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Le Bourgeois Gentilhomme, dossier pedagogique

Publié le 06/12/2015

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Cahier pédagogique Le Bourgeois gentilhomme Molière/ Denis Podalydès Théâtre de la place Manège de la caserne Fonck 09/11>16/11/2012 Sommaire A propos du Bourgeois gentilhomme Résumé de la pièce L’intrigue Analyse des personnages Résumé acte par acte 3 4 5 6 7 Titre et quartiers de noblesse culturelle Les pratiques culturelles de Monsieur Jourdain L’esthétique populaire de Monsieur Jourdain Pierre Bourdieu Le caractère de Monsieur Jourdain Après la représentation, comme si vous y étiez… Molière : le génie 9 9 11 12 14 16 17 La vie de Monsieur de Molière 19 20 21 23 27 31 33 35 La jeunesse de Molière Les débuts difficiles Les débuts de la gloire Le temps des scandales L’apogée de sa carrière Les dernières saisons théâtrales La mort de Molière Les Créateurs Note d’intention de Denis Podalydès Note d’intention d’Eric Ruf Biographies Denis Podalydès, metteur en scène Christophe Coin, compositeur Eric Ruf, scénographie Christian Lacroix, costumes 41 43 44 47 47 47 48 49 Infos pratiques 51 Crédits bibliographiques 52 La Presse 53 2 A propos du Bourgeois gentilhomme Dans Le Bourgeois gentilhomme, Molière tire le portrait d’un aventurier de l’esprit n’ayant d’autre désir que d’échapper à sa condition de roturier pour poser le pied sur des territoires dont il est exclu… la découverte d’une terra incognita qui, de par sa naissance, lui est interdite. Pourquoi se moquer de Monsieur Jourdain ? Le bourgeois se pique simplement de découvrir ce qu’aujourd’hui nous nommons « la culture » et il s’attelle au vaste chantier de vivre ses rêves… Et qu’importe si ces rêves sont ceux d’un homme ridicule. En choisissant de redonner à la pièce sa forme originale d’une comédie-ballet mise en musique sur les partitions de Lully, Denis Podalydès convoque tous les arts. Avec cette fête de théâtre costumée par Christian Lacroix, il vise à cette apothéose des sens tant espérée par son héros interprété par Pascal Rénéric. Il s’agit bien évidemment de rire de la comédie. Mais, comment ne pas avoir de la tendresse pour cet homme sans qualité qui tente d’initier à lui tout seul la première révolution culturelle. Elevé après mille péripéties comiques au rang de « Mamamouchi », Monsieur Jourdain vit son heure de gloire en musique et en danse, malade de sa bourgeoisie, gentilhomme imaginaire, à la fois exaucé et battu, dupé et triomphant, en ce moment théâtral si rare où le ridicule fait place à l'émerveillement pur. Pascal Rénéric (Monsieur Jourdain). Mise en scène Denis Podalydès 3 Résumé de la pièce Le Bourgeois gentilhomme est une comédie-ballet en cinq actes en prose de Molière, représentée pour la première fois le 14 octobre 1670, devant la cour de Louis XIV, au château de Chambord par la troupe de Molière. La musique est de Jean-Baptiste Lully, les ballets de Pierre Beauchamp, les décors de Carlo Vigarani et les costumes turcs du chevalier d'Arvieux. Cette pièce incarne le genre de la comédie-ballet à la perfection et reste même l'un des seuls chefs-d'œuvre du genre en regroupant les meilleurs comédiens et musiciens du temps. Elle répondait au goût de l'époque pour ce qui était nommé les turqueries, l'Empire ottoman étant alors un sujet de préoccupation universel dans les esprits, et que l'on cherchait à apprivoiser. L'origine de l'œuvre est liée au scandale provoqué par l'ambassadeur turc Suleyman Aga qui, lors de sa visite à la cour de Louis XIV en 1669, avait affirmé la supériorité de la cour ottomane sur celle du Roi-Soleil. […] À la création, Molière jouait le rôle de Monsieur Jourdain, habillé de couleurs vives, paré de dentelles d'argent et de plumes multicolores, face à Hubert, travesti dans celui de Madame Jourdain ; Mlle de Brie était Dorimène, Armande Béjart jouait Lucile, tandis que le musicien Lully était le muphti au cours de la cérémonie turque du quatrième acte. http://moliere.mes-biographies.com/Le-Bourgeois-gentilhomme.html Définition de la comédie-ballet Genre dramatique, musical et chorégraphique, la comédie-ballet est inventée par Molière en 1661, pour sa pièce Les Fâcheux. Mêlant la musique et la danse dans une action unique (contrairement à l'opéra-ballet, plus composite), la comédie-ballet traite des sujets contemporains et montre des personnages ordinaires de la vie quotidienne. Le mariage en est souvent le thème central. Le trio Molière-Lully-Beauchamp créa une demi-douzaine d'œuvres, mais le genre déclina après la mort de Lully dès 1687. Comédies-ballets crées par le trio Molière-Lully-Beauchamp x x x x x x x x Les Fâcheux (1660) Pastorale comique (1667) Le Sicilien (1667) L'Amour médecin (1665) George Dandin ou le Mari confondu (1668) Monsieur de Pourceaugnac (1669) Les Amants magnifiques (1670) Le Bourgeois gentilhomme (1670) Comédies-ballets crées par le trio Molière-Charpentier-Beauchamp x x La Comtesse d'Escarbagnas (1671) Le Malade imaginaire (1673) Comédie-ballet créée par le couple Voltaire-Rameau x La princesse de Navarre (1745) http://fr.wikipedia.org/wiki/Com%C3%A9die-ballet 4 L’intrigue Étant un bourgeois, Monsieur Jourdain entend acquérir les manières des gens de qualité. Il décide de commander un nouvel habit plus conforme à sa nouvelle condition et se lance dans l'apprentissage des armes, de la danse, de la musique et de la philosophie, autant de choses qui lui paraissent indispensables à sa condition de gentilhomme. Il courtise Dorimène, amenée sous son toit par son amant, un comte autoritaire, qui entend bien profiter de la naïveté de Monsieur Jourdain et de Dorimène. Sa femme et Nicole, sa servante, se moquent de lui, puis s'inquiètent de le voir aussi extravagant, et tentent de le ramener à la réalité du prochain mariage de sa fille Lucile avec Cléonte. Mais ce dernier n'étant pas gentilhomme, Monsieur Jourdain refuse cette union. Cléonte décide alors d'entrer dans le jeu des rêves de noblesse de Monsieur Jourdain, et avec l'aide de son valet Covielle, il se fait passer pour le fils du Grand Turc. Il obtient ainsi le consentement de Monsieur Jourdain, qui se croit parvenu à la plus haute noblesse après avoir été promu « Mamamouchi » lors d'une cérémonie turque burlesque organisée par les complices de Covielle. La distribution La famille Jourdain MONSIEUR JOURDAIN, bourgeois. MADAME JOURDAIN, sa femme. LUCILE, fille de M. Jourdain. NICOLE, servante. Les amant(e)s CLÉONTE, amoureux de Lucile. COVIELLE, valet de Cléonte. DORANTE, comte, amant de Dorimène. DORIMÈNE, marquise. Les « professionnels » de la Culture MAÎTRE DE MUSIQUE. ÉLÈVE DU MAÎTRE DE MUSIQUE. MAÎTRE À DANSER. MAÎTRE D'ARMES. MAÎTRE DE PHILOSOPHIE. MAÎTRE TAILLEUR. GARÇON TAILLEUR. DEUX LAQUAIS. PLUSIEURS MUSICIENS, MUSICIENNES, JOUEURS D'INSTRUMENTS, DANSEURS, CUISINIERS, GARÇONS TAILLEURS, ET AUTRES PERSONNAGES DES INTERMÈDES ET DU BALLET. 5 Analyse des personnages M. Jourdain est un personnage créé et joué par Molière lui-même. C'est le personnage principal du récit, il est l'étudiant en « gentilhommerie ». Il est amoureux de la marquise Dorimène. M. Jourdain est un personnage unique dans l'ensemble de l'œuvre de Molière ; il représente une vie imaginaire. Il aime les flatteries nobiliaires et y croit, aspirant à devenir gentilhomme. Il est vaniteux, naïf et capricieux. Mme Jourdain est, dans l'ensemble des personnages féminins de Molière, une figure singulière. Elle apparaît comme une personne sensée qui tente de faire revenir son mari à la raison, ce qui l’oppose souvent à ce dernier, elle ose lui faire face mais peut utiliser la ruse en dernier recours et jouer les intrigantes si besoin. C'est un personnage déterminé, elle n'est jamais ridiculisée, elle représente le bon sens. Lucile est la fille de M et Mme Jourdain. Elle représente la jeune amoureuse type des comédies, fragile et naïve prête à tout pour celui qu’elle aime malgré son impuissance devant la volonté paternelle. Nicole, la servante, comme la plupart des servantes apparaissant chez Molière, est forte de son rire et de son caractère paysan, elle s’exprime devant son maître avec franchise et bon sens, elle est l’alliée de Mme Jourdain. Cléonte est le cliché de l'honnête homme, amoureux transi, prêt à tout pour que son union avec Lucile soit acceptée, même à se déguiser en imaginaire fils du Grand Turc. Covielle est le valet de la pièce, il est à Cléonte ce que Nicole est à Lucile. Loin d’être un valet balourd et nigaud, il se montre plein de ressources et devient le maître de la comédie de la « turquerie » qui servira les intérêts de son maître et les siens. Si son maître épouse Lucile, il pourra épouser Nicole. Dorante joue le rôle de l’intrigant profiteur et sans scrupule, il abuse de la crédulité de M. Jourdain et de son statut envié de gentilhomme, il deviendra aussi le complice du piège organisé par Covielle et Cléonte. Dorimène est la typique jeune femme noble, riche et veuve qui intéresse au plus haut point le désargenté et profiteur Dorante. M. Jourdain épris de la jolie marquise confie ses intérêts à l’intrigant Dorante qui les détourne à son intérêt. Le Maître de musique est un homme pratiquant l'art dans un esprit vénal. Il s’oppose en cela au Maître à danser, qui profite des largesses de son élève mais voudrait qu'il soit capable d'apprécier la danse à sa juste valeur. Le Maître d'arme enseigne le maniement du fleuret à M. Jourdain. Très sûr de lui et de la supériorité de la science du combat, il provoquera une dispute entre lui, le Maître à danser et le Maître de musique par son mépris pour leurs arts. L'ensemble tournera à la bagarre quand le Maître de philosophie viendra y mettre son grain se sel. Le Maître de philosophie plus rhéteur que véritable philosophe, décrètera la suprématie de ce qu'il nomme la philosophie. Leçons de philosophie qui consistent à apprendre à M. Jourdain les mouvements des lèvres intervenant dans la prononciation des voyelles et de quelques-unes des consonnes. 6 Résumé acte par acte ACTE PREMIER. M. Jourdain, dont le père s'est enrichi en vendant du drap, a décidé de vivre en « homme de qualité ». L'acte s'ouvre sur la conversation des maîtres de musique et de danse qui discutent des mérites de leur art et jugent avec pitié le parvenu qui les paie. Entrée de M. Jourdain qui montre immédiatement son ignorance et sa fatuité. Entrée du ballet qui forme intermède pour passer au second acte (II). ACTE II Ayant donné son avis sur la musique, M. Jourdain commande un concert et un ballet pour un dîner où il a prié des gens de qualité. Il prend une leçon de danse et de maintien. Arrivée du maître d'armes et discussion véhémente entre les trois professeurs. Le maître de philosophie qui survient est invité à arbitrer le conflit; mais il tourne les trois autres contre lui. Bataille et sortie des combattants. Le maître de philosophie rentre. M. Jourdain désire apprendre « tout ce qu'il pourra » Mais il renonce à la logique, à la morale, à la physique et se décide pour l'orthographe. M. Jourdain reçoit son tailleur qui lui apporte un habit. Entrée de ballet par les garçons tailleurs qui habillent M. Jourdain en cadence (I, III, IV, V). ACTE III. M. Jourdain, qui veut montrer à sa femme et à la servante Nicole ses connaissances nouvelles, réussit seulement à se couvrir de ridicule. Mme. Jourdain reproche à son mari de fréquenter les nobles, et de ne pas s'occuper du mariage de sa fille. Elle le blâme de recevoir Dorante; mais, malgré ses avis, M. Jourdain se laisse emprunter à nouveau de l'argent par Dorante qui s'est chargé d'offrir une bague à la marquise Dorimène que M. Jourdain courtise. Il se substitue à M. Jourdain pour offrir à Dorimène un dîner et un régal. Nicole prévient Mme Jourdain qu'il y a « anguille sous roche ». Scènes de dépit amoureux entre Cléonte et Lucile, la fille de M. Jourdain, entre Nicole et Covielle. Discussions et raccommodements. Mme Jourdain invite Cléonte à demander la main de Lucile à M. Jourdain, qui refuse parce que Cléonte n'est pas gentilhomme. Covielle propose à Cléonte un stratagème. Arrivée de Dorante et de Dorimène qui s'inquiète des dépenses faites en son honneur. M. Jourdain revient, révèle une fois de plus son ignorance de la civilité et des belles manières. Les convives vont se mettre à table pendant que les cuisiniers font le troisième intermède de danse (III, IV, X, XII, XVI). ACTE IV. Le festin tire à sa fin. M. Jourdain adresse à Dorimène de maladroits compliments quand Mme Jourdain survient, indignée, qui dit leur fait à M. Jourdain, à Dorante et à Dorimène qui veut sortir. Le ménage Jourdain continue à se disputer quand apparaît Covielle (déguisé en Turc). Il annonce à M. Jourdain que le fils du Grand Turc (Cléonte également déguisé en Turc) a vu Lucile, s'est épris d'elle et veut l'épouser. Covielle, en flattant les prétentions nobiliaires de M. Jourdain, qui, élevé par son futur gendre à la dignité de « mamamouchi », obtient une réponse favorable aux espérances de Cléonte. Dorante, qui a accepté de 7 favoriser l'intrigue, est présent. Cérémonie burlesque d'anoblissement du bourgeois (I, II, III, IV et cérémonie turque). ACTE V. Mme Jourdain retrouve son mari affublé des insignes de sa nouvelle dignité, et le croit fou. Arrivée de Dorante avec Dorimène qui lui offre de l'épouser. Cléonte et Covielle, en costume turc, qui viennent pour le contrat, sont présentés à Dorimène et Dorante. M. Jourdain veut imposer le fils du Grand Turc comme époux à Lucile qui accepte, en reconnaissant Cléonte sous son déguisement. Même jeu de scène avec Mme Jourdain qui consent au mariage. En attendant le contrat, nouvel intermède de chants et de danses : Ballet des nations avec six entrées (I, III, V, VI). http://9alami.com/wp-content/uploads/2012/01/Le-Bourgeois-Gentilhomme.pdf Monsieur Jourdain ? Croquis Christian Lacroix 8 Titres et quartiers de noblesse culturelle Pierre Bourdieu – La distinction Il est peu de cas où la sociologie ressemble autant à une psychanalyse sociale que lorsqu’elle s’affronte à un objet comme le goût, un des enjeux les plus vitaux des luttes dont le champ de la classe dominante et le champ de production culturelle sont le lieu. Pas seulement parce que le jugement de goût est la manifestation suprême du discernement qui, réconciliant l’entendement et la sensibilité, le pédant qui comprend sans ressentir et le mondain qui jouit sans comprendre, définit l’homme accompli. […] la bienséance universitaire qui, de Riegl et Wölfflin à Elie faure et Henri Focillon et des commentateurs les plus scolaires des classiques aux sémiologues d’avant-garde, impose une lecture formaliste de l’œuvre d’art aussi bien que la bienséance mondaine qui, faisant du goût un des indices les plus sûrs de la vraie noblesse, ne peut concevoir qu’on le rapporte à autre chose qu’à lui-même. En visant à déterminer comment la disposition cultivée et la compétence culturelle appréhendées au travers de la nature des biens consommés et de la manière de les consommer varient selon les catégories d’agents et selon les terrains auxquels elles s’appliquent, depuis les domaines les plus légitimes comme la peinture ou la musique jusqu’aux plus libres comme le vêtement, le mobilier ou la cuisine et, à l’intérieur des domaines légitimes, selon les « marchés », « scolaire » ou « extra-scolaire », sur lesquels elles sont offertes, on établit deux faits fondamentaux : d’une part la relation très étroite qui unit les pratiques culturelles (ou les opinions afférentes) au capital scolaire (mesurés aux diplômes obtenus) et, secondairement, à l’origine sociale (saisie au travers de la profession du père) et d’autre part le fait que, à capital scolaire équivalent, le poids de l’origine sociale dans le système explicatif des pratiques ou des préférences s’accroît quand on s’éloigne des domaines les plus légitimes. Plus les compétences mesurées sont reconnues par le système scolaire, plus les techniques employées pour les mesurer sont « scolaires », et plus la relation est forte entre la performance et le titre scolaire qui, en tant qu’indicateur plus ou moins adéquat du nombre d’années d’inculcation scolaire, garantit le capital culturel plus ou moins complètement, selon qu’il est hérité de la famille ou acquis à l’école et qui, en conséquence, est un indicateur inégalement adéquat de ce capital. Les pratiques culturelles de Monsieur Jourdain Le Bourgeois gentilhomme Acte I scène 1 MAÎTRE DE MUSIQUE.— Il est vrai. Nous avons trouvé ici un homme comme il nous le faut à tous deux. Ce nous est une douce rente que ce Monsieur Jourdain, avec les visions de noblesse et de galanterie qu'il est allé se mettre en tête. Et votre danse, et ma musique, auraient à souhaiter que tout le monde lui ressemblât. MAÎTRE À DANSER.— Non pas entièrement; et je voudrais pour lui, qu'il se connût mieux qu'il ne fait aux choses que nous lui donnons. 9 MAÎTRE DE MUSIQUE.— Il est vrai qu'il les connaît mal, mais il les paye bien; et c'est de quoi maintenant nos arts ont plus besoin, que de toute autre chose. MAÎTRE À DANSER.— Pour moi, je vous l'avoue, je me repais un peu de gloire. Les applaudissements me touchent; et je tiens que dans tous les beaux arts, c'est un supplice assez fâcheux, que de se produire à des sots; que d'essuyer sur des compositions, la barbarie d'un stupide. Il y a plaisir, ne m'en parlez point, à travailler pour des personnes qui soient capables de sentir les délicatesses d'un art; qui sachent faire un doux accueil aux beautés d'un ouvrage; et par de chatouillantes approbations, vous régaler de votre travail. Oui, la récompense la plus agréable qu'on puisse recevoir des choses que l'on fait, c'est de les voir connues; de les voir caressées d'un applaudissement qui vous honore. Il n'y a rien, à mon avis, qui nous paye mieux que cela de toutes nos fatigues; et ce sont des douceurs exquises, que des louanges éclairées. L’esthétique populaire […] L’hostilité des classes populaire et des fractions les moins riches en capital culturel des classes moyennes à l’égard de toute espèce de recherche formelle s’affirme aussi bien en matière de théâtre qu’en matière de peinture ou, plus nettement encore parce que la légitimité en est moindre, en matière de photographie ou de cinéma. Au théâtre comme au cinéma, le public populaire se plaît aux intrigues logiquement et chronologiquement orientées vers un happy end et se « retrouve » mieux dans les situations et les personnages simplement dessinés que dans les figures et les actions ambiguës et symboliques ou les problèmes énigmatiques du théâtre selon 1Le théâtre et son double, sans même parler de l’existence inexistante des « héros » pitoyables à la Beckett ou des conversations bizarrement banales ou imperturbablement absurdes à la Pinter. Le principe des réticences ou des refus ne résident pas seulement dans un défaut de familiarité, mais dans une attente profonde de participation, que la recherche formelle déçoit systématiquement, en particulier lorsque, refusant de jouer les séductions « vulgaires » d’un art d’illusion, la fiction théâtrale se dénonce elle-même, comme dans toutes les formes de théâtre dans le théâtre, dont Pirandello donne le paradigme dans les pièces mettant en scène la représentation d’une représentation impossible, Six personnages en quête d’auteur, Comme ci (ou comme ça) et Ce soir on improvise et dont Genet livre la formule dans le prologue des Nègres : « Nous aurons la politesse, apprise par vous, de rendre la communication impossible. La distance qui nous sépare, originelle, nous l’augmenterons par nos fastes, nos manières, notre insolence, car nous sommes aussi des comédiens ». La Distinction - critique sociale du jugement Pierre Bourdieu Les éditions de minuit - 1979 1 Le Théâtre et son Double : Ouvrage dans lequel Antonin Artaud (1896 - 1948), poète, acteur et théoricien du théâtre français définit son concept du « théâtre de la cruauté » 10 L’esthétique populaire de Monsieur Jourdain Le Bourgeois gentilhomme Acte I scène2 MONSIEUR JOURDAIN. Il entr'ouvre sa robe, et fait voir un haut-de-chausses étroit de velours rouge, et une camisole de velours vert, dont il est vêtu.— Voici encore un petit déshabillé pour faire le matin mes exercices. MAÎTRE DE MUSIQUE.— Il est galant. MONSIEUR JOURDAIN.— Laquais. PREMIER LAQUAIS.— Monsieur. MONSIEUR JOURDAIN.— L'autre laquais. SECOND LAQUAIS.— Monsieur. MONSIEUR JOURDAIN.— Tenez ma robe. Me trouvez-vous bien comme cela? MAÎTRE À DANSER.— Fort bien. On ne peut pas mieux. MONSIEUR JOURDAIN.— Voyons un peu votre affaire. MAÎTRE DE MUSIQUE.— Je voudrais bien auparavant vous faire entendre un air qu'il vient de composer pour la sérénade que vous m'avez demandée. C'est un de mes écoliers, qui a pour ces sortes de choses un talent admirable. MONSIEUR JOURDAIN.— Oui; mais il ne fallait pas faire faire cela par un écolier; et vous n'étiez pas trop bon vous-même pour cette besogne-là. MAÎTRE DE MUSIQUE.— Il ne faut pas, Monsieur, que le nom d'écolier vous abuse. Ces sortes d'écoliers en savent autant que les plus grands maîtres, et l'air est aussi beau qu'il s'en puisse faire. Écoutez seulement. MONSIEUR JOURDAIN.— Donnez-moi ma robe pour mieux entendre… Attendez, je crois que je serai mieux sans robe… Non, redonnez-la-moi, cela ira mieux. MUSICIEN, chantant.— Je languis nuit et jour, et mon mal est extrême, Depuis qu'à vos rigueurs vos beaux yeux m'ont soumis: Si vous traitez ainsi, belle Iris, qui vous aime, Hélas! que pourriez-vous faire à vos ennemis? MONSIEUR JOURDAIN.— Cette chanson me semble un peu lugubre, elle endort, et je voudrais que vous la pussiez un peu ragaillardir par-ci, par-là. MAÎTRE DE MUSIQUE.— Il faut, Monsieur, que l'air soit accommodé aux paroles. MONSIEUR JOURDAIN.— On m'en apprit un tout à fait joli il y a quelque temps. Attendez… Là… comment est-ce qu'il dit? 11 MAÎTRE À DANSER.— Par ma foi, je ne sais. MONSIEUR JOURDAIN.— Il y a du mouton dedans. MAÎTRE À DANSER.— Du mouton? MONSIEUR JOURDAIN.— Oui. Ah. Monsieur Jourdain chante. Je croyais Janneton Aussi douce que belle; Je croyais Janneton Plus douce qu'un mouton: Hélas! hélas! Elle est cent fois, mille fois plus cruelle, Que n'est le tigre aux bois. N'est-il pas joli? MAÎTRE DE MUSIQUE.— Le plus joli du monde. MAÎTRE À DANSER.— Et vous le chantez bien. MONSIEUR JOURDAIN.— C'est sans avoir appris la musique. MAÎTRE DE MUSIQUE.— Vous devriez l'apprendre, Monsieur, comme vous faites la danse. Ce sont deux arts qui ont une étroite liaison ensemble. MAÎTRE À DANSER.— Et qui ouvrent l'esprit d'un homme aux belles choses. MONSIEUR JOURDAIN.— Est-ce que les gens de qualité apprennent aussi la musique? MAÎTRE DE MUSIQUE.— Oui, Monsieur. MONSIEUR JOURDAIN.— Je l'apprendrai donc. Mais je ne sais quel temps je pourrai prendre; car outre le Maître d'armes qui me montre, j'ai arrêté encore un Maître de philosophie qui doit commencer ce matin. MAÎTRE DE MUSIQUE.— La philosophie est quelque chose; mais la musique, Monsieur, la musique… Pierre Bourdieu (1930-2002) est un sociologue français qui, à la fin de sa vie, devint, par son engagement public, l’un des acteurs principaux de la vie intellectuelle française. Sa pensée a exercé une influence considérable dans les sciences humaines et sociales, en particulier sur la sociologie française d’après-guerre. Sociologie du dévoilement, elle a fait l’objet de nombreuses critiques, qui lui reprochent en particulier une vision déterministe du social dont il se défendait. Son œuvre sociologique est dominée par une analyse des mécanismes de reproduction des hiérarchies sociales. Bourdieu insiste sur l’importance des facteurs culturels et symboliques 12 dans cette reproduction et critique le primat donné aux facteurs économiques dans les conceptions marxistes. Il entend souligner que la capacité des agents en position de domination à imposer leurs productions culturelles et symboliques joue un rôle essentiel dans la reproduction des rapports sociaux de domination. Ce que Pierre Bourdieu nomme la violence symbolique, qu’il définit comme la capacité à faire méconnaître l’arbitraire de ces productions symboliques, et donc à les faire...

« 2 Sommaire A propos du Bourgeois gentilhomme 3 Résumé de la pièce 4 L’intrigue 5 Analyse des personnages 6 Résumé acte par acte 7 Titre et quartiers de noblesse culturelle 9 Les pratiques culturelles de Monsieur Jourdain 9 L’esthétique populaire de Monsieur Jourdain 11 Pierre Bourdieu 12 Le caractère de Monsieur Jourdain 14 Après la représentation, comme si vous y étiez… 16 Molière : le génie 17 La vie de Monsieur de Molière 19 La jeunesse de Molière 20 Les débuts difficiles 21 Les débuts de la gloire 23 Le temps des scandales 27 L’apogée de sa carrière 31 Les dernières saisons théâtrales 33 La mort de Molière 35 Les Créateurs 41 Note d’intention de Denis Podalydès 43 Note d’intention d’Eri c Ruf 44 Biographies 47 Denis Podalydès, metteur en scène 47 Christophe Coin, compositeur 47 Eric Ruf, scénographie 48 Christian Lacroix, costumes 49 Infos pratiques 51 Crédits bibliographiques 52 La Presse 53. »

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