L'ART ET L'INFLUENCE DE MAROT
Publié le 28/06/2011
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Marot assure honorablement la transition entre la poésie du Moyen Age finissant et celle, plus haute, plus savante et plus belle, que conçurent un Scève, un Ronsard, un du Bellay. Esprit léger, fortement marqué par la Rhétorique, doté d'une culture superficielle encore, il ne pouvait s'élever à la grande poésie. Il lui manquait à la fois l'instrument et les moyens, — une longue pratique et le goût des grandes inspirations. Alors même qu'il améliora sa connaissance du latin, il n'imita que les poètes mineurs, et surtout il les traduisit au lieu de s'inspirer d'eux et de voler de ses

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Ronsard et du Bellay, du reste, sans l'imiter expressément, ne se priveront pas de lui demander des leçons, l'un dansson Bocage, l'autre dans ses Jeux rustiques ; Ronsard écrira, sans l'avouer, des épîtres où, comme Marot, mais surun autre ton, avec plus de noblesse, avec un sentiment de la nature ignoré de Maître Clément, avec un mélangesubtil de gaieté légère et de sérieux qui rappelle la manière de son prédécesseur, il nous fera, à son tour, sesconfidences intimes.On continue à lire Marot pendant toute la fin du XVIe siècle : on compte plus de 60 éditions de ses œuvres de 1544à 1560, preuve évidente que le public lui gardait encore sa faveur.Au XVIIe et au xviiie siècle, le public cultivé tout entier lit Marot : C'est en 1731 que paraît la grande édition Lengletdu Fresnoy, la plus complète avant l'édition Guiffrey.
Les précieux et les grotesques lui doivent beaucoup, même s'ilrestreignent un peu trop, avec Mlle de Scudéry, leur admiration à son badinage.
Voiture et Benserade reviennent àla ballade, au rondeau ; tous les poètes composent des épigrammes, et ce sont souvent des huitains et des dizainsà la manière marotique.
Plus d'une épître de Voiture ou de Scarron est directement imitée de sa facilité spirituelle.C'est alors, vers 1640-1650, que se forge ce style conventionnel qu'on nomme le style marotique, caractérisé parl'emploi d'archaïsmes assez clairs, par la suppression du pronom personnel sujet, par l'usage constant de l'inversion,contre quoi proteste en vain Guez de Balzac.
Mais La Fontaine savait par cœur nombre de ses vers, et sut les imiterhabilement dans ses Epîtres ou ses Fables, — et, après lui, Chaulieu, La Fare, Voltaire et Piron ne l'ont pas oublié.Mais La Bruyère et Bayle, après Boileau, rendent un juste hommage à l'élégance de son badinage.
On a lu Marot àl'Hôtel de Rambouillet, puis à Sceaux chez la duchesse du Maine.
Sa faveur ne diminue pas : on trouve ses œuvresdans nombre de bibliothèques du xviiie siècle, et c'est de lui que s'inspirent tous les auteurs d'épigrammes célèbres,depuis Racine jusqu'à Jean-Baptiste Rousseau et Lebrun.C'est avec la Révolution seulement, et surtout avec le Romantisme, que la gloire de Marot subit une éclipse, et quele style marotique cesse d'être imité.
Sainte-Beuve, tout en lui rendant hommage, ne le situe pas aussi haut que lesélèves de Daurat.
Depuis lors Marot n'est plus mis au premier rang des poètes.D'excellents érudits, — Henri Guy, Pierre Villey, Abel Lefranc, Jean Plattard, Joseph Vianey, — ont, depuis cinquanteans, éclairé plus d'un aspect de sa vie et de son œuvre.
Mais tous, en rendant hommage à son talent,le maintiennent un peu en arrière des grands lyriques dont il n'a ni la riche sensibilité, ni la pensée profonde, ni le volsouverain, ni la richesse musicale.
On l'aime pour son esprit, pour sa finesse, pour son perpétuel sourire, pour ce qu'ily a dans son œuvre de naturel et de clarté.
Il demeure, chronologiquement, le premier de nos poètes modernes.Avec lui, comme avec Rabelais et Calvin, s'ouvre la littérature vivante.
S'il n'a pas la grandeur et la diversitépuissante de Ronsard, ni la sensibilité ou la précision pittoresque de du Bellay, il reste comme un poète sincère,parfois émouvant, presque toujours spirituel, et qui mérite d'être connu mieux que par quelques morceauxd'anthologie..
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