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LA TRAGÉDIE DE JODELLE A CORNEILLE

Publié le 31/05/2012

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jodelle

Tous ces poètes, qui se sont frottés à la robe de Ronsard, ne sont que d'enthousiastes écoliers, qui, les yeux fixés sur les grands modèles, essaient d'en copier de leur mieux le tour et la forme extérieure. Ils partagent l'erreur capitale du maitre : ils croient toucher la perfection des oeuvres anciennes, en calquant les procédés d'exécution, en dérobant les matériaux. Ils ne savent que regarder les Grecs, Sénèque, les Italiens et les modernes latins qui reflètent Sénèque : depuis qu'un déplorable contresens de l'humanisme italien a donné à Sénèque les honneurs de la représentation, ce tragique de salon a tyrannisé la scène; les Grecs, moins prochains, moins accessibles, n'ont été vus qu'à travers son oeuvre.

De fait; leur pratique correspond à leur talent : ils traitent chaque sujet comme une succession de thèmes poétiques. Chaque situation, chaque état moral n'est pour eux qu'un motif, selon la nature duquel ils modifient leur rhétorique, écrivant ici un-discours, là une ode, ailleurs une élégie, ou une méditation, ou une suite de sentences. Je n'exagérerai guère en disant que leurs iragédies ont à peu près le même rapport à l'action dramatique que les livrets de Benserade à la pantomime...

jodelle

« 408 LA PREMIÈRE GÉNÉRATION DES GRANDS CLASSIQUES.

1.

LA TRAGÉDIE AU XVIe SIÈCLE.

Là comme ailleurs, la Renaissance française est une répétition de la Renaissance italienne 1 • Pendant le xve siècle, l'Italie avait eu des drames latins, fort inspirés de Sénèque, et depuis 1515 elle avait une tragédie nationale en langue vulgaire ; en 1515, Trissino donna sa Sofonisba.

Vinrent ensuite les Dolce, les Cinthio, les Ruccellai, les Alamanni 2 , qui s'essayèrent à calquer de leur mieux les formes de l'art antique.

Ils reprirent ou constituèrent un certain nombre de sujets tragiques, et il est notable que ces sujets sont précisément ceux que notre tragédie à ses débuts traita le plus volontiers : Sophonisbe, Cléopâtre, Didon, llfédée, Antigone, etc.

Les choses se passent en France à peu près comme en Italie : les humanistes tournent en élégant latin les œuvres les plus fameuses du théâtre grec; ils s'exercent à les imiter dans des compositions originales.

Les collèges leur fournissent un public, des acteurs : et voilà comment Michel de Montaigne note parmi les faits mémorables de sa jeunesse d'avoir, à l'âge de douze ans, vers 1545, '' soutenu les premiers personnages ès tragédies latines de Buchanan, de Guérente, et de Muret, " qui se représentaient '' avec dignité " au collège de Guyenne, sous l'habile direction du principal André Gouvéa.

De ces pièces, le Jephté de Buchanan et le Jules César de Muret ont joui au xvie siècle d'une prodigieuse renommée, que la première justifie parfois en partie.

En même temps, les traducteurs, parmi tant d'œuvres anciennes qu'ils transportaient dans notre langue vulgaire, ne négligeaient pas les poèmes dramatiques : Lazare de Baïf3, en 1537, traduisit l'Électre de Sophocle et plus tard l'Hécube d'Euripide.

D'autres s'attaquèrent à Iphigénie à Aulis, à Hélène.

Après le manifeste de Du Bellay, presque avec les Odes de Ronsard, apparut la Cléopâtre de Jodelle 4 , qui fut jouée par l'auteur et ses amis à l'Hôtel de Reims, devant Henri Il.

Une Didon suivit bientôt Cléopâtre; Jodelle lui-même fait école, et de 1552 aux premières années 1.

A consulter : Faguet, la Tragédie française au XVI' siècle, in-8, Paris, 1883.

Po~r tout le XVI 8 et le xvue s., les frères Parfaict, Histoire du Théâtre français, 15 vol.

in-12, 1735 et suiv.

-J'acceptais, quand ce chapitre a été composé, les idées communément reçues sur la formation de la tragédie française.

Depuis, mes études m'ont amené à une conception assez différenLe du sujet, esquissée dans le chap.

n de mon livre sur CoPneille (Hachette, 1898), et dans trois articles de la Revue d'Bistmre littémire 1903-1904.

2.

L'Antigone d'Alamannl fut jouée devant la cour de François l".

3.

çr.

L.

Pinvert, Lazare de Baïf, 1900.

4.

Etienne Jodelle (1532-1573), né à Paris, fit jouer sa Cléopâtre captive en 1552.

Il mourut à quarante ans, usé et misérable.

-Édition : Marty-Laveaux, 2 vol.

in-8, Paris, Lemerrc, 1808-70.

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