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LE FANTASTIQUE chez Gogol

Publié le 17/01/2022

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La perte des repères — dimension caractéristique du fantastique — s'inscrit aussi dans la confusion opérée par le narrateur entre l'imaginaire et la réalité ou (ce couple est une variante du précédent) entre le rêve et l'état de veille. La confusion entre ces deux derniers états est développée dans Le Portrait et dans La Perspective Nevsky.

« monde « réel » des traces tangibles permettant de soutenir l'incroyable hypothèse du franchissement des limitesentre rêve et réalité.

On sait que le héros du Portrait, au lendemain d'une nuit agitée, trouve un vrai rouleau de milleducats grâce auquel son existence acquiert un tour radicalement nouveau.

Le classicisme du procédé consistant àconfondre rêve et réalité était déjà attesté à l'époque de Gogol.

La première version du Nez se terminait d'ailleurspar une fin similaire Kovaliov se réveille, tout cela n'était qu'un rêve.

Ce caractère récurrent du procédé peut certesen affaiblir l'impact.

Mais il n'en reste pas moins que nous sommes en présence d'une composante essentielle dufantastique : la confusion entre réalité diurne et nocturne, entre imaginaire et réalité, entre rêve et état de veilletraverse plusieurs nouvelles du recueil.

Elle fonctionne comme une fenêtre ouverte sur les forces obscures del'univers.

L'inspiration fantastique est révélatrice des inquiétudes, des méfiances et des réserves que suscite unemodernité urbaine au sein de laquelle une apparence faussement rassurante dissimule des pièges, des tentations etdes maléfices susceptibles d'emporter les forts comme les faibles, les naïfs aussi bien que les ambitieux.La présence de forces archaïques et maléfiques au sein de la modernité urbaine est illustrée par le déroulement del'intrigue du Manteau.

On sait que le héros, Akaky Akakiévitch, s'y transforme en fantôme afin de se venger deshumiliations subies de son vivant.

Ce renversement de situation est traité sur un mode comique : le fantômes'exprime avec la grossièreté d'un bonimenteur, il éternue avec une force qui vient à bout des résistances deplusieurs fonctionnaires de police, etc.

Mais il n'en reste pas moins que l'apparition du fantôme est révélatrice dansle contexte de Pétersbourg.

La métamorphose d'Akaky Akakiévitch signale la fragilité de la séparation entre le mondedes morts et celui des vivants.

Le fantastique se charge d'implications morales, il contribue à la mise en place d'undiscours implicite sur la vanité des grandeurs de ce monde : les distinctions établies ici-bas sont toujourssusceptibles d'être remises en cause, voire inversées.

BILANSur le plan esthétique, le fantastique concourt donc à la puissance d'évocation du texte.

Les scènes entrevues enrêve, les moments de plénitude illusoire (rêve de Piskariov) comme ceux de souffrance et de malaise (visionsnocturnes de Tchartkov) sont là pour attester la capacité des Nouvelles de Pétersbourg à produire des équivalentslittéraires d'une réalité saisie dans ses moindres détails.Sur le plan idéologique, la présence du fantastique est riche d'implications multiples.

En signalant que la vengeancedes humbles (Le Manteau) et le succès des artistes (Le Portrait) ne sont envisageables qu'au prix d'une modificationdes modes de perception de la réalité, le texte fantastique dénonce les contradictions et les dysfonctionnements dela réalité sociale.

On peut parler d'une dimension critique du fantastique, entendu comme outil permettant d'exhiberles insolubles contradictions d'un ordre injuste, où il est impossible de réussir et de rester un artiste vivant ; où il estimpossible d'aimer une femme possédant en réalité les qualités entrevues en rêve.

Le fantastique propose unesolution imaginaire à des conflits réels qui perdurent après lui : en ce sens, il se met au service de la critiquesociale, voire idéologique et politique.Cependant, contre la prétention du réalisme à donner toutes les clés nécessaires à la compréhension d'un mondepostulé comme intelligible, le fantastique entretient le doute et l'hésitation.

La modernité urbaine n'est qu'un masquetrompeur, la rationalité des comportements humains peut à tout moment basculer dans la folie, le songe peut revêtirl'apparence de la réalité.

Le texte construit ainsi, nouvelle après nouvelle, l'image d'une ville obscure, mystérieuse,hostile et impénétrable.

Gogol ne nous renvoie pas seulement à la réalité concrète d'une ville russe située à uneépoque précise, érigée dans des conditions invitant les observateurs à parler des influences maléfiques qui ladominent.

Pétersbourg sert de toile de fond à la mise en place d'un classique du genre.. »

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