Beau Temps (1955) révèlent une
écriture en liberté, peu soucieuse de
métrique, jouant facilement sur les
mots, visant avant tout à procurer au
lecteur ce dépaysement qui apparaît
comme la clé de l'écriture de Prévert.
Se laisser dépayser, c'est accepter de
sortir de ses représentations, retrouver
l'étonnement de l'enfance, goûter les
délices de l'imagination; le vers libre,
cher à Prévert, est bien sûr le meilleur
chemin de cette liberté.
René Char (1907-1988) publie dès
1928 Les Cloches du cœur.
Son
engagement dans la Résistance
s'accompagne d'une exploration
poétique dont témoignera en 19481e
grand recueil de Fureur et Mystère :
l'écriture oraculaire se concentre
jusqu'à l'extrême, se fait obscure, moins
pour dire l'inconscient d'un être que
pour capter l'harmonie secrète du
monde, inaccessible à la raison.
MAIS AUSSI •••
Francis Jammes, Pierre Reverdy, Max
Jacob, Blaise Cendrars, Tristan Tzara,
Henri Michaux, Francis Ponge, Yves
Bonnefoy, Philippe Jaccottet, Jacques
Roubaud, Jacques Dupin..
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