L’ART DU DIALOGUE chez Marivaux
Publié le 22/10/2017
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Dans cette scène de séduction mutuelle, la Comtesse, maîtresse de Lélio, se montre fort sensible aux arguments d'un Chevalier qui pourtant la dupe. Car la scène gagne en saveur pour celui qui sait que ce Chevalier n'est qu’une fausse suivante, une rivale de la Comtesse... Dès lors, la scène n’est que comédie de l'amour et n'engage aucun sentiment réel, du moins pour ce qui concerne le Chevalier.
Le passage paraît exemplaire de la virtuosité du dialogue marivaudien, où les répliques s’enchaînent sur les mots sans que pour autant cet exercice soit vain, puisqu’il permet à chacun d'analyser l’engagement dans lequel ils nous induisent.
Dans cette scène, le Chevalier vient de demander son cœur à la Comtesse.
LA COMTESSE — Fiez-vous à moi; je suis généreuse, je vous ferai peut-être grâce.
LE CHEV ALIER — Rayez le peut-être; ce que vous dites en sera plus doux.
LA COMTESSE — Laissons-le; il n’est peut-être là que par bienséance.
LE CHEVALIER — Le voilà un peu mieux placé par exemple.
LA COMTESSE — C’est que j’ai voulu vous raccommoder avec lui.
LE CHEVALIER — Venons au fait; m’aimerez-vous ?
LA COMTESSE — Mais, au bout du compte, m'aimez-vous, vous-même ?
LE CHEVALIER — Oui, Madame; j’ai fait ce grand effort-
là.
LA COMTESSE — Il y a si peu de temps que vous me connaissez, que je ne laisse pas d’en être surprise.
LE CHEVALIER — Vous, surprise! Il fait jour, le soleil

«
LA RÉPLIQUE
AU FIL DU MOT
nous luit, cela ne vous surprend-il pas aussi? ( ..
.
) Le Che
valier lui prend la main.
LA COMTESSE- Revenons; vous m'aimez, voilà qui va
fort bien, mais comment ferons-nous? Lélio est jaloux de
vous.
LE CHEV AUER -Moi, je le suis de lui ; nous voilà
quittes.
LA COMTESSE -Il a peur que vous ne m'aimiez.
LE CHEV ALlER -C'est un nigaud d'en avoir peur; il
devrait en être sûr.
LA COMTESSE -Il craint que je ne vous aime.
LE CHEV AUER -Et pourquoi ne rn' aimeriez-vous pas?
Je le trouve plaisant! Il fallait lui dire que vous rn' aimiez,
pour le guérir de sa crainte.
LA COMTESSE -Mais, Chevalier, il faut le penser pour
le dire.
LE CHEVALIER- Comment! ne m'avez-vous pas dit tout
à l'heure que vous me ferez grâce?
LA COMTESSE -Je vous ai dit: peut-être.
LE CHEVALIER -Ne savais-je pas bien que le maudit
peut-être me jouerait un mauvais tour? Eh! que faites-vous
donc de mieux, si vous ne m'aimez pas?
La Fausse Suivante, acte II, scène 8.
UN AMOUR DE CONVENTION
Cet extrait de scène présente sur un
ton badin ce que par ailleurs Marivaux
a appelé «l'amour à la mode».
La déclaration amoureuse repose sur
un éloge des plus communs qui ne
laisse pourtant poin t indifférent la
coquetterie féminine.
Ainsi, si la Com
tesse se montre surprise de la soudai- neté
du sentiment amoureux du
Chevalier, ne serait-ce point pour
s'entendre dire : « Surprise! Il fait jour,
le soleil nous luit , ? Le charme de la
femme opère si vite qu'il paraît évident
que l'amour ici évoqué est plutôt de
l'ordre du désir que de celui de la « ten
dresse », et le Chevalier saura se faire
comprendre en s'emparant de la main
de la jeune femme, que cette dernière.
»
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