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L'ART DE LA NOUVELLE CHEZ MAUPASSANT

Publié le 17/01/2022

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Conte ou nouvelle ? Il est très difficile, et sans doute vain, de vouloir, dans ces récits courts, distinguer entre conte et nouvelle. Mérimée d'ailleurs emploie indifféremment l'un ou l'autre terme, même pour qualifier des récits qui font intervenir des éléments de merveilleux. Conte = récit court, frappant, de lecture claire, de structure linéaire ; il doit être dense, tendu vers l'essentiel d'un événement, construit autour d'un seul personnage. En fait, c'est le journal dans lequel il paraît qui impose au conte sa dimension — 2 500 à 3 000 mots — mais aussi son ton : Le Gaulois est plutôt sérieux ; à Gil Blas, un peu grivois, Maupassant réserve ses contes plus légers. La publication dans un journal impose aussi que la nouvelle traite de questions d'actualité, comme la guerre, les faits divers dramatiques, le sort des enfants naturels...

« vis une chose inoubliable », dit le narrateur de Menuet. le narrateur n'est pas omniscient et ne peut donner qu'un point de vue partiel : « Les Tuvache le regardaient partir,regrettant peut-être leur refus » (Aux champs, p.

105). La fin.

Elle oriente tout le récit.

La dernière phrase est capitale : c'est finalement au lecteur qu'il incombe de juger, de prolonger le texte, quand le conteur s'est tu. Clôture fermée : le narrateur donne une explication après coup, créant ainsi un effet de surprise puissant (La Peur); il peut également proposer une morale, orientant ainsi la réaction du lecteur par rapport au récit (La Folle); il peut encore donner l'illustration d'un trait particulier, comme la rusticité des paysans normands : « Et voilà comment on s'amuse, les jours de noce, en pays normand » (Farce normande, p. 64). Clôture ouverte : au lecteur de conclure. que croire, quelle morale peut-on tirer des faits? Ainsi, dans Aux champs, qui est la bonne mère, quelle est la bonne éducation, qui est le bon fils ? De même dans Saint -Antoine, L'Aventure de Walter Schnaffi, etc. la dernière phrase contient une charge émotive forte, par un détail fixé, une attitude, ou bien un mot d'unpersonnage : cf par exemple Un coq chanta, En mer, Aux champs où l'on voit Charlot, fils indigne ou fils « sacrifié » disparaître dans la nuit.

Dans Ce cochon de Morin, qu'a donc dit la jeune femme à son mari à propos de son aventure avec Labarbe ? En fait la clôture n'achève pas le récit, mais renvoie au double niveau de l'oeuvre : un fait divers, mais aussi une leçon de morale, cruelle le plus souvent. 3.

Les images ou la fête des sens. La nouvelle est souvent caractérisée par une atmosphère particulière ; il s'agit de « voir juste», selon la leçon de Flaubert.

Un détail du paysage ou du décor suffit pour faire entrer le lecteur dans le microcosme de chaque nouvelle: la « petite maison à volets verts, au bord de la route » de Madame Lefèvre par exemple, dans Pierrot.

De même, des gros plans sur certains objets leur donnent tout à coup une importance saisissante : ainsi le bras coupé du marin, avec « les brins de sel restés sous les ongles » (En mer). Les images préparent l'intrigue : ainsi la métaphore puissante du faux-ébenier jetant ses graines au vent dans Un fils prépare le récit de l'académicien sur le fils naturel.

De même, le « jardin joli comme un doux sourire de vieille »prépare l'entrée en scène de la Castris (Menuet, p.

46). Les notations sont d'abord visuelles, soulignant la couleur et la lumière, à la manière impressionniste : cf.

la très belle description de la mer au début de La Peur : « ciel ensemencé d'étoiles, fumée noire, eau toute blanche qui moussait, lumière de lune».

À cette eau mêlée de lumière répondent la chaleur du désert, « tempête silencieuse de vagues immobilesen poussière jaune », le feu du ciel — « sur cette mer furieuse le dévorant soleil verse sa flamme implacable » (p.53) — et le fantastique.

De même, dans Saint -Antoine, l'opposition entre le blanc de la neige et « les bâtiments de la ferme qui faisaient de grandes taches noires».

C'est alors qu'il aperçoit « dans l'ombre indécise » de la cour « uneforme, une forme d'homme » (p.

133 sq). La personnification de la nature contribue, par l'évocation de douleurs humaines, à l'instauration d'un climatfantastique.

Cf le début de la deuxième partie de La Peur.Les notations sensorielles ancrent l'intrigue dans un contexte réel, l'empêchant de se réduire à un simple filnarratif: Maupassant décrit avec bonheur, non seulement les couleurs, mais aussi les odeurs, la chaleur, les sons,qu'il mélange constamment.

Ainsi toutes sortes de détails revêtent une grande puissance de suggestion ; cf.

ledébut des Sabots : «bonnets blancs et grands paniers des paysannes, chaleur lourde, odeur de bétail, chant descoqs, meuglement des vaches, souffle chargé d'arômes » évoquent puissamment la matinée de campagnenormande, comme « l'odeur épaisse de mangeaille » de la noce normande (p.

60).

Toutes ces images traduisent lajoie de vivre, de jouir de la beauté du monde, mais parfois se glissent des signes plus inquiétants qui contribuent àl'instauration d'un climat fantastique : le monde heureux est en train de se fissurer.. »

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