LE LYRISME DE LA FONTAINE

« — Goûts personnels.

Ses goûts personnels : étude, rêverie, poésie...

l'enchantent : Chacun songe en veillant ; il n'est rien de plus doux...

Solitude, où je trouve une douceur secrète.

Lieux que j'aimaitoujours, ne pourrai-je jamais, Loin du monde et du bruit, goûter l'ombre et le frais ? Oh ! qui m'arrêtera sous vossombres asiles ? — La mort, la fuite du temps. Parle-t-il de la mort, de la fuite du temps ? On sent la mélancolie ou la révolte de l'être éphémère : Alléguez la beauté, la vertu, la jeunesse ! La Mort ravit tout sans pudeur. (La Mort et le Mourant.) ...Ne sentirai-je plus de charme qui m'arrête ? Ai-je passé le temps d'aimer ? (Les deux Pigeons.) — Convictions profondes.

Ses idées morales enfin ne s'expriment pas toujours avec le détachement serein dupenseur objectif.

Elles engagent son cœur autant que son esprit et sont empreintes d'une grande gravité.

Elles sont« confidence » et non plus « leçon » : On a souvent besoin d'un plus petit que soi : De cette vérité deux fables feront foi. Ou... Si j'osais ajouter au mot de l'interprète, J'inspirerais ici l'amour de la retraite ...

« J'inspirerais »...

et non pas « j'enseignerais ». 2.

— Le style lyrique. Emotions, sentiments, convictions...

sont exprimés dans un style pathétique plein de naturel et de vivacité,poétique également par ses images et sa musique. 1.

— Le pathétique : son naturel, sa vivacité. La langue de La Fontaine est remarquablement naturelle.

Dans de nombreux vers les mots « doux » ou « douceur »suffisent à suggérer le bonheur intime du poète : Chacun songe en veillant ; il n'est rien de plus doux.

Qu'un ami véritable est une douce chose.

Solitude, où je trouveune douceur secrète...

Faut-il que tant d'objets si doux et si charmants... D'autre part la vivacité du pathétique est due à la traduction exacte des sentiments, de leur force ou de leurdélicatesse : Qu'un ami véritable...

Amants, heureux amants...

J'inspirerais ici l'amour de la retraite.

Biens purs, présents du ciel... Les antithèses, les répétitions les plus spontanées renforcent le pathétique de l'expression : Soyez vous l'un à l'autre un monde toujours beau Toujours divers, toujours nouveau.

Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste. La discrétion du trait pathétique accroît sa vivacité.

Par souci d'art autant que par respect des bienséances ( « Lemoi est haïssable » !) La Fontaine n'a écrit que peu de fables lyriques.

Les traits pathétiques sont bien moinsnombreux que les traits comiques : ils ne s'en remarquent et n'en portent que mieux.

Obtiennent un effet identique :les précautions oratoires qui précèdent les confidences : « Si j'osais ajouter...

», le glissement insensible de « on » à« nous » puis à « je » (fin de La Laitière et le pot au lait) ou l'humour par lequel le poète se défend parfois de l'émotion (fin des Deux Pigeons).

La Fontaine sait que l'émotion contenue — ou qui semble contenue — portebien plus que le pathos intempérant. 2.

— Les images et la musique. Enfin La Fontaine, par le prestige de quelques images et le charme de sa musique, donne à l'expression pathétique. »