La théâtralité dans Les Châtiments
Publié le 16/03/2015
Extrait du document
«
DISSERTATIONS LITTÉRAIRES
point de vue qui dans les deux cas les condamne:« Non, leur règne, où l'atroce au
burlesque se joint,/Est une mascarade, et, ne l'oublions point,/Nous en avons
pleuré, mais souvent nous en rîmes » (Livre VII, 10).
Le public et la coulisse
« La scène, dit Anne Ubersfeld (voir son article remarquable dont on s'inspire
ici largement pour ce sujet : « Théâtre et Châtiments », Colloque Châtiments, So
ciété des études romantiques, 1976) ne peut se comprendre que par rapport à ces
deux réalités auxquelles elle s'oppose, le public et l'extra-scène.
Dans
Les Châti
ments,
le spectateur (le peuple-spectateur) est comme invisible, il est un silence,
une attente
» : c'est le peuple endormi qu'il faut réveiller(« Au peuple »,
Livre II, 2) tandis que les coulisses sont moins le derrière que l'en-dessous ou
l'ailleurs figuré par la cave (les caves de Lille dans« Joyeuse vie»), l'égout (de
Rome), le fond du
gouffre« Misère», l'exil-au-delà.
Toujours règne le contraste
entre la scène de I'ici, dominée par le roi-bouffon, l'empereur-nain, et les autres
espaces attribués aux misérables et aux proscrits.
Deus ex machina
S'il est vrai que le théâtre entretient toujours un rapport entre I' ici et l'ailleurs,
chez Hugo cela se traduit par une fable clé qui est celle, selon Anne
Ubersfeld, du
festin
troublé par le commandeur (voir Le roi s'amuse, Lucrèce Borgia,
Angelo ...
);
ce qui se traduit dans l'histoire des Châtiments par la « mauvaise fête», l'orgie impériale qui sera interrompue par l'arrivée de la mort, châtiment
divin, et que formule clairement la strophe de
« Lux » dans laquelle le poète a vu
Dieu: «Amener l'heure où tout arrive ;/Faire au banquet du roi fêté/Entrer la mort,
ce noir convive/Qui vient sans qu'on l'ait invité».
Ill -f ARCE ET POLITIQUE
Ves_prit de la farce
La thématique des coups donnés et reçus, récurrente dans Les Châtiments, ren
voie à l'esprit de la farce; les motifs du fouet (Livre II, 7; Livre l, 11), de la trique
et du bâton (Livre IV, 4) sont des symboles de la vengeance.
Le peuple peut
d'ailleurs s'associer au poète pour
traiter les anciens maîtres comme des« va
lets
» : « Peuple, alors nous prendrons au collet tous ces drôles,/Et tu les jetteras
dehors par les épaules/À grands coups de bâton» (Livre V, 7).
Théâtre et histoire
L'histoire des maîtres est ainsi, par renversement ironique, l'histoire des histrions
qui ne méritent rien d'autre que de
retourner au néant, et c'est le rôle de la parole
prophétique de le leur signifier.
D'un côté ces maîtres-pantins ne peuvent avoir la
tête coupée, ce serait une injure faite à
léchafaud (VII, 10).
De !'autre côté, le vrai
se trouve dans cette mise en scène
d'un chant qui est à la fois parole de dénoncia
tion(« Nox »)et parole d'annonciation(« Lux»).
Conclusion.
La théâtralisation poétique des Châtiments correspond chez
Hugo à une nécessité de la parole poétique pour dire la dualité de l'His
toire ; mais en même temps cette théâtralisation permet de requalifier la pa
role poétique pour transformer cette Histoire, après avoir pu la mettre à nu.
LES CHATIMENTS DE VICTOR HUGO~.
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