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La vision épique DANS Les ''Châtiments'' de Victor Hugo

Publié le 14/03/2015

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hugo

Il neigeait. On était vaincu par sa conquête.

Pour la première fois l'aigle baissait la tête.

Sombres jours ! l'empereur revenait lentement,

Laissant derrière lui brûler Moscou fumant. LI

Il neigeait. Les blessés se cachaient dans le ventre

Des chevaux morts; au seuil des bivouacs désolés

On voyait des clairons à leur poste gelés,

Restés debout, en selle et muets, blancs de givre,

Collant leur bouche en pierre aux trompettes de cuivre.

 

(V, 13, pp. 219-220.)

Poème qui aurait pu figurer dans La Légende des siècles, L'expiation (V, 13) se déploie comme une épopée en miniature du calvaire que fut l'écroulement du premier Empire. Si admira­tif qu'il soit à l'égard des guerres remportées par Napoléon ler, Hugo ne lui pardonne pas le coup d'État par lequel il s'empara du pouvoir le 18 brumaire an VIII, c'est-à-dire le 9 novembre 1799; Louis Bonaparte agira de la même manière, le 2 décembre 1851. Dans Napoléon-le-Petit, il écrit : « le 18 brumaire est un crime dont le 2 décembre a élargi la tache sur la mémoire de Napoléon « (I, 6). C'est ce thème que développe L'expiation: Napoléon expia le coup d'État du 18 brumaire, en vivant la retraite de Russie, la défaite de Waterloo, l'exil et la mort à Saint-Hélène, mais surtout, post mortem, en assistant depuis son tombeau à la prise du pou­voir par son neveu Louis Bonaparte. Le lyrisme hugolien atteint des sommets pour dépeindre la terrible retraite de Russie en 1812:

Oh ! que vous étiez grands, au milieu des mêlées, Soldats ! L'oeil plein d'éclats, faces échevelées Dans le noir tourbillon,

Ils rayonnaient, debout, ardents, dressant la tête; Et comme les lions aspirent la tempête

Quand souffle l'aquilon... (Il, 7, p. 116.)

L'épopée vise à donner une impression de force surhumaine. Même dans une situation désespérée, comme celle de Napoléon contemplant son armée agonisant dans l'hiver russe, le héros défie son destin, d'une manière qui rappelle les spectacles gran­dioses de la nature et suscite une admiration fascinée

hugo

« Les romantiques orit exprimé de manière exacerbée la ten­ sion entre le désir d'épopée, réactivé par la Révolution et par le premier Empire, et le besoin de libérer à l'état pur leurs senti­ ments individuels.

La Restauration, la monarchie de Juillet et le second Empire leur paraissent des époques médiocres, com­ parées au flamboiement révolutionnaire ou impérial.

C'est l'une des raisons qui les poussent à se réfugier en eux-mêmes, en vivant dans la nostalgie des âges héroïques.

Cette contradiction entre lyrisme individuel et désir d'épopée collective est l'un des moteurs de la création hugolienne.

Profondément romantique à la manière de Lamartine ou de Musset lorsqu'il s'efforce de restituer les émois et les douleurs d'un cœur qui aime, il aspire aussi à magnifier les grandes émotions collec­ tives, à mettre en relation le lyrisme du sujet etl' épopée du monde.

Hugo et l'épopée L'épopée, pour Hugo, c'est« de l'histoire écoutée aux portes de la légende».

Son i'l'lagination poétique ne se cantonne pas aux seules contrées cle l'âme, telles qu'il les explore dans Les Contemplations; elle a aussi besoin de s'abreuver à la source des mythes et de !'Histoire universelle.

La Légende des siècles, dans le domaine poétique, et Les Misérables, dans celui du roman, assouvissent son besoin d'épopée.

Dans ces ouvrages, Victor Hugo veut raconter, en dépit de la barbarie toujours renaissance, les progrès inévitables de la justice et de la liberté.

Chez lui l'ins­ piration épique, comme il l'explique dans la préface de La Légende des siècles, consiste à montrer« l'homme montant des ténèbres à l'idéal, la transfiguration paradisiaque de l'enfer terrestre, I' éclo­ sion lente et suprême de la liberté »;elle exprime un « immense mouvement vers la lumière».

La Légende des siècles avait d'ailleurs pour premier titre Les Petites Épopées.

Les Châtiments, écrits alors que s'élabore progressivement La Légende des siècles, apparaissent comme sa justification par la négative.

Ils metten1 en scène une angoisse de l'écroulement et de la brisure que La Légende des siècles tentera de compenser par un héroïsme positif et ouvert sur l'avenir.

C'est pourquoi ils doivent être lus comme une épopée à l'envers, ou plutôt comme le canevas d'une épopée future, mais provisoirement impossible et déniée.

En attendant l'indignation satirique traduira en creux le désir d'un héroïsme authentique: 40. »

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