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La préciosité dans Electre de Jean Giraudoux

Publié le 06/01/2020

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Ailleurs Jean Giraudoux s'amuse avec les mots. Électre enfant court au devant de son père, de retour de la guerre de Troie : « Le cortège était pris de panique. On croyait à un attentat. Mais lui m'a devinée, il m'a souri. Il a compris que c'était l'attentat d’Électre!. » (II, 8, p. 114).

ESTHÉTIQUE ET MORALE

 

La réputation de préciosité faite à Jean Giraudoux tient à la recherche systématique du beau langage. N'y voir qu'une virtuosité verbale serait pourtant une erreur. Jean Giraudoux n'a cessé, en effet, de défendre un théâtre qui fût d'abord celui « de la langue et du style1 ». Pour user d'une comparaison qui lui était familière, le beau langage fonctionne à la façon d'un bon filtre2. En effet, il permet seul d'échapper à « cette malédiction de la pensée et du geste commun qui est la honte de l'humanité3 ». La préciosité de Jean Giraudoux n'est pas gratuite : elle est une quête de la vérité, une recherche esthétique, une exigence morale.

 

Une quête de la vérité

 

La préciosité naît de figures de style complexes, qui, elles-mêmes, renvoient à la complexité du réel, qu'elles sont chargées d'exprimer.

 

Ainsi, les antithèses déconcertent de prime abord. Elles ne sont souvent qu'un raccourci logique et qu'une condensation de la pensée. Reprenons l'exemple des réactions d'Égisthe après sa conversion au patriotisme. Remercier de recevoir un cadeau paraît étrange. Mais c'est précisément ce qui prouve la sincérité d'Égisthe. L'ambition ne l'aveugle pas.

 

Qu'Électre se cherche une mère dans sa mère au point d'être peut-être obligée de la tuer n'a rien d'une acrobatie verbale. Électre se cherche effectivement une vraie mère, digne, idéale sans doute, mais qui corresponde à ses attentes. Faute de la reconnaître dans la sienne, elle hait Clytemnestre.

1. L'impromptu de Paris, 1937, scène 3.

 

2. La comparaison revient dans L'Impromptu de Paris (scène 3) et dans Les Cinq Tentations de La Fontaine, Grasset, 1938, p. 139.

 

3. Littérature, Grasset, 1941, p. 194.

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« p.

22-23).

Ou bien c'est Égisthe qui s'exclame, après avoir eu la révélation que les divinités lui ont « donné » Argos : « Dieu au matin ne mesure pas ses cadeaux: il pouvait aussi bien m'avoir donné le monde.

C'eût été affreux» (Il, 7, p.

105).

L'adjectif étonne : serait-ce tant« affreux» que d'avoir le monde pour royaume? Électre, de son côté dit à Égisthe : « À votre franchise je reconnais l'hypocrisie des dieux » (11, 8, p.

112).

Le rapport est pour le moins paradoxal : en quoi la sincérité prouverait-Biie l'hypocrisie? Tantôt les antithèses jaillissent d'un échange de répliques: ~GJSTHE.

-Il est des vérités qui peuvent tuer un peuple, Electre.

ÉLECTRE.

-Il est des regards de peuple mort qui pour toujours étincellent (p.

118).

On peut encore citer ce dialogue, lors du dénouement, entre Électre et les Euménides : DEUXIÈME EuMÉNIDE.

-Te voilà satisfaite, Électre! La ville r:neurt ! ELECTRE.

-Me voilà satisfaite.

Depuis une minute, je sais qu'elle renaîtra (Il, 10, p.

131).

Parfois l'antithèse joue amplement sur la provocation.

Le jar­ dinier dit d'Électre: « Il se peut qu'à chercher ainsi sa mère dans sa mère elle soit obligée de lui ouvrir la poitrine » (Entracte, p.

73).

Le goüt de la métaphore 1 Parce qu'elles nouent des liaisons inattendues entre deux réa­ lités différentes, les métaphores participent du même désir d' ori­ ginalité que les antithèses.

Le registre animalier en est souvent la source.

Le mendiant évoque par exemple le sort des hérissons écrasés sur les routes.

Rien n'est plus ordinaire, ni banal.

Mais l'un d'eux apparaît par­ fois « bien plus digne » que ses congénères : « Et celui-là on a l'impression qu'il n'est pas mort en tant que hérisson, mais qu'on l'a frappé à la place d'un autre» (1, 3, p.

33).

Or l'anecdote se situe 1.

Une métaphore est une sorte de comparaison dont on a supprimé le terme grammatical qui introduit la comparaison.

Au lieu de dire« La vie est comme un voyage » ou « La vie ressemble à un voyage » (compa­ raison), on dira « La vie est un voyage» ou« La vie, ce voyage ...

(méta­ phore).. »

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