Le classicisme français
Publié le 10/11/2018
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GOUT MONDAIN ET IMITATION DES ANCIENS
Après la mort de Mazarin, en 1661, débute le règne effectif de Louis XIV qui marque l'avènement de ce qu'on appelle, depuis le xixe siècle, l'âge classique ou « classicisme ». Cette période particulièrement brillante des arts français, et notamment des lettres, s'épanouit durant les vingt-cinq premières années du règne du Roi-Soleil. Elle est qualifiée de « classique » en référence à l'art gréco-romain dont elle s'inspire, prônant la recherche de la perfection et de la mesure,du goût de l'harmonie sous toutes ses formes. Ce terme de • classique » renvoie également à la référence que cette période illustre dans l'histoire de l'art.
LES CARACTÉRISTIQUES DU CLASSICISME
Le REFLET d'une fRANCE FORTE
• Cet âge classique consacre l'ordre dans tous les domaines.
• Ainsi, tandis que l'Europe du Sud sort de son siècle d'or, que celle de l'Europe de l'Est est minée par la guerre et que l'Europe du Nord, certes de plus en plus riche, subit des troubles civils, la France renoue avec la paix et la prospérité, après les guerres civiles du milieu du XVIIe siècle et la Fronde.
• L'absolu tisme de Louis XIV ramène la noblesse à l'obéissance et établit la suprématie de la France en Europe.
• Sur les conseils de Richelieu, le roi renforce la vigueur de l'État en centralisant son administration et en intervenant dans tous les domaines de la vie publique, aussi bien économiques que culturels.
• Le jeune roi instaure une véritable politique culturelle, subventionnant des artistes choisis et fondant des institutions d'État comme les Académies.
• Sur le modèle de l'Académie française, créée par Richelieu en 1634, sont ainsi fondées l'Académie royale de peinture et de sculpture (1648), celle d'architecture {1671) et celle de musique {1672).
• La Comédie-Française, née en 1680 de la fusion de trois troupes, étend la tutelle royale sur le théâtre.
LA CODIFICATION DE L'ART LITTÉRAIRE
• Ces institutions ainsi que les auteurs de l'époque poursuivent les efforts entrepris dans la première moitié du XVIIe siècle pour définir le bon usage du français et codifier les lois propres de chaque genre littéraire.
• L'esthétique classique se définit peu à peu à travers un certain nombre de préceptes tels la volonté esthétique guidée par la raison et la réflexion, le contrôle de l'Inspiration, l'observation tranchante de la réalité, l'analyse précise des sentiments et des passions humaines...
• Les thèmes doivent être édifiants et favoriser la vraisemblance plutôt que l'extraordinaire, les drames de la vie courante plutôt que les aventures exceptionnelles.
• On s'interroge en outre sur le sens de la beauté littéraire et sur le meilleur style à adopter : l'« atticisme», style sévère et simple, ou l’« asianisme », style plaisant et orné.
• Les érudits finissent par suivre le conseil de Cicéron, affirmant la nécessité du décorum, c'est-à-dire de l'adaptation du discours à la situation et au public. d'où l'emploi de styles de divers degrés d'élévation.
• Le poids des • doctes » et des théoriciens rejoint ainsi celui, en plein essor, de l'auditoire mondain et bourgeois à qui il faut plaire.
• Les œuvres classiques sont ainsi rédigées dans des registres qui vont du style • naïf »- naturel - qu'emploie M- de Sévigné dans ses Lettres, au style d'apparat dont use Bossuet dans ses sermons et ses oraisons.
• Les œuvres classiques sont marquées par la rigueur de la composition, la perfection de la forme et la sobriété du style, sans qu'un formalisme trop rigide ne nuise jamais à l'originalité de l'inspiration.
• Il en découle une très grande variété de styles. de formes et de sensibilités, modulés selon les genres, les commanditaires, l'auditoire visé.
• La production littéraire reflète ainsi toute la richesse et la complexité d'une époque éprise de « bien-dire ».
• Récusant l'humanisme optimiste de Corneille et les compromissions du romanesque, Racine cherche, à l'instar des Anciens - des auteurs de l'Antiquité gréco-romaine-, à susciter « terreur et pitié », dans une perspective édifiante, selon le principe de la catharsis. Il met pour cela en œuvre la passion - passion amoureuse et ambition politique - dans sa nudité, sa violence et sa complexité. Le respect strict des unités de lieu, de temps et d'action crée une atmosphère de huis-clos qui va dans le sens d'une concentration, voire d'une intériorisation du conflit. Caractérisé par une pénétrante analyse psychologique et par la rigueur de l'écriture, cet art épuré constitue l'un des sommets du classicisme.
• D'autres auteurs se sont essayé, dans l'ombre de Racine, au genre tragique tels Thomas Corneille (1625-1709 ; Ariane, 1672), frère de Pierre Corneille, et Philippe Quinault (1635-1688; Astrale, roi de Tyr, 1665).
«
Faut-il
compatir ou condamner ?
Tel est le dilemme de ce court récit qui,
aux longs développements des romans
précieux, préfère la forme concise de
la nouvelle à laquelle sa densité confère
une tension dramatique.
L'auteur apporte
en outre à son récit la « crédibilité »
qui deviendra une des principales
caractéristiques du roman moderne.
• Sous le règne du roi Soleil, le théâtre
joué connaît un important essor : des
troupes fixes sont créées à Paris tandis
que les troupes itinérantes bénéficient
de la pratique du mécénat.
• Deux grands genres dominent :
la tragédie- « régulière », c'est-à-dire
soumise aux règles d'Aristote, où
excella Corneille, tragédie héroïque,
ou encore romanesque -et la comédie.
• Les théories de la dramaturgie classique
fleurissent -énoncées notamment
dans la Lettre sur la règle des vingt
quatre heures (1630) de Jean Chapelain,
la Pratique du théâtre (1657) de
l'abbé d'Aubignac ou encore Discours
et Examens (1660) de Pierre Corneille.
• Deux grands maîtres dominent
le théâtre classique : Racine pour
la tragédie et Molière pour la comédie.
l'ŒUVRE
DE RACINE (163!H699)
• La Thébaïde (1664), Alexandre le
Grand (1665), Amlt'Omaque (1667),
les Plaideurs
(comédie; 1668),
Britannicus
(1669),
Bérénice
(1670),
Bajazet (1672),
Mithridate (1673),
Iphigénie • Il revient au génie de Jean-Baptiste
Poquelin, dit Molière (1622-1673),
1-------------1 d'avoir contribué à faire de la comédie
un genre littéraire de premier plan.
en
Au/ide (1674), Phédre (1677),
Esther (1689), Athalie (1691).
• Récusant l'humanisme optimiste •Il s'inspire pour cela des sources
de Corneille et les compromissions
les plus variées : les comiques latins
du romanesque, Racine cherche,
comme Plaute, la commedia dell'arte
à l'instar des Anciens -des auteurs italienne
et la tradition médiévale
de l'Antiquité gréco-romaine-, de
la farce.
à susciter « terreur et pitié », dans •
Non dépourvues de profondeur
une perspective édifiante, selon
et de gravité, ses comédies dévoilent
le principe de la catharsis.
Il met
des manies et des délires inquiétants
pour cela en œuvre la passion et
dénoncent des vices de son temps
- passion amoureuse et ambition (l'Av
are, 1668; Dom Juan, 1665 ;
politique -dans sa nudité, sa violence le
Tartuffe, 1664).11 traite, en outre,
et sa complexité.
Le respect strict
sur le mode satirique de faits de société
des unités de lieu, de temps et d'action comme
le problème de l'éducation
crée une atmosphère de huis-clos des femmes (l'École des femmes, 1662)
qui va dans le sens d'une concentration, ou les excès ridicules de la préciosité
voire d'une intériorisation du conflit.
(les Précieuses ridicules, 1659).
Caractérisé par une pénétrante analyse • « Législateur des bienséances
psychologique et par la rigueur de
du monde » selon Voltaire, Molière
l'écriture, cet art épuré constitue s'inscrit ainsi dans la tradition moraliste
l'un des sommets du classicisme.
de son époque.
Sans jamais dépasser
• D'autres auteurs se sont essayé,
les limites du bon goû� son comique
dans l'ombre de Racine, au genre mêle
la langue des aristocrates
tragique tels Thomas Corneille et
le patois paysan et associe
(1625-1709 ; Ariane, 1672), frère
les situations les plus tragiques
LEs RÈGUS CLASSIQUES
de Pierre Corneille, et Philippe
au comique farcesque élémentaire
• Les règles fondamentales du théâtre Quinault
(1635-1688 ; Astrale, et
à la pantomime.
La portée de son
classique sont fiXées, la plus célèbre étant roi de Tyr, 1665).
propos
a transcendé les siècles, tout
celle dite« des trois unités » : unité
f-------------1 comme les types littéraires qu'il crée
d'action, unité de temps, unité de lieu.
-
Harpagon dans l'Avare, par exemple.
Celle-ci impose que l'intrigue constitue l'ŒUVRE
DE MOLIÈRE
• Molière crée, en outre, la comédie-
un tout organique -unité d'action ; elle
(1621·1673) ballet
qui combine musique, danse,
interdit toute rupture spatio-temporelle : action
(le Bourgeois gentilhomme, 1670).
la scène doit représenter un seul lieu • L' Étourdi (1655), le Dépit amoureux ·Après lui, des auteurs de moindre
- unité de lieu -et le temps de la pièce (1656), les Précieuses ridicules (1659), envergure tel Jean-François Regnard
doit se rapprocher du temps de la
Sganarelle ou le Cocu imaginaire (1655-1709; le Légataire universel,
représentation en n'excédant pas vingt-
(1660), Dom Garcie de Navarre, 1708)
ou Alain René Lesage (1668-
quatre heures -unité de temps.
l'École des maris, les Fâcheux 1747 ; Turco re� 1709), s'attaquent
• Viennent s'ajouter aux règles des unités (1661), l'É cole des femmes (1662), au
genre de la comédie.
celles du goût mondain qui préconisent
la Critique de «l'École des femmes»,
la vraisemblance, la cohérence des
l'Impromptu de Versailles (1663),
caractères et la « bienséance », et
le Mariage forcé, la Princesse d'Élide
déconseillent de choquer le spectateur.
(1664), le Tartuffe (1664, 1667, 1669),
lA TRAGÉDIE RACINIENNE
• Avec les sept tragédies raciniennes
en l'espace de dix ans, d'Andromaque
à Phédre, le genre atteint son apogée.
• « Chargé de peu de matière », le
théâtre de Jean Radne (1639-1699)
s'adapte aux règles des trois unités.
Dom
Juan ou le Festin de pierre,
l'Amour médecin (1665), le Médecin
malgré lui, Mélicerte, le Misanthrope
(1666}, la Pastorale comique,
le Sicilien ou l'Amour peintre (1667},
Amphitryon, Georges Dandin,
l'Avare (1668}, Monsieur de
Pourceaugnac (1669), les Amants
magnifiques, le Bourgeois
gentilhomme (1670}, Psyché (en
collaboration
avec
Corneille, Quinault
et Lully),
les Fourberies
de Scapin,
la Comtesse
d'Escarba-
IIMl.:..,._, gnas
(16n},
les Femmes
savantes (1672), fe Malade
Ima ginaire (1673).
LES
FABLES DE LA fONTAINE
• Au cours du XVII' siècle, la fable
et le conte gagnent leurs lettres
de noblesse, s'imposant rapidement
comme des genres à part entière.
De grands auteurs s'intéressent à ces
formes jusque
là réputées
mineures:
le plus
talentueux
est incontes
tablement
lean de
La Fontaine
(1621-1695).
• S'inspirant du Grec Ésope et du Latin
Phèdre, celui-ci tire parti de toutes
les ressources de cette forme brève,
atteignant parfois une dimension
véritablement épique.
À l'instar de
l'œuvre de Molière, ses fables sont
un miroir de l'humanité qui livre une
morale sévère et pessimiste d'honnête homme.
La Fontaine met en scène
des animaux, des types humains
ou des figures mythologiques pour
illustrer les travers ou les vertus de
la société de son siècle.
Son univers
poétique, qui fait vibrer toutes les
cordes du ridicule, brille d'une variété
et d'une originalité sans égales.
·Si c'est aux fables que La Fontaine
doit sa notoriété, il a longtemps été
pour ses contemporains l'auteur,
aimable et léger, de Contes et
Nouvelles en vers (1665), empruntant
le plus souvent ses sujets à Boccace
et à l'Arioste.
LES CONTES DE PERRAULT
• Contemporain de La Fontaine,
le conteur
Charles
Perrault (1628-1703)
puise, quant
à lui, son
inspiration
dans la vogue
du merveilleux
qui sévit alors
dans les salons parisiens.
• C'est à lui que revient le mérite
d'avoir renouvelé le genre du conte
de fées avec ses Histoires ou Contes
du temps passé (1697), en vers,
et les Contes de ma mère l'Oye (1697),
en prose.
Issus d'une littérature naïve
et enfantine, ces contes se prêtent
toutefois à plusieurs niveaux de lecture.
LES THÉORIES LlnÉRAIRES
• Le Grand Siècle engendre un corps
de préceptes à l'origine de systèmes
littéraires qui définissent ce que l'on
appelle le classicisme en littérature.
• L'un des principaux théoriciens
de l'époque
est Nicolas
Boileau, dit Boileau
d'Espréaux (1636-1711),
qui, renonçant
à sa profession
d'avocat,
se fait
le censeur des mœurs et des idées.
· S'attachant à normaliser l'art d'écrire
dans ses Épitres (1669-1695),
il développe dans son Art poétique
(1674) la poétique classique ou
« doctrine classique » qu'il place
sous l'égide de celle d'Aristote et
de ses commentateurs italiens, comme
Scaliger et Castelveto, ou hollandais
comme Heinsius et Vossius.
Le credo
de 1 'esthétique classique y est
clairement énoncé : imitation des
Anciens, modèles de naturel et de
poésie, culte de la raison et du vrai
et précepte du « plaire et instruire »
qui réhabilite notamment le théâtre
condamné par les maîtres jansénistes
de Port-Royal : la comédie est justifiée
par la satire morale et la tragédie
par la « purgation des passions »
qu'elle opère.
UENCE REUGIEUSE
• L'âge classique confère un second
souffle à la parole chrétienne.
Dans ce domaine comme en d'autres,
les auteurs observent les règles
du bon goût afin d'atteindre le plus
large public.
•
Les sermons et les oraisons funèbres
de Jacques Bénigne Bossuet (1627-
1704), l'une des grandes figures de
l'Église de France sous le règne de
Louis XIV et précepteur du Dauphin,
incarnent à la perfection les principes
du classicisme.
La parole majestueuse
de ce brillant orateur développe les
grandes idées morales de la période,
à la lumière du dogme catholique.
Ses oraisons constituent des modèles
du grand style dans lesquels la
rhétorique s'anime d'un souffle lyrique.
• Toutefois, ses contemporains lui
préfèrent Louis Bourdaloue (1632-1704)
plus moralisateur, Jules Mascaron
(1634-1703), plus flamboyan�
Esprit Fléchier (1632-1710), plus nuancé
ou encore Jean-Bap tiste Massillon
(1663-1742), plus pathétique.
Tous ces auteurs, imprégnés par
l'esthétique classique, ont donné
à l'éloquence religieuse un éclat
inégalé à aucune autre époque.
LE DÉCUN DU CLASSICISME
CRISE POLITIQUE ET
PROGRÈS DU CARTtSIANISME
·À partir de 1680, l'absolutisme
de Louis XIV subit ses premiers revers
financiers et militaires : l'État ruiné
multiplie les impôts et le niveau
de vie de la population s'en ressent.
Cette crise politique et sociale
entame le prestige royal, entraînant
bientôt une évolution des mentalités.
Le principe d'autorité est remis en
question dans tous les domaines et
l'équilibre classique s'en trouve rompu.
• Le cartésianisme, dont l'Influence
est de plus en plus grande, ne se limite
plus à la philosophie :il s'étend
à l'esthétique.
Ce goOt des idées
claires et distinctes se répand
largement dans les salons mondains.
Au nom de la vérité rationnelle,
on rejette bientôt l'autorité des
Anciens, comme au nom de la raison
on rejettera bientôt l'absolutisme
royal.
Les éléments constitutifs
du classicisme -goût mondain
et imitation des Anciens -menacent
ainsi de se séparer.
LA QUERELLE DES ANCIENS
ET DES MODERNES
• C'est ce qu'on a appelé, à la fin
du XVII' siècle, la querelle des Anciens
-s obriquet imposé par leurs
adversaires -et des Modernes -
titre de gloire revendiqué par ses
partisans -qui pose le problème
du progrès dans les arts et les sciences
à côté de celui du progrès moral.
Les défenseurs des Modernes,
comme Fontenelle ou Perrault,
s'opposent aux tenants des Anciens,
comme Boileau, Racine et La Bruyère.
• La libre pensée, réapparue en cette fin
de siècle, sonne la fin de l'âge classique
et annonce la sensibil
ité
qui sera celle
du siècle des Lumières.
Moribond
dès 1685, le classicisme meurt avec
Louis XIV, en 1715..
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