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La Sieste de De HEREDIA (commentaire)

Publié le 17/02/2012

Extrait du document

La Sieste

José Maria de Hérédia (1842-1905)

***

Pas un seul bruit d'insecte ou d'abeille en maraude,  Tout dort sous les grands bois accablés de soleil  Où le feuillage épais tamise un jour pareil  Au velours sombre et doux des mousses d'émeraude. Criblant le dôme obscur, Midi splendide y rôde Et, sur mes cils mi-clos alanguis de sommeil,  De mille éclairs furtifs forme un réseau vermeil  Qui s'allonge et se croise à travers l'ombre chaude. Vers la gaze de feu que trament les rayons,  Vole le frêle essaim des riches papillons Qu'enivrent la lumière et le parfum des sèves ; Alors mes doigts tremblants saisissent chaque fil,  Et dans les mailles d'or de ce filet subtil, Chasseur harmonieux, j'emprisonne mes rêves.

Étudier l'Art de Heredia d'après ce sonnet (sujet, images, choix des mots, facture du vers, etc.).

Heredia passe, avec son chef de file, Leconte de Lisle, pour un Parnassien intégral. L'influence du maître sur son disciple préféré est discernable en ce sonnet Ce Midi splendide du cinquième vers nous rappelle aussitôt un autre Midi, dont la renommée importunait son auteur. Mais on éprouve quelque étonnement, l'on hésite presque en lisant au bas de ces vers la signature de J.-M. de Heredia. Sont-ils bien sortis de l'atelier où patiemment, savamment, l'artiste cisela tant de médaillons à l'antique, à l'instar de Cellini qui sculptait

Le combat des Titans au pommeau d'une ....

« sensations, les impressions provoquees par ce « monde exterieur » qui, pour les Parnassiens, comme pour Th.

Gautier « existe ».

Observation attentive, fines analyses, expression poetique : voila leur dessein et leur merite.

Neanmoins, le souci d'un objectivisme aussi complet que possible ne par- vient pas a etouffer entierement une sensibilite tres vive, qui fremit dans chaque image, dans chaque mot, encore qu'elle se soumette a la discipline parnassienne. It Write dans l'observation, avons-nous dit.

Prouvons-la en etudiant chaque detail et le confrontant avec la realite, avec notre experience personnelle.

Il nous est bien arrive, au moins une fois en notre vie, de faire ainsi In sieste sous un dome de feuillage, en plain ate et en plein midi.

Rappelons- nous; et controlons jusqu'aux plus menus details.

Constatation premiere et generale : l'heure qui suit le repas, la position couchee, la solitude des bois favorisent egalement la reverie, theme prin- cipal du sonnet.

Autre constatation : la foret - quel que snit son nom - est evoquee dans ce sonnet avec tant de bonheur que l'on s'y croit trans- porte.

Les impressions du premier quatrain sont marquees au coin de la plus juste observation.

L'assoupissement general de la nature, lorsque le soleil d'ete atteint son apogee, est un fait que chacun a constate; it est traduit par des mots significatifs : pas un bruit, tout dort, accables.

Plus subtile est in seconde impression, et quelque peu deconcertante la comparaison qu'elle suggere au poete.

Assimiler le jour tamise par le feuillage epais au velours des mousses parait, de prime abord, une de ces audaces poetiques que l'on admire sans les pouvoir comprendre, et que l'on admet en vertu d'une foi aveugle.

Mais nos Parnassiens sant des positivistes; ils n'exigent point de nous un assentiment deraisonnable.

Tentons l'experience, puis relisons ces deux vers, et nous conclurons : Heredia a bien vu, ses sees ne l'ont pas trompe.

Seulement le jour dont it parle, c'est la lumiere melee a la verdure des feuilles qui lui donne ce lustre veloute rappelant, effectivement, celui des mousses.

La sensation dominante, dans le second quatrain, est celle du resean vermeil, forme de mille éclairs furtifs, qui s'allonge et se croise dans I'herbe.

Ce jeu des rayons solaires a travers les frondaisons et sur le sol est admirablement vu et rendu.

C'est exactement ce que l'on eprouve quand on le considere a travers des « ells mi-clos, alanguis de sommeil ».

Cette notation si juste se repete d'ailleurs dans chaque partie du poeme; elle pre- pare, elle appelle la comparaison derniere.

Le feuillage tamise le jour : premiere touche, qui revient, differemment exprimee : crible, reseau, croise, gaze, trament, fil, mailles, filet.

Les deux tercets se repondent.

Le premier evoque « be frele essaim des riches papillons »; le second compare a ces insectes ailes, creatures de rave, par leur legerete mobile et leur riche beaute.

Celte assimilation ne nous entraine pas hors du reel; ce rapprochement, fourni par la nature, nous semble tout nature', ii nous apparait comme une definition par ]'image, beaucoup plus saisissante que In definition scientifique.

Le rave, c'est bien le papillon palpitant et volage, qui se pose a peine, qui se grise de lumiere et de parfums, sans but, sans profit.

L'abeille symbolise le travail, la col- laboration humaine, la meditation appliquee, feconde.

Papillon egale rave. Notre memoire se saisit de cette equation qui s'impose desormais A elle comme une verite psychologique et morale.

Ce qu'il y a de vrai encore et surtout dans ces vers, c'est le sentiment de la nature.

Heredia n'a pas besoin de se forcer, de se suggestionner pour ecrire une piece de ce genre.

Il fut, tout jeune, l'ami des « grands bois », non seulement ceux de Cuba « paradis eblouissant », mais notre foret de Compiegne, et nos chesnaies bretonnes: Quelques jours avant sa mort, au château de Bourdonne, it se plonge dans cette nature aimee.

Il assiste aux evohttions d'un martin-pecheur.

« Le matin it vient me voir 0 la source, dans le bois, ou je passe des heures a regarder les jeux du soleil sur les troncs, dans les feuilles que remue le vent, et dans Peau immobile...

» Une telle continuite dans ('admiration attentive explique pourquoi ces traits, dont chacun est observe, forment un ensemble si reel. sensations, les impressions provoquées par ce «monde extérieur» qui, pour les Parnassiens, comme pour Th.

Gautier «existe». Observation attentive, fines analyses, expression poétique : voilà leur dessein et leur mérite. .

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Néanmoins, le souci d'un objectivisme aussi complet que possible ne par­ vient pas à étouffer entièrement une sensibilité très vive, qui frémit dans chaque image, dans chaque mot, encore qu'elle se soumette à la discipline parnassienne.

Vérité dans l'observation, avons-nous dit.

Prouvons-la en étudiant chaque détail et le confrontant avec la réalité, avec notre expérience personnelle.

Il nous est bien arrivé, au moins une fois en notre vie, de faire ainsi la sieste sous un dôme de feuillage, en plein été et en plein midi.

Rappelons- nous; et contrôlons jusqu'aux plus menus détails.

Constatation première et générale : l'heure qui suit le repas, la position couchée, la solitude des bois favorisent également la rêverie, thème prin­ cipal du sonnet.

Autre constatation : la forêt — quel que soit son nom — est évoquée dans ce sonnet avec tant de bonheur que l'on s'y croit trans­ porté.

Les impressions du premier quatrain sont marquées au coin de la plus juste observation.

L'assoupissement général de la nature, lorsque le soleil d'été atteint son apogée, est un fait que chacun a constaté; il est traduit par des mots significatifs : pas un bruit, tout dort, accablés. Plus subtile est la seconde impression, et quelque peu déconcertante la comparaison qu'elle suggère au poète* Assimiler le jour tamisé par le feuillage épais au velours des mousses paraît, de prime abord, une de ces audaces poétiques que l'on admire sans les pouvoir comprendre, et que Ton admet en vertu d'une foi aveugle.

Mais nos Parnassiens sont des positivistes; ils n'exigent point de nous un assentiment déraisonnable. Tentons l'expérience, puis relisons ces deux vers, et nous conclurons : Heredia a bien vu, ses sens ne l'ont pas trompé. Seulement le jour dont il parle, c'est la lumière mêlée à la verdure des feuilles qui lui donne ce lustre velouté, rappelant, effectivement, celui des mousses.

La sensation dominante, dans le second quatrain, est celle du réseau vermeil, formé de mille éclairs furtifs, qui s'allonge et se croise dans l'herbe.

Ce jeu des rayons solaires à travers les frondaisons et sur le sol est admirablement vu et rendu.

C'est exactement ce que l'on éprouve quand on le considère à travers des « cils mi-clos, alanguis de sommeil ».

Cette notation si juste se répète d'ailleurs dans chaque partie du poème; elle pré­ pare, elle appelle la comparaison dernière.

Le feuillage tamise le jour : première touche, qui revient, différemment exprimée : crible, réseau, croise, gaze, trament, fil, mailles, filet.

Les deux tercets se répondent. Le premier évoque « le frêle essaim des riches papillons » ; le second compare à ces insectes ailés, créatures de rêve, par leur légèreté mobile et leur riche beauté. Cette assimilation ne nous entraîne pas hors du réel; ce rapprochement, fourni par la nature, nous semble tout naturel, il nous apparaît comme une définition par l'image, beaucoup plus saisissante que la définition scientifique.

Le rêve, c'est bien le papillon palpitant et volage, qui se pose à peine, qui se grise de lumière et de parfums, sans but, sans profit.

L'abeille symbolise le travail, la col­ laboration humaine, la méditation appliquée, féconde. Papillon égale rêve.

Notre mémoire se saisit de cette équation qui s'impose désormais à elle comme une vérité psychologique et morale.

Ce qu'il y a de vrai encore et surtout dans ces vers, c'est le sentiment de la nature.

Heredia n'a pas besoin de se forcer, de se suggestionner pour écrire une pièce de ce genre.

Il fut, tout jeune, l'ami des «grands bois», non seulement ceux de Cuba « paradis éblouissant », mais notre forêt de Compiègne, et nos chesnaies bretonnes.' Quelques jours avant sa mort, au château de Bourdonné, il se plonge dans cette nature aimée. Il assiste aux évolutions d'un martin-pêcheur.

« Le matin il vient me voir à la source, dans le bois, où je passe des heures à regarder les jeux du soleil sur les troncs, dans les feuilles que remue le vent, et dans l'eau immobile...

»' Une telle continuité dans l'admiration attentive explique pourquoi ces traits, dont chacun est observé, forment un ensemble si réel.. »

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